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Après le Pop Montréal en octobre dernier, mais si, rappelez vous, j’ai à nouveau la chance de me faire inviter en Amérique du Nord pour l’un de ses évènements majeurs : le SXSW, soit South by South West, quelque chose comme un des festivals les plus importants à l’échelle mondiale. En gros tous les groupes y jouent et le business tourne ses regards uniquement vers ce gigantesque Midem indie qui fait et défait les réputations en deux temps, trois mouvements.
En plein lancement de notre propre festival (VILLETTE SONIQUE), mon coéquipier et moi ne réalisions pas trop qu’on allait partir le lendemain pour l’autre bout des Etats-Unis. Direction l’aéroport donc, un peu à l’arrache. N’ayant ni rempli la demande de visa, ni payé ce qu’il fallait, on se retrouve à choper le wi-fi du McDo à Roissy pour faire les dernières formalités à une heure du décollage, tout en continuant de répondre aux mails arrivant sur la boîte de la Villette Sonique. Après s’être fait fouiller à l’entrée de l’avion par les stewarts (étrange quand même que ça tombe sur nous), on finit par monter et s’asseoir. Première mauvaise surprise, les écrans sont cassés. Douze heures de vol, pas de film : bon courage…. Après un voyage un peu chiant, forcément, une escale à Dallas et un vol domestique, on se retrouve à Austin. Il fait 30 degrés et c’est déjà le soir (le festival a commencé la veille).
Jour 1
On file à l’hôtel poser les bagages puis au Convention Center où on doit récupérer nos fameux badges qui nous permettent d’accéder un peu partout. Tout ça dans la précipitation et la découverte d’une ville complètement dédiée au festival. Car ici pas de site à l’extérieur qui concentre les festivaliers et donc le bordel, tout se déroule en plein centre ville. Austin, capitale mondiale du live comme disent les Américains, rassemble un nombre invraisemblable de clubs, de salles et de bars. En marchant dans les rues bloquées à la circulation, c’est un incroyable maelstrom de musiques mélangées. En parallèle de la programmation officielle (qui rassemble plusieurs centaines de groupes), il existe un off, et tous les musiciens (du jam band à forte odeur de marijuana en passant par les fans de musique irlandaise et les apprentis rappeurs…) investissent les rues. Si on ajoute à ça les preachers qui viennent convaincre les pauvres « sinners » que nous sommes ou les étudiants en springbreak, tout cela donne une impression vraiment irréelle. Surtout qu’étrange paradoxe, on est quand même aux Etats-Unis, donc personne ne boit dans la rue et il faut montrer son ID avant d’entrer dans n’importe quel endroit où une once d’alcool est servi. Du coup, personne n’est arraché dans les rues et après avoir vécu quelques festivals français en forme de purge géante, c’est plutôt agréable de prendre part à un gros melting pot mais ne tournant pas à la bataille rangée éthylique.
On retrouve mon pote Guillaume, vivant à Toronto, venu présenter deux groupes canadiens. Après un vivifiant burrito au cactus (pas facile pour les végétariens ici), on part au showcase NME. Première bière, première tequila, tout semble rouler. Et le concert qui va suivre est une entrée en matière assez parfaite. Il s’agit de Darwin Deez, dont j’avais beaucoup vu le nom circuler mais pas forcément chez les bonnes personnes – donc je me méfiais un peu de cette hype de trois minutes. Et pourtant le concert auquel j’assiste est vraiment chouette. Le groupe alterne chorégraphies très second degré et morceaux super catchy. Rien de révolutionnaire, on est en terrain ultra balisé (Phoenix, Whitest Boy Alive, les débuts des Strokes) mais le charisme du gars et l’énergie de son backing band font le job. Premier bon show donc !
Il est déjà tard et on s’arrête à la scène montée par le festival M pour Montréal afin de serrer quelques mains. Le groupe qui monte sur scène doit vous être familier. Il s’agit de Malajube, groupe que j’avais vu plusieurs fois et que j’avais plutôt bien aimé même si leur arrogance m’avait toujours un peu agacé. Là , le groupe que je vois monter sur scène (quelque chose comme trois ans après leur dernier concert au Nouveau Casino) me semble complètement inconnu. Rock FM balourd et trop sûr de lui. Ils enchainent les chansons sans âme, massacrent leurs morceaux plus anciens. Je passe la main…
On finit cette première soirée au showcase monté par Primavera. Si le succès et la qualité du festival n’est plus à discuter (et ne l’a jamais été d’ailleurs) cette scène un peu minable montée dans un bar ressemble plus à un prétexte pris par les organisateurs pour convaincre les annonceurs de leur prestige international. On est pourtant venu voir un des groupes qu’on attendait vraiment, à savoir Soft Moon, dont le disque m’obsédait clairement ces derniers temps. Quand les trois Américains montent sur scène, il est 1h du matin et ils s’apprêtent à jouer devant 20 personnes. Le son est plutôt ok et envoie assez. Le groupe (basse, guitare, claviers/boîte à rythme) est carré (plus que ce que j’imaginais). Mais il y a quelque chose d’un peu déconcertant dans leur prestation. Certes leurs morceaux tabassent et ce mélange noise/new wave/shoegaze correspond totalement à ce que j’aime. Mais ce bassiste batcave et le clavier à l’attitude figée et un poil théâtral gâchent un peu un groupe dont j’attendais mieux (l’étiquette Captured Tracks étant pour moi un gage de qualité). Après il est clair que la salle n’est pas terrible, et malgré les hourrahs de la personne à droite (Céline de Summery), l’ambiance reste froide. On retournera les voir à Paris en mai. On rentre tranquillement dormir dans notre motel complet depuis neuf mois et rempli de musiciens, bookers et journalistes venus du monde entier.
Jour 2
Le lendemain, au réveil, il faut clairement établir un plan d’attaque car il y a tellement de groupes et de showcases que ça peut vite être assommant et vertigineux. Surtout qu’en marge des concerts du soir, la ville regorge de tout un tas de plans plus juteux les uns que les autres. Le mot d’ordre, m’avaient prévenu mes amis nord-américains, c’est « RSVP !», soit s’inscrire aux différentes guestlists avant le festival. Le plan royal c’est bien sûr la tente montée par The Fader et sponsorisée par tout un tas de marques. Un ami bien intentionné ayant fait la queue une heure pour nous, on récupère les fameux bracelets qui permettent d’accéder à tout un tas de concerts l’après-midi dans un cadre super cool. Même si on reste dans le pays du sponsoring, l’ambiance est bonne : open bar, goodies, jeux vidéos, DJ pointus… Bref, assez parfait. Et surtout cette impression laid back typique du sud des US et assez difficile à décrire si vous ne l’avez pas vécue. Comme l’a dit un de mes collègues, « hipster mais un peu cagole quand même ». Premier concert plutôt cool, Freddie Brown, que je ne connaissais pas, hip hop mi-Beastie, mi R’n’B, plutôt bien gaulé. Derrière, Tinie Tempah (dont j’avais bien aimé la collab’ avec Snoop) monte sur scène. Un peu trop de sirop pour nous. On s’éclipse. Direction une partie de la ville excentrée et résidentielle, où se trouvent les lieux plus alternatifs du festival. J’avais repéré un showcase organisé par The Smell, petit épicentre hype de L.A. On atterrit dans une super galerie/librairie qui abrite (ô la bonne surprise) une expo d’Ed Templeton, chouette photographe skater… Derrière la boutique, il y a effectivement une petite scène où s’époumone un petit groupe qui pompe Elvis Costello, devant 7 à 8 personnes. Ici c’est un peu la règle : soit c’est trois heures de queue soit il y a 5 personnes…
On continue pas loin et on s’arrête au showcase Pendu Disco (label/magazine/blog new-yorkais). Le lieu est assez bizarre, un grill mexicain bien ghetto, sorte d’équivalent de notre Rigoletto parisien mais version texane. A l’intérieur, la génération witch house (en gros les kids qui aimaient la chill wave l’année dernière sont passés à un look plus gothique cette année) danse sous MDMA. L’expérience est très drôle car aux Etats-Unis, tout est codifié, looké et lustré. On navigue en plein Kaboom d’Araki : ambiance sexuellement ambiguë, kids en sueur, ultra drogués (il est 16h) et filles white trash peu vêtues… On a raté Blissed Out (que j’avais vu en juin dernier et qui m’avait un peu laissé perplexe) mais Tearist, dont j’avais bien aimé les morceaux, monte sur la petite scène. Le duo est encore jeune, mais a des morceaux plutôt bien foutus (pop 80’s ultra dark) et la chanteuse (Siouxsie junior avec une casquette Hustler) fait le show comme si sa vie en dépendait. Plutôt chouette même s’ils ont encore besoin de se rôder sur scène. Le temps d’un nouveau repas junk et on file au showcase Domino situé en ville, au Emo’s, salle incontournable du circuit indie US. Le premier artiste qui monte sur scène est John Maus. Sa prestation récente à la Flèche d’Or a partagé les Parisiens. Mais ici le monsieur est sur la pente ascendante et je suis complètement dedans. Le son est à un volume à la limite du supportable et sa prestation est ultra belle. Seul sur scène, il harangue la foule. Ici pas de hipsters mais plutôt des kids mals dans leur peau, le poing levé, chantant toutes les paroles. Tout cela crée une impression vraiment différente et spéciale. On part ensuite voir un autre groupe un peu arty, Nite Jewel. Le groupe joue dans un petit bar mais l’ambiance est plutôt cool et le groupe semble assez attendu. Pas toujours convaincu par les débuts du groupe, j’y étais revenu via un super remix de Dam Funk. Le groupe ce soir est beaucoup plus solide et joue un funk rock bien gaulé, la petite frontwoman me rappelle Angel Deradoorian de Dirty Projectors et assure vraiment bien. On s’amuse du retour de ces sonorités funky yuppie 80’s (de Police à Steely Dan en passant par Joe Jackson), flagrante après le set de Darwin Deez et qui semble être une des tendances musicales de cette année. Direction ensuite le showcase de Panache (super boîte de booking US qui revenait juste de sa première croisière/festival, regardez donc par ici). Car le prochain artiste avait presque à lui seul motivé notre voyage : Gary Wilson. Pour les néophytes, Gary Wilson est un OVNI musical, modèle d’Ariel Pink, sorte de mélange entre Daniel Johnston pour la folie, Devo et Prince. Le crooner monte sur la scène du Red 7 avec un backing band déguisé très étrangement, masque, chapeau, talons aiguilles, blouse de chirurgien couverte de sang. Et le frontman applaudi par la foule arrive avec un enchevêtrement de poils, de cheveux et des gants de vaisselle aux deux mains. La prestation relevée par un choriste/danseur est à la fois géniale et totalement foireuse. Odes à l’amour soul très premier degré jouées par une troupe de freaks. On navigue pas loin de Lynch.
On s’éclipse dans un club voisin le temps de voir Spank Rock présenter les morceaux de son album à venir. Ambiance bien chaude, on hallucine sur la taille minuscule du club. La prestation est en tous cas très carrée et efficace mais manque peut-être un peu d’âme. Retour ensuite au Red 7 pour la prestation de nos favoris : Thee Oh Sees. Tout a été dit sur ce groupe qui, je pense, est une des formations live les plus classes du moment. Leurs morceaux ne révolutionnent rien mais le charisme, l’efficacité et l’intelligence avec lesquels sont exécutées ces petites bombes garage mettent tout le monde d’accord.
Le vendredi matin, on passe à la scène montée par l’Ontario qui, comme pas mal de showcases ici, essaie d’attirer le chaland avec de la bouffe gratuite (free nachos, free booze…). On passe voir Bonjay dont j’avais déjà dit du bien suite à Pop Montréal. Là , on est vraiment dans un cadre showcase… à 13h. Pas terrible, difficile de juger… On file ensuite de l’autre côté du périph’ voir Sun Araw (qui devait jouer une bonne dizaine de fois cette semaine-là ). Le concert est dans un backyard où une petite scène a été montée. Le soleil est plombant, plus de trente degrés, et voir les mélopées psyché en brûlant au soleil et en buvant des bières glacées reste une expérience plutôt géniale. J’aime vraiment ce groupe qui crée une musique voyageuse mais pas poseuse. Une vraie valeur sûre qui j’espère reviendra vite à Paris. On traîne un peu avant d’aller voir LA sensation du moment : Odd Future, sous la tente Fader. Et là on sent bien que le groupe est attendu, on se retrouve à faire une heure de queue pour voir les ados angelenos. On rate les deux premiers morceaux mais on arrive pour voir le Yonkers du chef Tyler the Creator. Le crew est à la hauteur de sa réputation, musicalement ça tabasse, leur DJ de 14 ans (sosie de Willow Smith) envoie la sauce. Tyler et Hodgy Beats mènent la danse. Et l’ambiance n’est pas à la fête. Sur scène le groupe envoie ultra violemment des bouteilles et cannettes dans la gueule du public qui évidemment finit par répliquer (le Pepsi et la Bud sont gratos sur le site). On évite de justesse une bouteille qui explose la tête d’une fille derrière nous, finissant en pleurs. Le petit Tyler commence quand même à flipper et demande à la foule d’arrêter. Comme c’est un petit malin, il balance entre deux « swags », « nous on déteste la police, vous aussi je suis sûr » et ramène la foule sous sa coupe en deux secondes. La prestation est en tous cas ultra punk et défonce 90% de ce qui se fait en hip hop en ce moment. Cinq merdeux, clairement, mais largement à la hauteur des attentes. Le climat est assez surréaliste et quand je sens un truc me taper violemment dans les jambes, je constate qu’un nain sous je sais pas quoi pogote en me frappant. Oui, c’était un bon concert !
Changement radical d’ambiance, on retourne dans une partie de la ville plus huppée. Le but de notre voyage était plutôt de voir des nouveaux groupes et de faire des découvertes plutôt que d’assister au retour surbuzzé des Strokes par exemple. On passe voir Keepaway dont j’avais plutôt aimé les 2/3 morceaux choppés sur des blogs. Le résultat sur scène est mauvais, vague resucée de MGMT joué par des hipsters à l’attitude outrée ridicule. On passe du coup dans le club d’à côté voir Dirty Beaches. L’image est très étrange, il joue seul sur une scène transparente qui fait penser à un club de lapdance. Des filles à côté de moi hurlent à chaque déhanchement. Image étrange en 2011 de ce disciple d’Alan Vega et ses comptines mi-rockab’, mi-ambient. Le résultat, plus proche d’une performance que d’un vrai concert, est plutôt prenant et je m’y retrouve sans souci.
Il n’est pas 20h et on a déjà assisté à six concerts. Pourtant, pas le temps de s’arrêter, on part au showcase Sub Pop qui attire les foules. Car tout le monde veut voir l’autre sensation du moment : Shabazz Palaces. Et le concert est à la hauteur de la hype. Après le hip hop ultra dark d’Odd Future, on assiste à une autre relecture du mouvement. Les deux frontmen sont super habités. Leur hip hop lo-fi jongle entre percussions live, MPC jouée à la main, électro laptop avec un talent assez fou. Les morceaux sont trippés et super bien foutus. Le flow, quelque part entre Yoni Wolf et Saul Williams, surnage et joue avec les effets psychés. C’est beau, prenant, spirituel et efficace. Pour moi, le meilleur concert du festival sans problème. Ils finissent leur prestation sur un featuring avec deux filles : une MC et une chanteuse soul, et c’est vraiment la cerise sur le gâteau (voir).
On s’arrête ensuite quelques instants au showcase de WFMU, mythique radio, qui accueille pas mal de groupes expés. On voit un bout du concert de EL-G, auquel je préfère largement Opéra Mort et qui ne me passionne pas outre mesure… Changement radical d’ambiance quand on file à la soirée Fool’s Gold, le label de A Trak, située dans un club surplombant un petit canal. On est venu voir Cubic Zirkonia, groupe participant à un certain revival house aux côtés d’Azari & III ou Hercules and Love Affair. La prestation est plutôt cool, très pro, et la chanteuse, diva soul, fait le spectacle. Le résultat manque un peu de sueur et serait sûrement meilleur dans un club surchauffé à 3h du matin. Ils finissent sur leur Dafd et son très efficace, sample d’Art of Noise. Si j’ai raté à mon grand regret Wiz Khalifa, je voulais jeter un oeil au concert de Freddie Gibbs. Quand on arrive à la salle, c’est l’ignoble Asher Roth qui joue. Ce sosie WASP de Jean Sarkozy avait samplé Say It Ain’t So de Weezer pour en faire une bouse digne de Sublime… Freddie Gibbs enchaîne. Sa prestation est honnête mais après les deux claques Odd Future et Shabazz Palaces, voir trois gars marcher de gauche à droite sur fond de hip hop old school ne me captive pas vraiment. On finit la soirée dans un club ultra 80’s, parfait écrin pour le concert de Games, maintenant renommé Lopatin & Ford. L’EP de Games était plutôt cool, mais bardé de samples. Le groupe (en trio ce soir-là ) joue pas mal de morceaux tirés de son album à venir. La couleur qui reste très 80’s est un peu différente, efficace et plus musicale. Les projections sur écran géant nous englobent dans une ambiance hors du temps. C’est le truc assez parfait pour finir cette journée marathon.
Jour 4
Et le lendemain, on recommence. Pas le moment de faiblir car le samedi c’est bien évidemment la grosse journée. On retourne sous la tente Fader en début d’après-midi voir Khaira Arby, (groupe malien, je crois). La prestation est plutôt pas mal, la chanteuse a une voix assez canon. Le guitariste fait des solos psyché dans tous les sens mais le son n’est pas terrible et ça n’aide pas trop… Le suivant à monter sur scène n’est autre que l’un des phénomènes médiatiques de ces derniers mois : James Blake. Le jeune Anglais a clairement partagé les avis (le nombre de discussions pro et contre ces derniers temps…). Moi j’avais plutôt hâte de le voir sur scène. S’il est clair que son délire mi-Harry Connick Jr, mi-emo kid au coeur brisé ne m’avait pas complètement convaincu, je trouvais qu’il restait des beaux morceaux sur son album. Il monte sur scène avec deux musiciens, très humblement, et joue pendant une petite demi-heure son disque. Et il s’agit plutôt d’une bonne surprise au final. Le public de chez Fader d’ailleurs lui fait un bel accueil. Et voir tous les homies danser sur le dubstep fragile du jeune Briton est une image plutôt chouette (et inédite en France, non ?). En live en tous cas, l’alliance belle voix, basses massives et rythmiques décalées fonctionne plutôt bien, même à cette heure de la journée (voir).
On se rend ensuite dans un grand espace, gratuit « Mess with Texas Party ». Comme l’entrée est gratuite, l’ambiance est beaucoup moins hype et plus typiquement indie rock mainstream américain. On voit la fin du concert de Ted Leo (qui a un peu de mal à se renouveler, je trouve, malgré des concerts toujours énergiques et efficaces). Il y a deux scènes : une extérieure et une sous un chapiteau. La première accueille Surfer Blood, qui ne me fait ni chaud, ni froid. Indie rock assez banal, influencé par la pop anglaise, bof bof… J’attendais davantage le groupe suivant, !!!, auteur récemment d’un album passé un peu inaperçu. J’avais beaucoup aimé un concert que j’avais vu d’eux avec le regretté et incroyable Gerry Fuchs à la batterie. Là , on retrouve les ingrédients habituels du groupe et le déhanché sexy de son chanteur qui m’évoque de plus en plus dangereusement Katerine. C’est très carré et efficace mais tout ça manque un peu d’âme et d’envie malgré tout. Le concert suivant est celui de Big Freedia dont j’avais déjà parlé dans le report de Pop Montréal. Là , sur la grande scène, on réalise que le projet a pris de l’ampleur en quelques mois et dépasse à présent le ghetto gay club. Avec son magnifique hymne Azz Everywhere, on pense plus à une version trans de Public Enemy (voir). Ça tabasse et le public de petits blancs suit sans souci. Un chouette moment ! Là , semi-émeute quand un des organisateurs monte sur scène pour annoncer que le groupe suivant, Odd Future, va jouer sur la grande scène. C’est aussi ça, Austin, le buzz en une journée est tel qu’on déplace le groupe sur une scène qui peut accueillir le double de public. Et là l’ambiance est beaucoup moins sélect que sur la scène Fader. Le public post-ado se rue en masse vers la première scène, escalade les toilettes, le mouvement de foule est massif et presque effrayant. Les kids affluent et scandent « Wolfgang ! ». Quand le groupe monte sur scène, c’est le pugilat. Encore une fois, je retrouve plus l’énergie d’un concert hxc que d’un truc hip hop pour les hipsters. Les slams se multiplient. Tyler et Hodgy Beats se tirent la bourre et se jettent les pieds en avant des échafaudages de la scène réceptionnés par un public qui les suit déjà aveuglément. Le son est à chier (mais vraiment) mais au fond tout le monde s’en fout. Puff Daddy, tout sourire, est sur le côté de la scène. C’est ici et maintenant que ça se passe et c’est un truc vraiment cool à vivre. Dans quelques mois, ce sera sûrement déjà trop tard (comme le suggère l’interview de The Drone).
Après une petite pause, on se retrouve à traverser la moitié de la ville pour accéder au concert de Rainbow Arabia, qui joue en fait en haut d’un building, sur une terrasse. Le bâtiment de l’autre côté de la rue abrite la fête de Perez Hilton aux allures de première de film Disney. Une DJette en provenance d’une boîte de Cannes passe une horrible soupe électro. Les RA montent leur matériel eux-mêmes un peu circonspects. Pourtant, le cadre est plutôt marrant et le son très correct. Par contre la prestation est très décevante. 90% de playback, un claviériste au charisme d’huître et qui croise les bras les trois-quarts du temps, une chanteuse aux allures de fausse Alison Mosshart qui se roule par terre… Et des compositions qui tentent un peu maladroitement de surfer sur tout ce qui se fait de hype en ce moment. Grosse déception !
On file rejoindre un tout petit club dans le centre ville pour voir SBTRKT (prononcez Subtrakt, merci Guillaume…), petite merveille de dubstep expérimental et mélodique qui se produit en live. Malheureusement le son est beaucoup trop fort (et oui pas de limiteur ici et à ce niveau-là ça fait un drôle d’effet). On sort un peu sonné par tous ces lives (on s’est déjà pris un bon six/sept heures de musique dans les oreilles). On passe rapidement à la fête organisée par Pop Montréal pour voir Gobble Gobble (dont je ne comprends toujours pas très bien la démarche…). Il est déjà temps de rejoindre une des seules afters du festival, organisée par Vice dans une sorte de sous-sol ou de parking… Devant, des tonnes de personnes se pressent et à l’intérieur, l’immense espace est vide. On finit par rentrer sans trop que je sache pourquoi. Dedans, une grande scène, des open bars vides (forcément, à force de ne faire rentrer personne), des vigiles partout. Pas très rock’n’roll tout ça. Off ! supergroupe punk HxC (des membres de Circle Jerks, Red kross, Black Flag, Hot Snakes, RFTC) monte sur scène. Ils ont l’air de savoir autant que moi ce qu’ils font là . Le chanteur dit avant le premier morceau : « Honnêtement, je ne sais pas pourquoi on joue ce soir. Je suis sûr qu’en temps normal personne ne m’aurait laissé rentrer ». Leur set est en tous cas bien mortel. Gros son, batterie à 200 à l’heure. Parfait à cette heure tardive. Odd Future (eh oui, encore eux) enchaînent derrière. Tyler n’a plus de voix et de toute façon les snobs s’en foutent… Retour tardif à l’hôtel.
Jour 5
C’est dimanche, le festival est déjà fini et la tendance est au barbecue et aux « hangover parties ». On prend un taxi pour quitter le downtown et on se retrouve au milieu de nulle part dans un complexe de frippes et de disquaires assez hallucinant. Rien autour si ce n’est un cimetière et quelques maisons. Not Not Fun organise un showcase dans un bar/pizzeria minuscule. On était venu voir Umberto, groupe TRES influencé par Goblin (d’où son nom italien, j’imagine). Je suis un peu déçu de constater que le clavier ne joue qu’avec un synthé midi sur des boucles… Pas de beaux claviers analogiques, malheureusement. Le batteur, lui, assure bien, la batterie est truffée d’effets et au final ça fonctionne plutôt bien (mention spéciale pour la petite machine à fumée sur le côté). C’est Shit and Shine qui enchaîne ensuite. Grosse claque comme d’habitude, quatre batteurs, un mec déguisé en lapin, un autre en gros truc jaune flippant, une GameBoy stridente, le tout donne un son noise tribal vraiment énorme. Ce sera la fin parfaite de notre SXSW. Plein de bonnes choses donc, des déceptions, des découvertes et surtout cette impression vivifiante de voir les choses au début, dans un autre contexte. Rien à redire quoi !
Écrit par: Adrien Durand
Hier, sans aucune forme de prétention, nous cherchions à transcrire et à réfléchir notre époque. Curieux et audacieux, défricheur passionné, nous explorions sans oeillères et à travers un contenu éditorial toujours riche
et exigeant l’ensemble des strates qui composaient le monde bouillonnant de la musique indépendante, ses marges souvent nichées dans le creuset du web comme le halo médiatique qui entourait certains. Mais çà c’était avant. Aujourd’hui, on fait ce qu’on peu !
dieu vous le rendra….
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