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Aucun concert ne peut prétendre changer la face du monde. Mais, aussi futile que cela puisse paraître, certains peuvent faire évoluer subrepticement l’appréhension que l’on a d’un disque. Et c’est déjà pas mal. Il en va ainsi pour les Canadiens de Born Ruffians, venus présenter, lors d’une soirée BimBamBoum organisée par nos confrères (et grand frères) de Magic, le vendredi 21 mai dernier, leur second album Say It. Un regret taraude ma timide conscience professionnelle, le fait de ne pas avoir eu le temps d’écrire instantanément la chronique d’un disque qui avait jusque-là un mal presque insurmontable à tourner sur ma platine. Car la comparaison avec celle qui va suivre - s’avérant a priori dithyrambique – aurait eu cette valeur d’exemple s’agissant de la capacité du désormais quatuor à transcender ses morceaux sur scène et à les rendre par la suite tout aussi évidents lors d’écoutes casanières devenues compulsives. Caressant ma frustre tentative d’honnêteté du fouet d’une contrition assumée, j’avoue sans peine et je déballe tout : l’impatiente et trop brève première approche fit résonner Say It à mes oreilles telle une redite pétrie de guimauve de l’ineffable Red, Yellow and Blue (2008, Warp) à  l’épure juvénile invariablement contagieuse. La caisse de résonance du Point FMR plus loin, Say It se révèle tel un disque s’octroyant de fait, et ce avec une facilité déconcertante, la palme du second effort, moment charnière de la vie d’un groupe, le plus réussi et abouti depuis… (à vous de choisir, sur ce point difficile de faire l’unanimité). Car si redite il y a, c’est sous le signe de la maturité que celle-ci opère, démultipliant l’efficacité de morceaux à la complexité viscérale et spontanée. Si les mélodies de Red, Yellow and Blue tonnaient dans un déluge de décibels fractaux à la production brute de décoffrage, Rusty Santos – producteur à l’incommensurable talent (Animal Collective, Panda Bear, Gang Gang Dance) – une nouvelle fois aux consoles, cherche clairement, sur chacun des dix morceaux composant l’album, l’accomplissement définitif d’obsessions pop plaçant l’intense voix de Luke Lalonde au centre des ébats spasmodiques. Carénée d’une science du rythme iconoclaste et jubilatoire, valdinguant entre la basse de Mitch Derosier et les fûts de Steve Hamelin, la verve narrative de Lalonde, couplée à sa guitare à  l’épilepsie raisonnée, provoque ce que l’on attendait plus de ce printemps aux allures d’hiver tempéré : une luminescence au charme doux et rasséréné cisaillée ça et là d’impétueuses fulgurances gorgées d’ultraviolet. Oh Man pose avec dextérité les jalons de cette splendeur pop roborative, proprement obnubilante, charriant d’entrée l’instant de grâce scénique : d’une tranquille ballade, parsemée d’envolées vocales altières, le morceau se meut en véritable tourbillon auditif balayant toute appréhension sur son passage. La voie est libre pour Retard Canard, sa rythmique concassée et sa basse virevoltante, et Sole Brother au blues rock cathartique, Luke n’ayant jamais autant ressemblé au jeune Elvis, dans la démarche, le chant et l’apparence, accroché qu’il est à son micro, les jambes convulsées de générosité. Dans la même veine, un brin fleur bleue, suit What to Say, admirablement taillé pour les charts et la gloire, télescopant, dans une dentelle sonore du plus bel effet, vocalises dégingandées et ultime évidence mélodique. The Ballad Of Moose Bruce et Higher & Higher regonflent l’équaliseur de quelques sinusoïdales abyssales, fichtrement bien assumées par un Lalonde au timbre aussi versatile que communicatif tandis que Come Back et son saxophone dispensable héritent par leur vacuité des apparats de la faute de goût pardonnable. D’autant que Nova-Leigh, telle une bourrasque de bonne humeur, dardée d’un refrain chanté à  tue-tête, irradie en trois accords tout soupçon de fébrilité, laissant place nette à l’étrangement introduit Blood, The Sun & Water où caracole encore et encore la voix du freluquet en totale apesanteur. At Home Now étire son spleen cadencé en conclusion d’un album, qui, s’il n’est pas le joyau annoncé à tort et à travers dans la revue aux vingt bougies, n’en reste pas moins un disque confirmant le génie ascensionnel de ses architectes. Et avant de s’en sentir dépossédé, inutile de gâcher son plaisir en minaudant sur les relatives aspérités de Say It ou en préjugeant d’un futur qui n’est pas encore le sien : ne reste plus qu’à monter le son et à attendre l’été de pied ferme. D’ailleurs, on les aurait bien vus lors de l’édition 2010 du Midi Festival invectiver le chant des grillons. N’est-il pas ?
Born Ruffians – Say It (Warp, 2010)
1. Oh Man
2. Retard Canard
3. Sole Brother
4. What To Say
5. The Ballad Of Moose Bruce
6. Higher & Higher
7. Come Back
8. Nova-Leigh
9. Blood, The Sun & Water
10. At Home Now
Écrit par: Patrice et Thibault
Hier, sans aucune forme de prétention, nous cherchions à transcrire et à réfléchir notre époque. Curieux et audacieux, défricheur passionné, nous explorions sans oeillères et à travers un contenu éditorial toujours riche
et exigeant l’ensemble des strates qui composaient le monde bouillonnant de la musique indépendante, ses marges souvent nichées dans le creuset du web comme le halo médiatique qui entourait certains. Mais çà c’était avant. Aujourd’hui, on fait ce qu’on peu !
dieu vous le rendra….
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