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Pas toujours très facile de séparer le bon grain de l’ivraie en matière de transit musical de part et d’autre de la frontière franco-belge. S’il est surprenant que certains artistes dont nous tairons le nom pour raisons de santé publique n’aient pas déclenché de conflits armés tant ils étaient mauvais, d’autres semblent errer en nos contrées dans une certaine indifférence franchement inexplicable. Prenons ainsi Carl. De son vrai nom Carl Roosens. Vainqueur de l’édition 2008 du concours « Musique à la française » organisée par la Communauté française de Belgique, ce drôle de Bruxellois déboula dans les conduits auditifs belges dès l’an dernier, par la grâce d’un excellentissime premier album Où poser des yeux ? sorti via le micro-label belge Humpty Dumpty Records. Une véritable comète musicale, perdue entre Dominique A, Ferré, chanson française contemporaine et un certain rap/slam hexagonal, qui, bien que visible sur tous les radars musicaux dignes de ce nom, ne semble pas avoir attiré l’attention qu’elle mérite.  Surprenant, séduisant et finalement diantrement efficace, Où poser des yeux ? est même franchement vital. Une perle passée trop inaperçue ? Réparons donc cette injustice tant qu’il en est encore temps.
C’est à l’initiative du fort bon label parisien Le Son du Maquis que Où poser des yeux ? reçoit (enfin) la chance de conquérir l’Hexagone. Et en guise de dernière blague belge, on repassera : Carl, c’est du costaud, dans le sens le plus positif du terme ! Car une chose est certaine, Carl va vous faire de l’effet. Graphiste de formation, membre du collectif Nos Restes qui défend l’édition littéraire alternative au sens le plus noble du terme, Carl s’était déjà fait remarquer à Bruxelles depuis quelques années aux côtés de Veence Hanao et de Noza, que l’on retrouve à la production de ce premier effort discographique. Des références plutôt hip-hop donc. Mais à force d’observer ses potes en action, Carl décida de tenter lui-même l’aventure musicale. Pour le fun, pour le sport et pour le geste. Affublé d’un très bon coup de crayon (c’est lui qui réalise toutes les illustrations de Où poser des yeux ?), d’un réel talent d’écriture et de pas mal de suite dans les idées, le voici qui se lance dans un projet musical qui n’en est pas vraiment un. Du moins, pas volontairement. Avec, après le concours cité plus haut, un premier album qui marque vraiment le coup. Déroutant.
Mêlant chant classique, slam et ton plus conversationnel, Carl nous offre treize morceaux, sous forme d’étranges tranches de vie, sortis tout droit d’un univers sombre et troublant, mais ô combien attachant. Quelques thèmes sont récurrents : l’enfance, les chiens, le sexe ou encore la mort. Tout ce qui en découle semble tout simplement suivre les méandres d’une imagination débordante : le chien du cadavre, un maison qui mangerait bien ses habitants, des amis qui vont mal, des gens coiffés comme leurs pelouses, des cailloux qui partent en balade, difficile de résumer sans le desservir un univers aussi créatif.
Ces textes savamment écrits et foutrement bien balancés viennent se greffer sur une étrange mixture mêlant  hip hop, rock, jazz, musique électronique et enregistrements divers. Car Carl a su s’entourer de quelques musiciens aguerris : cuivres, cordes, sampler, instruments à vent, tout y est à un moment ou à un autre. Ajoutez à cela ses manies de s’entourer sur scène de nombreux personnages en carton sortis tout droit de son cerveau décidément en ébullition, de jouer de l’aspirateur au sens musical du terme et d’avoir recours à de nombreuses animations visuelles et vous commencerez peut-être à comprendre à quel point l’univers de Carl n’a pas de limites.
Où poser des yeux ? ne pourra laisser personne indifférent. Certes, un tel bouillon de culture pourrait bien en effrayer certains, perdus face à l’absence des repères classiques propre à tout album formaté plus classiquement. Mais il devrait surtout en enchanter bien d’autres. A défaut d’être le cadeau de Noël idéal pour belle-maman, cet opus, loin des sentiers battus, mérite clairement une place de choix dans toute collection de disques digne de ce nom.
Carl – Où poser des yeux ? (Humpty Dumpty – Le Son du Maquis, 2010)
1. Où poser des yeux ?
2. Le chien
3. Silence
4. Mes amis
5. Patiente pour défigurer
6. J’enregistre le bruit de ta machine
7. 1000 visages ou une plage de sable
8. Entre ses lèvres
9. La pelouse
10. Promenade
11. La maison me mangera
12. Caillou
13. Dimanche/moustique
Écrit par: Didier
2010 Carl Humpty Dumpty Le son du maquis
Hier, sans aucune forme de prétention, nous cherchions à transcrire et à réfléchir notre époque. Curieux et audacieux, défricheur passionné, nous explorions sans oeillères et à travers un contenu éditorial toujours riche
et exigeant l’ensemble des strates qui composaient le monde bouillonnant de la musique indépendante, ses marges souvent nichées dans le creuset du web comme le halo médiatique qui entourait certains. Mais çà c’était avant. Aujourd’hui, on fait ce qu’on peu !
dieu vous le rendra….
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