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Ecouter l’album Relax de Das Racist, c’est un peu comme dire bonjour aux copains. Le groupe marche par système de références, par assemblage de formes et de couleurs connues ; il n’existe donc que grâce à la complaisance amusée de l’oreille qui l’écoute. Il faut bien sûr faire partie de la même bande de potes pour être complice du projet, mais on englobe dans  cette bande beaucoup d’entre nous ; toute la jeune génération relax, multiculturelle et « numériculturelle » risque de se sentir concernée par la légèreté grinçante de leur musique. Les trois membres de Das Racist (respectivement MCs Himanshu Suri, Victor Vazquez et Hype man Ashok Kondabolu), on aurait pu les croiser dans n’importe quelle grande ville vibrante d’Europe ou des États-Unis. Pas uniquement dans le Brooklyn arty où ils se sont formés.
De toute évidence, ce groupe de rap s’adresse donc à des gens qui n’écoutent pas de rap en général ou alors qui en écoutent ‘entre autres choses’. Mais en élargissant le public habituel du hip-hop à des catégories sociales différentes, Das Racistn’appauvrit pas ce style musical ; il subvertit au contraire les clichés qui lui sont accolés pour mieux le réinventer. Car attention, si leur ‘street credibility’ d’étudiants en art se réduit beaucoup au fait qu’ils fument pas mal de weed, le groupe n’est pas aseptisé pour autant. Déjà , trois mecs d’origine indienne ou latino qui s’appellent ironiquement Das Racist, ça donne à penser que Relax ne sera pas un album de rap bourgeois ! Pire, la façon même dont les morceaux sont composés est politiquement incorrecte puisqu’elle passe par un détournement provocateur de toutes les musiques et bruits qui nous entourent. Amalgame de mots vagues, de conversations inutiles, de jingles croisent ainsi électro, indie pop et hip-hop… Cela forme un son hybride et dense. Un syncrétisme en clair-obscur tout à la fois étrange, tortueux et violemment urbain.
Ce mélange un peu louche a du sens. Avec leurs paroles décousues, absurdes parfois, le groupe rend raison des travers d’une certaine culture pop (d’une certaine société aussi) où tout se vaut car tout se vend : Lady Gaga, Michael Jackson, les conflits politiques, la drogue, les sentiments, le sexe… Une façon peut-être aussi de critiquer le culte de l’égalitarisme libéralo-démocratique et ses superbes slogans : « We can sell this to you too, what you wanna do, how do you wanna do », ironisent-ils ainsi dans le dernier titre du disque. Par ce sens du calage et du décalage, Das Racist est bien un groupe exceptionnellement drôle ; même leurs blagues potaches ont quelque chose d’assez profond (on est par exemple scotché par le côté surréaliste d’une chanson comme Booty in the Air). Car le groupe sait se méfier du sérieux et leurs « shut up » railleurs (presqu’un par titre) réduisent à néant tous les discours ronflants qui nous abrutissent.
Le petit problème, c’est que lorsqu’on quitte le côté sociologico-rigolo de Relax pour s’attaquer à la véritable qualité musicale du disque, on est un peu déçu. Globalement accrocheuses, les chansons prises une à une sont moins excitantes que sur leurs précédents albums. Le son est très travaillé ; il est rempli de formules intelligentes, de beats pugnaces et parodiques ou de trouvailles mais souvent, il est trop encombré pour mettre en valeur les flows des rappeurs. On a beau être séduit par la grande diversité de la matière musicale, par son côté patchwork, les morceaux qui se distinguent vraiment sont aussi les plus simples et les plus courts. Rainbow in the Dark est ainsi un morceau qui marche bien parce que sa musique, élémentaire et efficace, cheville les paroles avec une élégance trop rare sur le disque. Après, la dernière chanson, Celebration, est une réussite quand même : clore l’album dans un terrible bordel d’onomatopées et de beats funky, c’est très enthousiasmant !
A la fin de l’écoute de Relax, on n’est pas bouleversé comme on devrait l’être par un grand disque de rap mais on a tout de même l’impression d’avoir discuté de choses plus ou moins sérieuses en passant par des digressions fantastiques et des blagues à n’en plus finir. On est un peu sonné aussi. Et ce n’est pas rien.
Das Racist – Relax (Greedhead, 2011)
01. Relax (Produced by Das Racist and Patrick Wimberly)
02. Michael Jackson (Produced by Das Racist and Patrick Wimberly)
03. Brand New Dance (Produced by Patrick Wimberly)
04. Middle of The Cake (Produced by Anand Wilder)
05. Girl (Produced by Blood Diamonds)
06. Shut Up, Man feat. El-P (Produced by El-P)
07. Happy Rappy (Produced by Diplo)
08. Booty In The Air (Produced by Patrick Wimberly)
09. Power feat. Danny Brown and Despot (Produced by Dash Speaks)
10. Punjabi Song feat. Bikram Singh (Produced by J-La)
11. Selena (Produced by Patrick Wimberly)
12. Rainbow In The Dark (Produced by J-La)
13. The Trick (Produced by ROSTAM)
14. Celebration (Produced by Francis Farewell Starlite)
Écrit par: Amelie
Hier, sans aucune forme de prétention, nous cherchions à transcrire et à réfléchir notre époque. Curieux et audacieux, défricheur passionné, nous explorions sans oeillères et à travers un contenu éditorial toujours riche
et exigeant l’ensemble des strates qui composaient le monde bouillonnant de la musique indépendante, ses marges souvent nichées dans le creuset du web comme le halo médiatique qui entourait certains. Mais çà c’était avant. Aujourd’hui, on fait ce qu’on peu !
dieu vous le rendra….
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