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Moro est la toute nouvelle signature du collectif NON dont on vous parlera sans doute plus longuement. Pour faire un bref topo, NON c’est le regroupement de Chino Amobi, Angel Ho et Nkisi. Un collectif comme internet peut en créer, basé entre l’Afrique du Sud, Londres et maintenant l’Argentine. C’est une sorte de collectif/diaspora politique qui produit de la musique. On ne parlera pas pour NON d’une actualisation d’un certain afro-futurisme mais d’une sorte de mouvement politique et intellectuel qui produit de la musique, et de la musique très intéressante. Dans les plaisirs coupables de l’année il y avait l’album de Gaika largement relayé par le collectif. L’objectif de NON est de réussir à produire une articulation entre les structures visibles et invisibles de la société (on parle ici des structures de domination, raciales, sociales, historiques) pour créer y une brèche… Mais arrêtons là pour NON dont on parlera ici ou ailleurs en détails.
San Benito donc. EP de Moro. Un Argentin qui pour accompagner la sortie d’Arrepientanse, « se repentir » en Espagnol, le single de l’EP nous explique que l’homme blanc argentin a peu à peu effacé les percussions du tango. Percussions prédominantes dans l’héritage des populations sud-américaine dans ce genre musical précis. Un EP qui tourne autour des percussions perdues du tango. Mais bien loin d’être une sorte de retour au source du tango, c’est un EP radicalement électronique. Ce qui est intéressant dans cet EP ( et je crois maintenant qu’on peut dire qu’il se passe vraiment quelque chose de radical dans cette scène électronique qu’on essaie d’explorer depuis quelques années) c’est qu’encore une fois, c’est à partir d’une position politique que se crée quelque chose.
Voilà le constat et le matériel, les percussions perdues du tango. Un silence assourdissant qui s’est peu à peu fait jour dans ce qu’on se représente d’un canon de la musique Argentine. Moro y opère un déplacement. Il ne s’agit pas de retourner aux sources du tango pour produire un album de tango, mais de travailler à partir de cette matière qui a progressivement disparu. De travailler à partir de ce fantôme des percussions du tango. Travailler à partir d’un fantôme, d’un silence c’est ici la base d’un travail pour produire un album absolument électronique. Il ne s’agit pas de faire retour, ni d’imaginer ce que pourrait être un tango sans la colonisation mais de travailler à partir d’une matière que l’on doit entièrement penser, imaginer. Politiquement il ne s’agit donc pas ici d’un dépassement de l’Histoire, mais d’une interrogation, et de la mise au jour d’un matériau immatériel. Pas de vision passéiste, pas de repli identitaire mais au contraire la prise en compte d’une Histoire douloureuse par la création, finalement d’une fiction, que seraient les percussions en Argentine sans l’arrivée de Pizarro.
S’il fallait encore appuyer le propos politique San Benito, traduire Saint Benoît, fait certes référence à Saint Benoît, mais surtout à la casaque jaune que devaient porter les condamnés de l’inquisition. Et on sait que l’Empire inca a été réduit à un quasi néant après l’arrivée des Espagnols. Musicalement on est dans une position relativement étrange. Cinq titres électroniques, portés sur la percussion, et notamment des percussions traditionnelles, en bois. Il y aussi tout un travail de collage, des captations ou des créations d’ambiance, gémissements, bruits de vagues, de bombardements ou d’avion. SAN BENITO STATUS…KILLED IN ACTION le dernier morceau de l’EP est à ce titre remarquable. Peut-être d’ailleurs qu’il faut voir dans son titre un travail mémoriel et programmatique.
C’est essentiellement un travail d’agencement, de rythmique, et surtout l’exploration d’une matière perdue. En cela, sans doute, San Benito est un EP marquant, et on attend avec une impatience non dissimulée les prochaines sorties de NON, et on garde un œil sur cet Argentin apparemment bigrement talentueux!
Moro – San Benito
Moro – San Benito (NON, 22 janvier 2016)
01. Libres
02. Arrepientanse
03. Caretango/valentina
04. Salve Sua Vida
05. San Benito Status…Killed In Action
Écrit par: Aurèle Nourisson
Hier, sans aucune forme de prétention, nous cherchions à transcrire et à réfléchir notre époque. Curieux et audacieux, défricheur passionné, nous explorions sans oeillères et à travers un contenu éditorial toujours riche
et exigeant l’ensemble des strates qui composaient le monde bouillonnant de la musique indépendante, ses marges souvent nichées dans le creuset du web comme le halo médiatique qui entourait certains. Mais çà c’était avant. Aujourd’hui, on fait ce qu’on peu !
dieu vous le rendra….
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