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Chaque automne, depuis trois ans, Gabriel Saloman prend un malin plaisir à renverser le cours des choses. Là où tout semble mourir, tomber lentement de l’arbre puis se décomposer pour finir par ne faire qu’un avec le sol, l’ex-Yellow Swans choisit cette période précise pour s’abreuver de ces moisissures nouvelles et faire jaillir un énième mouvement d’une beauté, d’une noirceur et d’une froideur qui repoussent à chaque fois les limites que Saloman s’était lui-même fixées.
Il y eut le mélancolique Adhere en novembre 2012, l’angoissant Soldier’s Requiem en novembre 2013, avant d’entrer de plain-pied dans sa série Movement Building développée avec l’incontournable label néo-Rennais Shelter Press en 2014, toujours à la même époque. Un premier volume où Saloman semblait ne faire qu’un avec la thématique de la contrainte corporelle, une bande-son spécialement développées pour une compagnie de danse contemporaine. Rassembler en un point le bruit et le toucher, la sensation du frôlement des corps, une préoccupation régulière chez le compositeur. Comme à son habitude, c’est un amas de drones insidieux et d’éléments percussifs qui créent un sentiment d’oppression de plus en plus prégnant le temps des 34 minutes tendues au possible que durent les deux parties de The Disciplined Body. Une torture lente mais diablement efficace.
Sans surprise, Saloman offre donc en cet automne 2015 un tout nouveau Movement Building Vol. 2 qui s’inscrit dans la droite lignée de son prédécesseur. Lorgnant sans détour vers l’hommage appuyé au gagaku, la musique de cour japonaise, ancêtre du drone moderne, Movement Building Vol. 2 est une nouvelle plongée dans une peinture sonique mi-drone mi-ambient comme seul Saloman sait les produire : une combinaison d’effets électroniques dérangeants et d’éléments sonores d’une profondeur troublante, comme pour générer un stimuli fort chez l’auditeur. A l’image d’un Ear Piercer au nom on ne peut plus équivoque, soit 4 minutes de tintements d’une cloche qui frôlent l’insoutenable, réplique crédible d’un acouphène angoissant qui, au-delà des tympans, engage littéralement le corps tout entier de l’auditeur dans l’écoute du disque.
Plus encore que pour son prédécesseur, de ce deuxième volume se dégage une beauté et une classe sorties tout droit d’un film japonais contemplatif qui n’aurait pour personnage principal que ces tambours habités d’une âme étrange qui semble hurler à la mort à chaque nouveau coup porté (Mountain Music). Un instant angoissant où Saloman ralentit encore davantage le temps pour finir par se sentir enfermé au sein du morceau, quasi statique. En somme, une démarche réellement opposée de celle entreprise par son ex-comparse Pete Swanson; deux faces d’une même pièce travaillant toujours plus loin vers les limites de ce que la musique moderne peut proposer.
Movement Building Vol. 2 est le départ de Gabriel Saloman pour un monde plus gris mais paradoxalement plus attirant, peuplé d’être vivants aux mouvements lents et décomposés à l’extrême. Une dynamique qui se rapproche du rythme de la nature : inexorable et sans commune mesure avec la dynamique explosive mais éphémère de l’être humain. Les compositions coulent, se déploient et s’infiltrent partout avec la sérénité d’un fleuve millénaire, depuis le pic d’une montagne antédiluvienne. Avec à son sommet un Gagaku d’une puissance incomparable, Movement Building Vol. 2 propose là un véritable instant méditatif singulier, démontrant à quel point la démarche de Saloman aujourd’hui n’a plus rien à envier aux tous meilleurs du genre.
Gabriel Saloman – Movement Building Vol. 2 (Shelter Press, 30 octobre 2015)
A1. Contained Battle / Ascend
A2. Ear Piercer
A3. Mountain Music
B1. Gagaku
B2. My Funny Valentine
Écrit par: Dom Tr
Gabriel Saloman Movement Building Vol. 2 Shelter Press
Hier, sans aucune forme de prétention, nous cherchions à transcrire et à réfléchir notre époque. Curieux et audacieux, défricheur passionné, nous explorions sans oeillères et à travers un contenu éditorial toujours riche
et exigeant l’ensemble des strates qui composaient le monde bouillonnant de la musique indépendante, ses marges souvent nichées dans le creuset du web comme le halo médiatique qui entourait certains. Mais çà c’était avant. Aujourd’hui, on fait ce qu’on peu !
dieu vous le rendra….
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