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Photo © Helen Grose
Il faut sans doute avoir arpenté en leur temps les friches du rock dans ses formes alternatives pour apprécier la chronologie chaotique de Pain, le dernier album de Deaf Wish, sorti le 4 septembre via Sub Pop. Et il faut peut-être effectivement en appeler à la surdité. Pas cette pathologie dont sont victimes 5% de la population mondiale mais ce handicap volontaire, et recommandable à l’occasion, d’anesthésie au mainstream sédatif, au consumérisme musical qui veut que la nouveauté dicte le plaisir otique, qu’elle soit radiophonique, matérielle ou bien logicielle. En revisitant avec soin les genres musicaux alternatifs entre les années 60 et 2000, le quatuor australien nous rappelle qu’avant d’être une valorisation sociale, la musique est un vecteur, un médium transgénérationnel dont le réexamen a posteriori renvoie à une époque, à ses valeurs et, en étirant ses racines à quelques récentes décennies, il durcit la frontière entre récupération commerciale et propos nostalgique.
Le monde a mal, et Deaf Wish l’éructe à la sauce protopunk rudoyée par un lourd accent australien dans Pain. Le morceau, qui donne son nom à l’album, est une diatribe désabusée et alcoolique sur l’autodestruction sociale (“If you got a bottle, pass it around / If you got a shovel, we dig in the groundâ€) faisant écho aux accords punks énervés de Newness Again et au coup de fouet de The Whip, dont les cinglantes cymbales violentent le nerf auditif sans jamais le mettre à mal: plutôt que rendre complètement sourd, l’hypoacousie devient un filtre naturel qui valorise le fond sans noyer la forme. Ponctuellement, l’indiscutable dominante punk est adoucie par des Å“illades en direction d’un rock alternatif plus standard mâtiné de shoegaze, et les vocalises féminines de Sex Witch ajoutent un parfum de Breeders exhalé comme une fragrance surannée. Voilà un équilibre qui trouve sa justesse dans une complémentarité de personnalités qui ont, un jour, décidé non pas de s’accorder, mais de jouer ensemble: “Let’s not make anything that’s going to last. If we’re together for just two shows, then that’s what it is.†Advienne que pourra.
Et c’est un peu le bordel, les transitions entre certains morceaux frisant la rupture d’ambiance et les voix multiples donnant parfois l’impression d’écouter une compilation revival. Mais on est loin du créneau d’un best of RTL 2 tant les compositions parviennent à se maintenir dans cette frange confortable entre concert en sous-sol et radio edit. En réalité, chaque morceau possède son propre caractère, qu’il hérite du membre qui l’a influencé: tour à tour, les quatre melbournians passent derrière le micro pour nourrir de leur contribution personnelle les égarements protéiformes d’un groupe libertarien dans lequel l’individu prime sur le clan. C’est une pseudo-anarchie qui colle à leur étiquette et reste, on ne sait comment, cohérente à défaut d’être structurée, se rapprochant d’une forme d’entropie domptée qui fait oublier un temps le déterminisme musical qui caractérise beaucoup de productions contemporaines.
Deaf Wish – Pain (Sub Pop, 4 septembre 2015)
01. The Whip
02. Newness Again
03. They Know
04. Sunset’s Fool
05. Eyes Closed
06. Pain
07. Sex Witch
08. On
09. Dead Air
10. Calypso
Écrit par: Ted Supercar
Hier, sans aucune forme de prétention, nous cherchions à transcrire et à réfléchir notre époque. Curieux et audacieux, défricheur passionné, nous explorions sans oeillères et à travers un contenu éditorial toujours riche
et exigeant l’ensemble des strates qui composaient le monde bouillonnant de la musique indépendante, ses marges souvent nichées dans le creuset du web comme le halo médiatique qui entourait certains. Mais çà c’était avant. Aujourd’hui, on fait ce qu’on peu !
dieu vous le rendra….
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