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Il y avait ces disques qui jonchaient le sol, ces assiettes sales qui s’empilaient ici et là aux quatre coins de l’appartement, cet ordinateur d’un autre âge qui faisait vibrer les quelques feuilles raturées sur le bureau, cette lumière aussi, fragile et glauque, qui filtrait par le soupirail de la fenêtre en même temps que le bruit de la rue, assourdissant. Toulouse, Arnaud Bernard, rue de la Verge d’Or. Une vie étudiante qui foutait le camp sur la pointe des pieds, un avenir professionnel qui se dessinait dans les nuages du doute. Les tours jumelles venaient de se faire flinguer par deux Boeing débordant de passagers, ma mère me matraquant de coups de téléphone craignait une nouvelle boucherie généralisée. Et si AZF avait anéanti les tympans d’une majorité d’entre nous, musicalement, on se faisait plus que chier dans la ville rose. La passe d’armes avait eu lieu bien avant les années 2000 : déjà lointain le temps de l’électronique à consonances schulziennes d’ADN’ Ckrystall, 1996, Diabologum sortait son ultime album, ♯3, 1998, Zebda emportait tout ce que la France avait de bon goût avec Essence ordinaire. Des rugbymen qui pissaient par la fenêtre en tombant leurs chemises maculées de vinasse, des bars dégueulant de groupes ska-punk aux looks estampillés rue Matabiau, une tripotée de concerts en totale antithèse de la fièvre rennaise : Têtes Raides, Ruda et toutes ces merdes loqueteuses et grivoises. Bienvenue en enfer, le seul esquif potable restant le magasin-label Vicious Circle, là où l’on chinait, et l’on chine encore, disques et fanzines, le Bikini ayant lui glissé pour partie dans la Garonne. Partant de loin, de
très loin, du fond du gouffre, Toulouse a changé. De loin, comme ça, et sans trop réfléchir, plusieurs noms viennent spontanément à l’esprit : Les Siestes Électroniques, La Dynamo, le Connexion Live, les mecs de La Chatte à la Voisine, le label BLWBCK (lire) et Armure. Oui, Armure. Le projet absolument génial, et je pèse mes mots, d’un homonyme, Tibo Padlock, déjà à l’Å“uvre au sein du groupe garage psyché The Space Padlocks et responsable en avril dernier d’une cassette éponyme sur SDZ Records. Seul, il s’émancipe d’un ferraillage en règle pour dépeindre une morosité blême, plus répandue dans les villes anglaises empilant les bâtiments aux briques rouges crasseuses que dans celle, au pied des Pyrénées, arborant fièrement ses découpes soigneuses de grès rose. Intemporel et blafard, enregistré sur un huit pistes rudimentaire, et faisant se côtoyer synthétiseurs, boîtes à rythmes et guitares tantôt graciles, tantôt souillées, on croit déceler, au loin, dans la brume de ces quelques morceaux aux relents grisâtres, les fantômes d’un Joy Division ayant viré Terry Mason ou d’un Suicide plus mélancolique que cheap. Mais finalement, ce ne sont pas ces réminiscences qui prédominent et donnent le la : le lyrisme brinquebalant d’Armure met impitoyablement Dirty Beaches à l’amende, chacun boxant dans cette même catégorie des crooners lo-fi, dressant un pont entre la rugosité de Dan Melchior – que l’on a pu croiser sur Sdz Records (lire) – et la subtilité mélodique des célestes Life of Angels de Gerald O’Connell. En écoute intégrale ci-après, on recommande la triade Old Stories, We Can’t Stay et Red Sea comme on glisse un vieux disque entre les mains d’un ami, avec la certitude de ne pas se gaufrer. Rayon nouvelles fraîches, Sdz s’apprête à sortir deux nouveaux LP, un des Australiens d’Old Mate et un des stakhanovistes German Army (lire).
Armure – s/t (Sdz Records, 2 avril 2014) 01. Seguir el Impostor 02. I Think I Shouldn’t Stay 03. In The Train 04. Wasting My Time 05. Go Back Home 06. Petra 07. Old Stories 08. We Can’t Stay 09. Red Sea 10. So Dead 11. Informacion
Écrit par: Thibault
Armure Sdz Records The Space Padlocks
Hier, sans aucune forme de prétention, nous cherchions à transcrire et à réfléchir notre époque. Curieux et audacieux, défricheur passionné, nous explorions sans oeillères et à travers un contenu éditorial toujours riche
et exigeant l’ensemble des strates qui composaient le monde bouillonnant de la musique indépendante, ses marges souvent nichées dans le creuset du web comme le halo médiatique qui entourait certains. Mais çà c’était avant. Aujourd’hui, on fait ce qu’on peu !
dieu vous le rendra….
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