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The Shape of the Dance, la forme de la danse. Comme si l’on pouvait en esquisser les contours. Comme si Tomaga parvenait, et comme s’y sont essayés avant eux tant de sculpteurs, peintres, poètes et musiciens, à donner à cet art de l’expression corporelle — un art mobile, spatial et pluriel — une constance géométrique ou une représentation universelle. Valentina Magaletti et Tom Relleen ne recherchent pas l’allégorie, ils recherchent la forme, et dans leur approche expérimentale ils en admettent la malléabilité et l’évolutivité. Les huit pistes versatiles de cet album, qui ne s’écoute cependant pas comme un album concept, apportent la démonstration que la danse est avant tout une question de mouvement et de rythme, et même de rythmes au pluriel — avec autant de formes à croquer — entre tensions mécaniques et tempos biologiques.
Tuscan Metalwork s’ouvre comme une étude de signaux électroniques — une approche très expérimentale telles qu’on en a connues chez Edward Zadja ou Éliane Radigue — avant de vriller abruptement vers un répertoire industriel, sur le modèle du Persepolis de Xenakis mais revisité par une instrumentation contemporaine, où le grincement métallique assoit une ambiance dramatique durable qui impose sa respiration au morceau: une série redondante d’aspirations et d’expirations aussi harassantes que mille soupirs exhalés par des métallurgistes frappant leur acier en cadence. C’est une danse militante et ouvrière qui assèche la gorge et étourdit jusqu’à l’épuisement, et dont l’essence resurgira dans Scacco Matto. Derrière la respiration naturelle du track menée par un ressac régulier et soufflant s’est glissé le rythme taylorien d’une locomotive fatiguée, peut-être trop ancienne pour donner sa pleine puissance, ou bien contrariée par le grésil qui assourdit l’arrière-plan et finira par craqueler en cédant sous d’intenses projections de vapeur. De l’usine à la voie ferrée, le souffle a la même vitalité, le mouvement la même régularité.
L’album façonne d’autres formes de mouvement et de danse, revenant dans le titre éponyme à son expression tribale, fervente, mystique autour d’une ligne de basse ronde et bouillonnante allant et venant pour rythmer le déhanché d’une farandole minimaliste encerclée par une jungle de sons 8 bits. Une jungle dense, humide et lourde qui ne sera pas défrichée, quatre morceaux plus tard, dans la luxuriante et conclusive Gonda’s Dream et ses cliquetis sur fond de modulations giratoires et extatiques. L’exploration se fait, à la différence de la forme esquissée par le duo, universelle. Et l’ensemble revêt une certaine harmonie à puiser dans ces va-et-vient, ces tourbillons, ces exhalaisons, ces ressacs, ces grincements. Entre biologie et mécanique la respiration a la même régularité d’un bout à l’autre d’un morceau, allant jusqu’à métamorphoser une cadence notoire, comme ces castagnettes transformées en crécelles infatigables et irritantes (serpentines?) dans Stone Comb et qui, rejointes par des roucoulements électroniques pour toute ligne de basse, appuient de concert une sorte de phasing propulsé par des cuivres numériques lancés en un élan épique mais atonal. Le bref morceau prend des airs de duel interrompu par une conclusion mutilante, peut-être par une mise à mort?
Extraits du groupe de krautrock londonien The Oscillation (lire sur hartzine), Valentina et Tom n’ont conservé de cette approche que l’esprit d’expérimentation qui le caractérise et un morceau, A Perspective With No End en écoute ci-dessous, entamé par une ligne de basse qui rappellera les parangons autoroutiers des groupes d’outre-Rhin des années 70, mais qui échafaudera rapidement une structure indépendante à coups de percussions carillonnantes et membranophoniques. Il assoit à lui seul le propos du disque: l’expression du corps insufflée par le mouvement et la respiration, et renvoie à cette capacité naturelle et universellement partagée du mouvement libératoire, fût-ce de la danse ou le simple désir d’occuper l’espace entre deux pulsations.
Tomaga – A Perspective With No End
Tomaga – The Shape of the Dance (19 septembre 2016, Hands In The Dark)
01. Tuscan Metalwork
02. Stone Comb
03. The Shape Of The Dance
04. Scacco Matto
05. A Perspective With No End
06. Questionable Art In Public Spaces
07. Four Ducks Dead
08. Gonda’s Dream
Écrit par: Ted Supercar
A Perspective With No End Hands in The Dark The Shape Of The Dance Tom Relleen Tomaga Valentina Magaletti
Hier, sans aucune forme de prétention, nous cherchions à transcrire et à réfléchir notre époque. Curieux et audacieux, défricheur passionné, nous explorions sans oeillères et à travers un contenu éditorial toujours riche
et exigeant l’ensemble des strates qui composaient le monde bouillonnant de la musique indépendante, ses marges souvent nichées dans le creuset du web comme le halo médiatique qui entourait certains. Mais çà c’était avant. Aujourd’hui, on fait ce qu’on peu !
dieu vous le rendra….
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