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On a découvert Silly Boy Blue il y a quelques temps, un peu par hasard, au détour d’un track, Cecilia, dont la douce mélancolie urbaine, soutenue par un chant en apesanteur et vaporeux à souhait, nous a évoqué instantanément un joyeux cocktail de quelques-unes de nos marottes, Molly Nilsson et Carla Dal Forno en tête – pour ne citer que ce couple évoquant un mélange exquis entre feu et glace, pôles nord et sud. Programmé le 28 septembre dernier au nouveau festival malouin Baisers Volés, aux côtés des têtes de gondoles de la dite nouvelle scène française, l’occasion était trop belle de soumettre à Silly Boy Blue notre questionnaire OOTB.
C’est donc quelques minutes après sa sortie de scène qu’on s’entretiendra avec elle, plutôt satisfaite de son show mais aussi de la bienveillance du public à l’égard d’un projet et d’une identité encore neufs pour elle. Ana Benabdelkarim – son nom à la ville – ne fait pourtant pas figure de rookie complète… elle qui est déjà la moitié de Pegase depuis la sortie d’Another World, second LP du groupe, daté de 2016. À en juger par ses titres aux racines domestiques mais aux velléités intersidérales, à la sensibilité exacerbée mais jamais pompière, cela fait sans doute un moment déjà que la jeune femme s’est émancipée d’un cadre pop trop petit pour elle. Nous parlant avec enthousiasme de la mixtape concoctée spécialement pour Hartzine et qu’elle a intitulé You Go Girls : « Toutes ces nanas m’ont inspiré, j’ai commencé à jouer de la guitare en reprenant Warpaint, découvert la scène nantaise en allant voir Mansfield TYA. Elles m’inspirent musicalement mais aussi dans leur manière de s’affirmer, de prendre les rênes de leur carrière, souvent toutes seules d’ailleurs ». Silly Boy Blue se prête avec attention au jeu de nos interrogations bigarrées et en profite pour nous parler tant de son attachement à l’esthétique DIY que de ses envies d’évolution plus collégiale, tant de sa passion pour David Bowie que de celle vouée à Mylène Farmer, preuve qu’aucun grand écart ne lui fait peur à l’heure de sortir son premier EP But You Will, qui paraîtra le 26 octobre prochain. Et on s’en délecte déjà .
D’où viens-tu ?
De Nantes, j’ai déménagé à Paris il y a quatre ans.
Où vas-tu ?
Je vais là où ce projet me mènera, où les gens voudront me voir, où j’aurai ma place – c’est quelque chose que je cherche encore. C’est le début du projet et aussi le début d’une nouvelle identité, un personnage que je peux être, que j’ai le droit d’être. Je me construis en même temps que le projet se construit.
Pourquoi la musique ?
C’est quelque chose qui a toujours été là pour moi, qui m’a aidé à dire des choses que je ne sais pas dire clairement avec des mots. C’est un langage avec lequel je me sens beaucoup plus libre. Elle me permet de m’affirmer d’une autre manière, d’oser. Écouter ou faire de la musique, c’est quelque chose qui m’est indispensable.
Et si tu n’avais pas fait de musique ?
Je serais journaliste, ce que je suis déjà . Un métier plus rêvé : hôtesse de l’air – le décalage, la solitude…
Une épiphanie personnelle ?
Laissez-moi y réfléchir…
Une révélation artistique ?
(elle regarde sa mixtape pour Hartzine, ndlr) Ca pourrait se trouver dans cette liste, il y a tellement de femmes qui m’ont inspirées, mais en fait la première vraie révélation artistique c’est David Bowie. C’est en écoutant Space Oddity que j’ai compris qu’on pouvait faire deux voix, en le voyant que j’ai compris qu’on pouvait être badass un jour et androgyne le lendemain. Chaque fois que je découvre quelque chose de Bowie, c’est une révélation.
Le revers de la médaille ?
J’aimerais dire qu’il n’y a pas de revers de la médaille. Britney, au bout de sa vie, s’est rasé la tête en 2007 et maintenant elle est redevenue super cool, à peindre des choses en chemise sur son balcon… J’aime espérer qu’il n’y a pas de revers de la médaille, qu’on peut toujours rebondir et faire de quelque chose de tout pourri quelque chose de beau.
Y a t-il une vie après la mort artistique ?
Oui, je pense. Rien à voir avec ma musique mais l’exemple de Ricky Martin me vient à l’esprit : après sa carrière, il est devenu un porte parole LGBT, expliquant comment on l’avait empêché de faire savoir qu’il était gay. Il n’est plus musicien mais est devenu par la suite quelqu’un d’aussi utile.
Un rituel avant de monter sur scène ?
Juste en arrivant sur le coté de la scène, je suis bien stressée… avant j’aime beaucoup m’isoler et écouter de la musique. Par exemple, tout à l’heure, j’ai écouté Lana Del Rey, ça aurait pu être Joan Jett, ça dépend de mon mood. C’est toujours plaisant d’écouter des personnes qui te mettent la patate avant de monter sur scène.
Avec qui aimerais-tu travailler ?
Avec énormément de gens, je viens de commencer une collaboration avec une réalisatrice, Jeanne Lula Chauveau : on a fait un clip qui sortira mi-octobre. J’ai adoré bosser avec elle. Sinon mon rêve de tous les temps aurait été de travailler avec Bowie mais ça va être compliqué… Si on pense featuring, dans mes rêves les plus fous, ça serait avec Lady Gaga ou Cat Power. Les deux n’ont aucun rapport mais ça serait un clin d’Å“il à moi-même quand j’étais petite et que je les écoutais dans ma chambre.
Quel serait l’apogée de ta carrière artistique ?
Il y a tellement de gens que j’admire et avec lesquels j’adorerais travailler. Faire un morceau avec Grimes, bosser avec Jeanne Added – quand je suis arrivée à Paris en 2015, c’est son concert que j’ai vu en premier. Il y a tellement de gens qui m’inspirent dans les scènes française et anglo-saxonne. J’aimerais aussi faire une BO pour un film de Xavier Dolan ou de Gaspard Noé, ou encore bosser dans le crew de voguing de Kiddy Smile.
Retour à l’enfance, quel conseil te donnes–tu ?
N’écoute pas tes grands frères – je le précise, j’aime beaucoup mes frères – qui te disent gentiment que tu es nulle mais qui te charrient bien là -dessus. Et sinon, je dirais à ma prof de musique de cinquième, qui m’avait mis 06/20 quand j’avais chanté devant toute la classe et qui m’avait dit que je n’arriverais jamais à chanter juste, « hey, t’as vu ? ».
Comment te vois-tu dans trente ans ?
J’aurai cinquante-deux ans et plein, plein de chats. Je ne sais même pas où j’en serai dans six mois… tout est tellement instable. J’espère juste que je serai okay avec moi-même, avec ce que j’ai fait et qui je suis devenue, que je pourrai être fière de ce que j’ai accompli, que j’aurai réglé mes comptes avec tout ce que je n’arrive pas à dire autrement que dans mes morceaux, et que je serai apaisée.
Comment vois-tu évoluer ta musique ?
J’espère rester toujours dans un esprit DIY, j’aime beaucoup composer seule dans ma chambre, la nuit. J’espère garder cette part de solitude qui me permet de sortir les textes dont j’ai besoin dans ces moments-là . Mais j’aimerais bien aussi voir ce que ça donne avec des musiciens, écouter les conseils de gens capables de me faire évoluer, qui m’inspirent et peuvent m’apprendre tellement. J’ai encore énormément de choses à apprendre, je ne sais pas comment ça évoluera. J’ai à la fois envie de garder cette chose assez brute qui sort de ma chambre et de faire évoluer ma musique avec d’autres personnes.
Un plaisir coupable ou un trésor caché ?
Plutôt un trésor caché parce que j’essaye de ne pas culpabiliser avec mes plaisirs. C’est okay d’aimer des trucs complètement ringards. En ce moment, j’écoute à fond Mylène Farmer. Ca pourrait être vu comme un plaisir coupable mais tous ses clips de douze minutes, certains de ses titres sont surtout pour moi des trésors cachés.
Photo : Marie Baudouin
01. Angel Olsen – Intern
02. U.S. Girls – M.A.H
03. Warpaint – Disco/Very
04. Madge – Fight Or Flight Club
05. Maud Geffrey – Ice Teens
06. Sophie – Is It Cold In The Water?
07. Jeanne Added – Before The Sun
08. Anhoni – 4 Degrees
09. Mansfield T.Y.A – Logic Coco (Scratch Massive remix)
10-. Christine And The Queens – Machin-Chose
11. Cat Power – Color And The Kids
12. Clara Luciani – Monstre D’Amour
13. Molly Nilsson – A Song They Won’t Be Playin’ In The Radio
14. Vive La Fête – As-Tu Déjà Aimé ?
15. Princess Nokia – Tomboy
16. Charli XCX – Lucky
17. King Princess – Talia
18. Lana Del Rey – Cherry
19. Fever Ray – Red Trails
20. St Vincent – Fast Slow Disco
21. Mitski – Two Slow Dancers
Écrit par: S.L.H.
Hier, sans aucune forme de prétention, nous cherchions à transcrire et à réfléchir notre époque. Curieux et audacieux, défricheur passionné, nous explorions sans oeillères et à travers un contenu éditorial toujours riche
et exigeant l’ensemble des strates qui composaient le monde bouillonnant de la musique indépendante, ses marges souvent nichées dans le creuset du web comme le halo médiatique qui entourait certains. Mais çà c’était avant. Aujourd’hui, on fait ce qu’on peu !
dieu vous le rendra….
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