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On y était – Festival Kill Your Pop #9

today20/04/2012 50

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Festival Kill Your Pop #9, Dijon, du 10 au 15 avril 2012

Il aura fallu que le Festival Kill Your Pop soit bel et bien menacé financièrement pour qu’une escouade dépêchée par Hartzine se décide d’y traîner avec bonheur ses guêtres, et ce après d’innombrables occasions manquées et regrettées – en gros de 2008 à 2011 et l’accession du Dijon FCO parmi l’élite. Fomenté annuellement par l’association Sabotage dont Boris, en infatigable chef de file, nous avait conté les principes et les sources de motivation à l’occasion de la précédente édition (lire), le Kill Your Pop, neuvième du nom, et tel qu’on l’avait préalablement présenté (lire), s’annonçait comme un subtil aréopage d’inébranlables figures de la musique indépendante (Jad Fair, Sonic Boom, And Also The Trees), d’inestimables jeunes pousses (Holy Strays, Molly Nilsson, PanPanPan) et d’incontournables valeurs sûres (Ivan Smagghe, Turzi, Clara Clara, Jaccuzi Boys). Contre mauvaise fortune bon cÅ“ur, l’arrivée en gare de Dijon se fait le vendredi 13, vers 15h, soit à peu près en même temps que celle de Molly Nilsson, rencontrée deux jours auparavant à l’occasion du festival Fake Series.
Le temps de rejoindre la bande de saboteurs, vertement erreintée par la gouaille lyonnaise de la veille – les quenelles propulsives de Clara Clara, l’andouillette percussive de Pan Pan Pan – d’investir l’antre nous étant dévolue – partagée en bonne compagnie des Balades Sonores, présentes comme chaque année tout au long du festival – et de s’envoyer un apéro bourguignon de circonstances, que Molly Nilsson, un étage plus haut, lance les hostilités de la soirée. Munie de son lecteur CD, seul compagnon de route, dans un appartement tapissé d’un parterre de jeunes gens médusés par sa présence, la Suédoise – carré court blond, vêtue exclusivement de noir et perchée sur d’ineffables écrase-merde à semelles compensées – marivaude d’entrée avec les bons sentiments (I Hope You Die, Hiroshima Street…). L’excitation liée aux retrouvailles en tout genre fait place au vagabondage de l’esprit, glissant alors sans garde-fou sur les mélopées duveteuses de la Berlinoise d’adoption. Inutile d’épiloguer sur l’aspect karaoké du show, un backing band, même des plus frustes, embellirait indéniablement les ornements synthétiques d’History, dernier LP en date (lire) et arpenté à l’unisson en cette fin d’après-midi ensoleillé. Et si son précédent concert à Paris nous envoûta à plus d’un titre, l’obscurité du lieu – l’Espace B – n’y était guère étrangère.

Pas le temps de pavoiser, après un bref ping-pong sauvage, direction La Vapeur, où Edimbourg, duo francilien réconciliant The Knife et The XX, enchaîne sans coups férir. Visiblement pas encore à la hauteur sur scène de leurs prometteuses démos, le groupe pose plus qu’il n’impose, mais la jeunesse parle pour eux : des occasions de convaincre, il y en aura d’autres. Notamment en première partie de Blackbird Blackbird, le 7 mai prochain à l’Espace B. Les yeux se rivent ensuite sur Romain Turzi et son projet à consonance kosmische, Turzi Electronic Experience. Le son prend de l’ampleur, la salle, à moitié vide, à moitié pleine, s’agglutine, les jeux de lumières sont là pour aspirer l’attention et les corps dans un mantra sonique aux soubassements analogiques… mais très vite la puissance de feu du Parisien s’étiole sur l’autel d’une vanité sans doute inconsciente mais bien réelle : sa passionaria des machines en tout genre confine à l’étalage de joujoux incongrus – ah… ce fameux sample de motocyclette pétaradante – quand son attrait maladif pour Klaus Schulz et consort se borne à la redite et la morne réécriture des maîtres. En forcément moins bien. Et nous dans les poches, on n’avait pas de buvard à se mettre sous la langue. Seulement deux, trois godets d’Amstel, que l’on s’empresse benoîtement de ravitailler… bien avant que Peter Kember, sous son plus fameux nom de scène, Sonic Boom, ne fasse sien l’espace sonore. Hasard ou coïncidence, quelques heures auparavant – en pleine campagne bourguignonne bravée par le train – je tombais sous le charme de Sweet Heart Sweet Light, nouveau disque de Jason Pierce et de ses Spiritualized, comparse d’alors de Kember au sein des mythiques Spacemen 3. Seul devant ses machines, le corps balayé de projections aux visuels psychédéliques, la légende vivante – co-fondateur de Spacemen 3 donc, mais aussi de Spectrum et Experimental Audio Research… en plus d’être producteur à succès (MGMT, Panda Bear) – ne semble pas vraiment dans son assiette. Pour preuve, il profite d’une boucle bien calée pour s’échapper dehors s’en griller une. Le public, quelque peu décontenancé, ne lui en veut pas et notre homme se remet à l’oeuvre, soignant besogneusement la fin de son set, où son chant, toujours à la limite du talk-over, s’immisce sans effusion d’émotions dans les drones vrillés émanant de ses keyboards. Une légende contrariée en vaut parfois dix. Ce soir, assurément, tel n’est pas le cas, malgré l’éminence d’un propos space-rock se suffisant assurément à lui-même. On troque les bulles grossières de grivoise contre celles plus fines se délectant en coupes, que déjà Fancy Mike réchauffe l’atmosphère d’un hip-hop expérimental cadencé, habile décoction d’abstract et de cut à la Prefuse 73. Les têtes et les hanches valdinguent, tandis que la soirée se dilate à la faveur d’un Dijon noctambule, aux confins de bars à gogo-danseuses fantasmagoriques.
Malgré un réveil quelque peu nauséeux, à l’image d’un ciel éventré de pluie, on trouve les ressources suffisantes pour être d’aplomb dès 18h à l’Hôtel de Vogüé pour le concert, ouvert à tous, de Lescop. Ledit hôtel est bondé par une foule à forte connotation féminine, n’ayant d’yeux que pour le déhanché Joy Divisionesque de Mathieu Lescop, jusqu’alors associé au Rochelais d’Asyl. On se laisse prendre au jeu du badaud, porté par la clameur, et on apprécie, sans trop s’essayer à penser, un groupe que l’on écoute et voit pour la première fois. Manque de pot, les clichés formulés sont tels – entre la pause sérigraphiée Ian Curtis, les références « jeunes gens mödernes » et la prose d’obédience Daniel Darc/Daho – que l’on se retrouve vite en terrain (glissant) décidément trop rabattu pour que l’on s’y sente à l’aise. On préfère dire bonjour aux copains de l’autre festival dijonnais, l’Humanist Records Festival, s’étalant du 8 au 26 mai entre Paris et Dijon, tout en s’entichant de notre marotte absolue, Sébastien d’Holy Strays, aussi angoissé par son futur set que n’est raide la justice dans ce pays. Pour le coup, on rate le Lalala Crew qui s’invite à la fin du set de Lescop et c’est le ventre noué d’une telle déconvenue que l’on se rend au Consortium pour un premier partenariat du genre entre le Kill Your Pop et le festival itinérant Sonic Protest (lire).

Bouchons d’oreilles de rigueur, on pénètre dans l’enceinte immaculée du centre d’art contemporain avec la ferme conviction d’en prendre pour son grade. Alexis Malbert de Tapetronic ne sera pas celui qui contredira cette assertion, lui qui, depuis 1998, se passionne pour les cassettes et l’expérimentation dans leur utilisation live. N’hésitant pas à scratcher avec les bandes, le tape-DJ amoncelle sonorités stridentes et persiflantes, selon une trame free-punk éprouvée lors de ses précédents projets et collaborations. Objet de toutes les curiosités, son matériel, conçu par ses soins, associe pèle-mêle combiné de téléphone, planche de skate et bande magnétique. De quoi préparer l’assaut bruitiste entraperçu du sexagénaire japonais Keiji Haino, chantre d’un psychédélisme cathartique et expérimental.

Port d’attache de la soirée, la Péniche Cancale est déjà convulsionnée de beats prodigués à bon escient par le duo de jeunes DJ Dumb & Dumber. Va pour le patronyme puisque la salle est chauffée à blanc quand Holy Strays insuffle ses premières embardées. Hébergé jusque là chez Not Not Fun, et à l’orée de signer pour une dépendance du prestigieux label Rough Trade, le drone contondant du Parisien, perclus de palpitations ethno-dub, emporte immédiatement l’adhésion d’un public, certes venu en masse pour Ivan Smagghe, mais néanmoins fasciné par l’art subtil de Sébastien Forestier, batteur jazz de formation, d’intimer ses influences variées dans un souffle continu et cohérent de boucles rythmiques et de nappes de claviers. S’affairant derrière son laptop durant tout le set de son prédécesseur d’un soir, Ivan Smagghe enchaîne tambour battant un set à inscrire dans les annales Cancales. Rough Trade encore, le désormais moustachu s’occupait à la fin des années quatre-vingt-dix de la franchise parisienne du disquaire (lire) – en compagnie de Jérôme Mestre (Chronowax, Desire Records) et Arnaud Rebotini, avec qui il fonda Black Strobe, groupe puis aujourd’hui label – avant de devenir journaliste (Nova, Les Inrocks, Lenoir) puis strictement DJ. S’adressant essentiellement au corps – entre pulsations, crispations et libération des muscles – l’électronique de Smagghe trace dès lors la voie lactée de nos étourderies dans les entrailles d’une nuit dijonnaise détrempée. Il n’aura jamais fait aussi chaud sous la flotte.

Merci à tous les Saboteurs pour l’accueil et l’engagement, et merci aux Balades Sonores pour nous avoir supportés.

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Écrit par: Thibault

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