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Un souvenir récent. Etant resté debout en haut du petit amphithéâtre de Pantin, trois ou quatre degrés de gradins pas plus, je me repasse au fil du concert l’image d’un vieux monsieur aux ongles bizarrement longs…
Qu’on peut apercevoir dans le film de ses entretiens, conduits dans les années 1980, lorsque les mains du maître entrent dans le champ de la caméra et qu’il vient à s’appuyer sur l’accoudoir du fauteuil ; il est filmé chez lui et pose son front sur le revers de la main.
Ce type-là dit : l’art commence peut-être avec l’animal.
Fidel Fourneyron maintenant, qui est tromboniste et pèse soigneusement ses notes, a fait un disque, Animal, qui garde trace de déplacements soigneusement pesés. Lesquels ? Tout est dans le titre. Passant d’un corps symbolique à un autre… trois musiciens font-ils un loup, un singe, une perruche ?
Des seuils à franchir, des glissements imperceptibles. Est-ce que c’est une question de variété des rythmes investis par le groupe, du passage fluide de l’un versé dans l’autre. Le cricket, la mouche, le merle ou la baleine, rythmiquement c’est pas pareil, et quand tout se mélange alors là …
Tu dis que c’est aussi une question de territoire et c’est vrai, écoute ; il est plaisant à l’oreille le trio-à -l’enthousiasme-communicatif parcourant sans copier îles caraïbes et territoires bluesy, balisés par des ritournelles de contrebasse funky, des glissandos de trombone saisissants mais laidback et right on point le batteur va multipliant, étirant et malaxant à plaisir des grooves créoles.
Au détour d’une inflexion collective tout à fait souple et organique je ressasse encore : l’animal est et il sait le rester sans trop faiblir tout le temps qu’il vit aux aguets.
Celui-qui-a-les-ongles-trop-longs ayant un jour pris la parole finit par dévoiler, du moins esquisser une sorte de mystère : l’expression irrépressible, contrariée, rejouée, contrecarrée, encore rejouée d’un devenir-animal latent chez celui qui parle, celui qui veut parler, écrire, peindre ou jouer, ou danser.
Pas un masque, pas un camouflage, pas un déguisement de surface, plutôt une condition particulière de la parole, une série de seuils à franchir, de mutations fugitives à traverser en soi, à traverser si vite qu’on n’en mesure les effets qu’après coup, et encore. Pas parler à l’animal mais depuis lui.
Sont concernés, dit Ongles-longs, ceux qui s’astreignent à : beaucoup d’ascèse, de sobriété et d’involution créatrice ; pas tout le monde, et ceux qui s’en foutent vivent aussi bien sûr.
Et tout ça pour quoi ? Tu me le souffles à l’oreille dans un amphithéâtre du nord de Paris un soir de mai versant dans juin… N’étant que ce qu’il est, surmultiplié, retranché, soigneusement pesé, ayant muté une fois ou dix ou vingt à grande ou à très grande vitesse ; s’extrayant du silence, n’étant que ce qu’il est l’animal aux aguets n’en fait pas trop.
Fidel Fourneyron – Animal (ONJ Records, 25 mai 2018)
01. Singe (feat. Joachim Florent & Sylvain Darrifourcq)
02. Chat (feat. Joachim Florent & Sylvain Darrifourcq)
03. Fourmi (feat. Joachim Florent & Sylvain Darrifourcq)
04. Baleine (feat. Joachim Florent & Sylvain Darrifourcq)
05. Bison (feat. Joachim Florent & Sylvain Darrifourcq)
06. Coq (feat. Joachim Florent & Sylvain Darrifourcq)
07. Souris (feat. Joachim Florent & Sylvain Darrifourcq)
08. Loup (feat. Joachim Florent & Sylvain Darrifourcq)
Écrit par: Oiseau Anton
Hier, sans aucune forme de prétention, nous cherchions à transcrire et à réfléchir notre époque. Curieux et audacieux, défricheur passionné, nous explorions sans oeillères et à travers un contenu éditorial toujours riche
et exigeant l’ensemble des strates qui composaient le monde bouillonnant de la musique indépendante, ses marges souvent nichées dans le creuset du web comme le halo médiatique qui entourait certains. Mais çà c’était avant. Aujourd’hui, on fait ce qu’on peu !
dieu vous le rendra….
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