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A vrai dire, j’ai quelque peu hésité à lancer mes mots en pâture lorsque j’ai reçu, par le biais de mains bien intentionnées, le tant attendu Mars Is Heaven. Car à suivre par l’écrit les faits et gestes discographiques d’une artiste à l’activité aussi débordante qu’Ela Orleans, une amicale complaisance est susceptible de s’immiscer dans la voilure des opinions et ouvrir inconsciemment à cette voie royale de l’ineptie critique. Après Lost, Double Feature, partagé avec Dirty Beaches (La Station Radar, Atelier Ciseaux), et la cassette NEO PI-R (Clan Destine Records), ce nouveau LP remet convenablement les pendules à l’heure et m’ôte d’un même mouvement toute crainte de redite conciliante tant il déroge dans son écriture et son homogénéité à l’expérimentalisme de chambrée de ses valeureux prédécesseurs. Sans une once de soupçon, un avant-goût de la trame cinématique de Mars Is Heaven nous avait été révélée en janvier dernier via la fructueuse collaboration entre La Station Radar et le label digital Beko s’ouvrant sur Black and White Flight, morceau à la beauté lunaire certaine. Ode onirique à l’apesanteur, la mise en image conçue pour l’occasion induisait déjà l’hommage de la Polonaise à l’encontre de Mars Is Heaven, nouvelle fantastique écrite par Ray Bradbury dont elle s’est inspirée de bout en bout dans la confection de ce disque.
L’histoire en question, la voici ici contée selon les annotations d’Ela : « Des astronautes s’envolent pour Mars et découvrent une fois sur place une petite ville au décor idyllique où vivent tous leurs proches. Ils commencent alors à croire que Mars n’est autre que le Paradis, celui que l’on rejoint après la mort. Mais après s’être éloignés de leur vaisseau spatial, tous meurent, piégés par des extraterrestres ayant créé cette illusion de toutes pièces. » Écrit à New-York et amoureusement masterisé par Carl Clandestine, Mars Is Heaven tient donc tant à la fois de l’Olympe que du phantasme, à savoir de cette délicate immixtion entre la caresse d’une voix vespérale, triturée, et la promesse d’une instrumentation mate et veloutée, volontairement passéiste, conviant avec parcimonie sur fond de collages et de boucles sonores, piano, guitare et batterie. Nonobstant une certaine légèreté, drapée dans ses plus beaux atours mélodiques (Planet Mars, Into the Woods), on devine cette fêlure mélancolique transperçant de part en part un disque habité, où l’apparente quiétude recèle son lot d’indicibles craintes. A la manière de John Black, capitaine du vaisseau échoué sur Mars, et conscient malgré lui que quelque chose se trame, on ressent à l’aune des deux instrumentaux Mars Is Heaven l’ambiguïté d’une atmosphère oscillant entre calme emprunté (part 1) et panique avérée (part 2). L’intensité dramatique insufflée par Take My Hand, notamment lors de l’apparition d’une rythmique tout azimut, trouve sa réplique sépulcrale sur Falling, ballade lo-fi, où les vocalises se dédoublent entre timbre clair, inquiet, et échoïsations fantasmagoriques. On se plaît alors à écouter Wonderful Us tel un générique de fin – à la musicalité gracile et désuète, ostensiblement balayée d’un chant rasséréné – où le nom des acteurs défile en surimpression de scènes de paisibles désolations, entre corps décharnés et immondices matérielles abandonnées. Précisément là où le paradis stellaire se meut en enfer extraterrestre.
Ela Orleans – Mars Is Heaven (La Station Radar / Atelier Ciseaux, 2011)
Art work by Fleur D
Sortie officielle le 9 Novembre 2011
Side A
01. Black and White Flight
02. Mars Is Heaven part 1
03. Planet Mars
04. Take My Hand
Side B
05. Mars Is Heaven part 2
06. Into the Woods
07. Falling
08. Wonderful Us
Écrit par: Thibault
2011 Ela Orleans La Station Radar
Hier, sans aucune forme de prétention, nous cherchions à transcrire et à réfléchir notre époque. Curieux et audacieux, défricheur passionné, nous explorions sans oeillères et à travers un contenu éditorial toujours riche
et exigeant l’ensemble des strates qui composaient le monde bouillonnant de la musique indépendante, ses marges souvent nichées dans le creuset du web comme le halo médiatique qui entourait certains. Mais çà c’était avant. Aujourd’hui, on fait ce qu’on peu !
dieu vous le rendra….
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