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Dire que la musique de Peter George St. John le Baptiste de la Salle Eno (mais appelez-le simplement Brian, l’homme est une crème) m’aura permis de passer à l’âge adulte relève de l’euphémisme le plus parfait. Concepteur de mondes plus que de mélodies, je ne vois de pairs à l’architecte que des personnalités au talent conceptuel tel que Moebius, Giger ou Jodorowsky. Expérimentant depuis ses jeunes années, c’est un peu l’ombre de Satie qui se cache derrière le nouveau génie du post-modernisme de cette fin de siècle.  John Cale, Talking Heads mais surtout David Bowie lui devront leurs plus belles réussites, à une période où le compositeur, très inspiré par la nouvelle vague allemande, multiplie les collaborations auprès du groupe Cluster, donnant naissance à ce qui restera à jamais son plus grand disque : After The Heat. Bien sûr, il serait difficile de dénigrer la prolifique et protéiforme carrière solo de l’artiste, dont le célèbre Music For Airports définit à lui seul les termes d’ambient. Un opus qui reste toutefois peut-être surestimé au regard de l’apport musical qui a pu émerger d’albums comme Another Green World, Music For Films ou encore Empty Landscapes dont l’influence reste aujourd’hui encore palpable. C’est donc sur le label Bureau B que l’on aurait imaginé voir paraitre ce Small Craft on a Milk Sea, aux côtés des Å“uvres de ses compagnons Dieter Moebius et Hans-Joachim Roedelius, ou bien sur une major comme il le fit pour ses dernières créations. C’est pourtant au label anglais Warp qu’il offrira sa confiance, y trouvant un miroir à ses fascinantes expérimentations, mais également un cocon familial où chaque artiste serait un peu un enfant légitime. Fidèle à lui-même, Brian Eno s’entoure de collaborateurs de génie, personnifiés ici par les relativement jeunes producteurs/compositeurs Leo Abrahams et Jon Hopkins. Leur talent émérite aura séduit de nombreux musiciens tel qu’Imogen Heap, Tunng ou David Holmes et aura permis aux deux hommes de faire leurs armes sur la construction de bandes-son pour la télévision et le cinéma. Quand on connait l’amour que porte Eno aux musiques de films, on imagine aisément que ce fut un facteur décisif dans leur enrôlement dans ce projet. Plus à l’aise que le sexagénaire sur les partitions électroniques, le duo apporte une touche virulente et quasi dancefloor qui écorche quelque peu le paysage musical habituel du pape de l’ambient sans le défigurer (Flint March, Dust Shuffle). Un vernis qui s’écaille pour laisser transparaitre de vastes étendues de sables, qui à l’égal de cette magnifique pochette, inspirent le calme (Late Anthropocene). Et l’on se surprend à fermer les yeux, à admirer les vastes plaines cristallines à travers les champs de notre imaginaire et écouter le léger frottement de l’érosion qui flotte jusqu’à nos oreilles (Slow Ice, Old Moon). Perdu au milieu des dunes, le voyageur continue son infini parcours bercé par les éléments (Lesser Heaven, Complex Heaven). Loin de ses tentatives naïvement pop ou des corpus alambiqués, Brian Eno retrouve une certaine sagesse grâce à une écriture décomplexée illustrant au final l’errance sensorielle de nos rêves les plus primitifs. Small Craft on a Milk Sea, c’est un peu l’histoire d’un talent retrouvé à travers quinze chansons mêlant tout le savoir-faire d’un musicien prodigieux, ne cessant de se réinventer, de se perdre, de se retrouver.
Brian Eno – Small Craft on a Milk Sea (Warp, 2010)
1. Emerald and lime
2. Complex Heaven
3. Small Craft on a Milk Sea
4. Flint March
5. Horse
6. 2 Forms of Anger
7. Bone Jump
8. Dust Shuffle
9. Paleosonic
10. Slow Ice, Old Moon
11. Lesser Heaven
12. Calcium Needles
13. Emerald and Stone
14. Written, Forgotten
15. Late Anthropocene
Écrit par: Akitrash
Hier, sans aucune forme de prétention, nous cherchions à transcrire et à réfléchir notre époque. Curieux et audacieux, défricheur passionné, nous explorions sans oeillères et à travers un contenu éditorial toujours riche
et exigeant l’ensemble des strates qui composaient le monde bouillonnant de la musique indépendante, ses marges souvent nichées dans le creuset du web comme le halo médiatique qui entourait certains. Mais çà c’était avant. Aujourd’hui, on fait ce qu’on peu !
dieu vous le rendra….
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Maria Pasquet sur 19/11/2010
Belle chronique pour un bel album !
Dionys sur 30/11/2010
Assez d’accord dans l’ensemble, avec quelques nuances. Brian est parfaitement à l’aise sur les textures électroniques depuis fort longtemps, et il sait aussi faire dans l’écorché : voir le splendide « Nerve Net », chef d’oeuvre indépassé. La branche ambiante de son oeuvre ne doit pas faire oublier le reste ! D’ailleurs, se contenter de l’étiquette « ambiante », c’est risquer de masquer l’extraordinaire talent de sculpteur de son de Brian. Cette musique est tout sauf molle. Elle réalise la synthèse entre une électro abstraite, bruitiste et post-industrielle.
Chronique de l’album sur mon blog musical.
Toujours à l’écoute des « Musiques Singulières ».