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J’ai toujours eu un peu de mal avec les étiquettes censées définir le style qu’exerce un groupe. Le définir ou l’enfermer. Mais en réalité, ce qui me dérange dans ce jeu un peu vain, outre de la fatuité à inventer des compartimentages éphémères dénués de sens, c’est qu’il s’agit le plus souvent d’une solution commode pour éviter d’ergoter sur la musique des groupes dont on parle. La loi de l’emmerdement minimum en somme. « Tu vas voir le concert de X ? Ok, ils font quoi comme style ? C’est entre post-punk et synth-pop, tu vois le genre ?« . Définitivement, il parait plus commode de repérer les similarités entre groupes, puisque tout est une question d’influences, et ce, depuis des temps immémoriaux. Chacun apporte sa pierre en se servant de celle des autres pour avancer. Même les punks, qui voulaient détruire le rock’n’roll et faire table rase du passé, sont aujourd’hui logés à la même enseigne : rayon pop-rock de n’importe quel vendeur de disques cellophanés. Mais s’il y avait un concours d’inepties pour verbiage de chroniqueurs, le post-rock décrocherait, haut la main, la timbale. Pour être catalogué post-rock, il suffit, apparemment, de laisser tomber le chant et de remplacer celui-ci par de progressives vagues de saturation se déployant sur des morceaux longs aux titres imprononçables. Ce serait faire injure aux méritants pionniers, de Tortoise à Mogwai en passant par la nébuleuse Constellation, que de résumer ceci en une seule phrase, mais ces valeureux laborantins n’eurent de cesse justement de réprouver ledit terme. Avec le temps, on comprend mieux pourquoi. A titre d’exemple, comment prétendre que les écossais de Mogwai tentaient d’imaginer l’après du rock en expérimentant des sonorités empilant les décibels quand – au même moment – ils se consacraient corps et âme à l’édification d’un label dénommé Rock Action ? Osons le dire, il n’y a pas de mouvement ou de style post-rock. Il y a seulement plusieurs manières de jouer d’un rock que l’on qualifiera – tout bêtement – d’instrumental. L’occasion est d’ailleurs trop belle pour parler de ces dernières puisqu’une quantité insoupçonnable de disques est encore jetée en pâture à l’auditeur tout auréolée de l’ineffable épithète. Prenons deux exemples, Collapse Under the Empire avec Find a Place to be Safe et The American Dollar avec Atlas, qui au-delà de se partager l’unique originalité d’être des duos, se gargarisent à renâcler des formules aussi éculées que prévisibles. Sans s’étendre sur le contenu de chacun des deux disques – car il faut un don que je n’ai pas pour faire état des infimes nuances existantes entre chacun des morceaux – on peut arguer que Collapse Under the Empire décline l’option b) du rock instrumental quand The American Dollar s’en adjuge la c). Je reviendrai sur la a) un peu plus loin. L’option b) limite le propos à ressasser ce que des milliers de groupes ont fait avant eux avec tout autant de brio. C’est simple, le dernier effort de Martin Grimm (guitares) et de Chris Burda (claviers) aurait pu être celui d’Explosions In the Sky, de From Monument to Masses ou encore de God is an Astronaut. Une introduction calme, une mélodie lointaine et aérienne, puis un brouillard lourd de saturations terminant le morceau en apocalypse. L’option b) est donc celle des mecs doués mais légèrement feignants sur les bords. L’option c) est une variante de l’option b), à la différence près qu’elle inocule un bon nombre de sonorités et d’arrangements électroniques. L’éventail des possibles s’élargit, et on tombe parfois sur quelques pépites. En l’occurrence, Richard Cupolo et John Emanuele ne s’en tirent pas trop mal, sans pour autant être sûr de sortir The American Dollar de l’ornière. Le retour annoncé des allemands de To Rococo Rot compliquera sévèrement les choses. L’option a) est celle des pionniers précités. Elle est la marque d’une liberté de style la plus complète (comment comparer Tortoise à Mogwai ?) et d’une exigence créatrice confinant au génie : les groupes du label Constellation (Godspeed You Black Emperor,  Do Make Say Think, Fly Pan Am…), bien que souvent composés des mêmes musiciens, n’ont jamais abouti au même résultat quand dans toute la discographie de Mogwai, aucun album n’est la redite d’un autre. Pour ces derniers, seule compte l’émotion pure, sur disque comme sur scène. Quant aux deux groupes vaguement chroniqués ici, j’opte pour l’instinct grégaire. Ni plus, ni moins.
Collapse Under the Empire – Angle Of Incidence
The American Dollar – A Few Words
Collapse Under the Empire – Find a Place to be Safe (Sister Jack Records, 2009)
01. Captured Moments
02. Crawling
03. Find A Place To Be Safe
04. Tranquillity
05. Angle Of Incidence
06. Decay
07. Far To The Past
08. A Smell Of Boiled Greens
09. Intelligence
10. Conscious Of Thirty-Nine
11. Take A Shot On Me
The American Dollar – Atlas (Yesh Music, 2010)
Écrit par: Thibault
2010 collapse under the empire rock Sister Jack Records The American Dollar US Yesh Music
Hier, sans aucune forme de prétention, nous cherchions à transcrire et à réfléchir notre époque. Curieux et audacieux, défricheur passionné, nous explorions sans oeillères et à travers un contenu éditorial toujours riche
et exigeant l’ensemble des strates qui composaient le monde bouillonnant de la musique indépendante, ses marges souvent nichées dans le creuset du web comme le halo médiatique qui entourait certains. Mais çà c’était avant. Aujourd’hui, on fait ce qu’on peu !
dieu vous le rendra….
Hartzine the indie music webzine since 2007
Emeline sur 03/02/2010
Passionnant article !
akitrash sur 03/02/2010
tout à fait d’accord avec Emeline… Un sujet?