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Suivre de près la carrière de Main Attrakionz laisse un goût amer, la sensation d’un parcours qui ne serait pas totalement allé là où il aurait dû. À l’aube de leur explosion médiatique sur le web, Mondre M.A.N. et Shaddy B., deux amis d’enfance originaires d’Oakland, Californie, avaient déjà posé les bases ce qui n’était pas encore tout à fait ce « cloud rap » unique en son genre mais un amoncellement de freestyles sur tout ce qui leur tombait sous la main (depuis les Little Brother et MF Doom jusqu’à d’obscures prod westcoast sorties du gouffre bom-bap).
Leur seule exigence à ce stade semblait être cet ajout d’une reverb à outrance et ce jeu de voix à deux déjà au point, témoignage précoce d’une envie d’élévation spirituelle enfantine qui préfigure la suite de leurs aventures discographiques peuplées de nappes de synthés vaporeuses et de paysages éthérés. Sans non plus tomber dans les délires intellectualisant loin de leur préoccupation principale : trouver le raccourci entre la rue et le cosmos.
De 2011, année de naissance officielle du cloud rap, à 2013, Main Attrakionz n’en finira plus d’asseoir son emprise sur un sous-sous-genre qui marquera la planète rap, pavant la voie pour les futurs succès à grande échelle de Clams Casino et plus encore d’ASAP Rocky, ou des succès d’estime plus singuliers de SpaceGhostPurrp et autres Yung Lean étranges. Mais rien ne décolle réellement pour Main Attrakionz, en dépit de l’image que le duo véhicule et de l’influence qu’ils entretiennent en direction des puristes du genre.
Après deux années d’un relatif silence en duo, Main Attrakionz revenait avec le très attendu 808’s & Dark Grapes III, étrangement disponible via Vapor Records, le label d’un certain… Neil Young. Un deuxième véritable album officiel qui se paie le luxe de renouer avec ce que le nerdisme electro / web a engendré de plus créatif et inspirant sur la côte ouest : le duo Friendzone, dont la patte sonore aura grandement contribué à former le cloud rap à coups de prods et de tapes bien placées. En 2015, si la vague cloud rap semble bien loin dernière nous, que reste-t-il de Shaddy B et Mondre M.A.N. si ce n’est quelques souvenirs d’une hype passagère ?
La réponse du duo est claire : 808’s & Dark Grapes III est l’aboutissement logique d’une démarche très personnelle, qui trouve là un écrin parfaitement élaboré de bout en bout. Parce qu’ils n’ont jamais cherché à calculer, les deux rappeurs se sont cantonnés à ce qu’ils savent faire sans pour autant sonner comme réellement décalé. Et c’est probablement là que se situe le véritable tour de force des Main Attrakionz : tout en restant eux-même, ils semblent parvenus à redonner un second souffle à une hype au destin funeste, écrit par avance, par un immobilisme d’apparence qui révèle en fait doublé d’une sérénité exemplaire.
Dans les faits, le travail de production de 808’s & Dark Grapes III a permis aux quatre protagonistes de repousser leurs limites. Dans le fond comme dans la forme, on retrouve les ingrédients principaux du succès d’estime de Main Attrakionz tout en explorant de nouveaux horizons. D’abord par un travail de production soigné, cohérent et aventureux qui doit beaucoup à la large utilisation de synthés en tous genres, tour à tour enchanteurs, surfant sur un arc-en-ciel multicolore (Green Ova Diamond), convoquant un erzatz de fanfare en plein trip (Right Now) ou agressifs et vivaces (l’hypnotique mélodie d’intro de Cycles), comme un coup de semonce à répétition. En toute occasion, les deux Friendzone n’hésitent pas à faire évoluer les deux rappeurs dans ce qu’ils préfèrent par-dessus tout : un lyrisme électronique de chaque jour qui se marie à merveille avec leur vision ghetto-existentialiste. Allant même jusqu’à convoquer l’héritage sudiste en reprenant à leur compte le légendaire sample du Hollywood de Rick James, magnifié sur la balade aride Da Summa des jeunes Three 6 Mafia il y a vingt ans, où les Main Attrakionz délivrent là le cÅ“ur de leur message : « Fuck it, let’s keep it going ’till the sun come up ».
Un tapis rouge pour le mélange d’ego trips, de considérations spirituelles, d’hommages au crew et de petites ambitions du quotidien dont MONDRE Man et Squadda B se sont faits des spécialistes. Sans jamais trop en faire, professionnel dans le relâchement, le duo reste suffisamment amateur pour garder cette approche presque next door, la vérité comme évidente vitrine d’un genre pleinement maîtrisé. Pas toujours très en place, l’hésitation est une vieille formule qui fonctionne à merveille lorsqu’elle est mise en scène par les talents complémentaires des deux rappeurs. Une fragilité qui frôle l’antitube sur l’évident Ain’t No Other Way, l’un des plus vieux morceaux sortis de l’escarcelle Main Attrakionz lors de la première phase de la promo, ou le climax orchestral de Two Man Horror Film.
Si son prédécesseur avait été salué comme la quintessence du style des deux Green Ova, 808’s & Dark Grapes III semble arriver un peu trop tard pour vraiment prendre la place qui lui revient de droit, véritable livre des révélations d’un cloud rap qui n’en est plus vraiment un mais qui charie derrière lui de nouvelles et excitantes possibilités pour le duo. Quant à savoir si Main Attrakionz et Friendzone arrivent trop tôt ou trop tard, impossible de clairement le dire aujourd’hui. Les plus attentifs auront compris que Main Attrakionz a choisi de retourner prêcher dans le désert afin de se retrouver. Charge à ceux qui auront entrevu ce nouveau signe de le passer au plus grand nombre afin que se répande à nouveau le message des deux rappeurs, emplis d’un calme et d’un optimisme à la fois touchant et confondant.
Main Attrakionz – 808’s & Dark Grapes 3 (Vapor Records, 2015)
01. Shoot The Dice Featuring – Shady Blaze
02. G.O Style Featuring – Dope G (2), Lo Da Kid, Robbie Rob (2)
03. Dip
04. Spoken Jewelz
05. Aint No Other Way
06. Cycles3
07. My Story
08. Right Now2
09. Summa Time
10. Green Ova Diamond
11. G.O All I Know
12. Two Man Horror Film
Écrit par: Dom Tr
808’s & Dark Grapes 3 Main Attrakionz Vapor Records
Hier, sans aucune forme de prétention, nous cherchions à transcrire et à réfléchir notre époque. Curieux et audacieux, défricheur passionné, nous explorions sans oeillères et à travers un contenu éditorial toujours riche
et exigeant l’ensemble des strates qui composaient le monde bouillonnant de la musique indépendante, ses marges souvent nichées dans le creuset du web comme le halo médiatique qui entourait certains. Mais çà c’était avant. Aujourd’hui, on fait ce qu’on peu !
dieu vous le rendra….
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