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Thieves Like Us l’interview

today17/07/2010 180 6

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Après que Thibault ait défoncé allègrement le dernier LP de Thieves Like Us lors d’une récente publication, il me semblait évident de donner la parole à la défense. Pontus, batteur du groupe en question, s’en est chargé en citant un pote de Francis Zegut et en invoquant des arguments irrévocables tels la primauté des groupes jouant des « lives réellement lives » et le fait que nous, Français, ne comprendrons jamais réellement les musiciens étrangers.

Votre dernier CD a été mal reçu par mes collègues de la rédac et je me devais de faire contre-poids. Je pense qu’ils n’ont pas compris l’album qu’ils décrivent comme de la musique pour dancefloor juvénile. Perso, j’ai toujours perçu Thieves Like Us comme un groupe dédié à pas mal d’activités de la vie de tous les jours (cf. les pochettes de vos singles) mais en aucun cas comme un groupe « dancefloor ». Je suis dans le vrai ?

Déjà, on n’en a rien a foutre de ce qu’un jeune de seize ans avec des boutons pense de notre musique, ni de la musique en général. On fait de la musique parce que c’est un besoin. C’est notre vocation, il n’y a rien que l’on ne fasse mieux. C’est plus grand que des mots, des interprétations individuelles, et des fausses suppositions. Dirais-tu la même chose du blogging ? Le journalisme musical est, traditionnellement, un domaine qui attire les ratés. Pour citer notre ami David Lee Roth : « Les journalistes musicaux aiment Elvis Costello parce qu’ils ressemblent à Elvis Costello. »

Maintenant pour répondre à ta question : Nous avons certains morceaux qui fonctionnent sur le dancefloor et d’autres qui fonctionnent mieux dans ton casque après une bouteille de Chablis et de la bonne herbe, mais nous ne sommes jamais juvénile, personne de réfléchi ne ferait cette supposition, ni ne la mettrait sur internet pour que tout le monde lise ça.

Drugs In My Body ressortait clairement du premier LP, le second semble plus homogène même si vous semblez accorder beaucoup d’importances au format single. Vous ne craignez pas de vous enfermer dans cette image de groupe à single ?

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Chaque année, internet raccourcit la durée d’attention de deux secondes. L’année prochaine elle n’existera plus. Personne ne télécharge un album entier sans avoir écouté au moins une chanson individuelle, les singles servent à attirer l’attention. Drugs In My Body servait comme appât (la dynamite ou le ver de terre) pour que les gens écoutent toute notre musique, même l’étrange album instrumental que l’on distribue gratuitement. Personnellement je préfère les albums, mais je suis une espèce en voie de disparition, et les albums le sont aussi, et cela fait un bon moment que je n’ai pas écouté d’album entier, du début à la fin.

Sur votre bio, j’ai lu que vous aviez créé le groupe en réaction à toute la musique électronique merdique que vous aviez écoutée/vue à Berlin. De quel type de musique parlez-vous ? Celle qui se fait derrière un laptop ? Vous concevez l’idée du live comme celle d’un groupe d’individus jouant de la musique avec de vrais instruments ?

Beaucoup de questions. La scène musicale en 2004, quand nous avons commencé a faire de la musique, n’était pas super. Le meilleur album de 2004 était Destiny Fulfilled. La scène berlinoise était particulièrement merdique, avec des gars perchés sur leur laptop, plissant les yeux à la foule… ou pire, des kids faisant des performances, se cachant derrière l’art pour ne pas montrer leur manque de talent et le fait qu’ils font du playback.Je comprends l’utilisation de loops et d’un backing track, même nous le faisons sur certaines chansons, mais ça devrait être aussi modéré que possible. Je comprends que tu ne puisse pas amener toute ta section cuivres en tournée, mais quand une personne est sur scène, elle devrait jouer ou foutre le camp. Jouer en live veut dire créer une experience unique, qui ne peut pas etre reproduite, qui ne peut seulement être appréciée par les personnes présentes.
Je pense que la scène musicale d’aujourd’hui est déjà bien meilleure, il y a un revival des lives réellement lives.

J’ai entendu dire que vous viviez désormais chacun dans une ville différente (Paris, Berlin et il me manque la troisième), ça ne doit pas faciliter les choses pour la vie du groupe, les concerts, etc. Comment vous organisez-vous ?

Trouver un endroit où vivre et travailler est toujours difficile, mais on est comme ça. On ne veut pas vivre à un endroit, ça devient ennuyant. L’herbe est toujours plus verte sur l’autre berge…

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Justement pour ceux qui ont quitté Paris récemment, que retirez-vous de votre passage dans cette ville ?

C’est une ville très belle et très individuelle, mais pour une personne pas française, c’est pratiquement impossible de vraiment s’intégrer. Je n’arrive toujours pas à me faire comprendre.

Vos paroles parlent parfois de filles froides et distantes. Pourtant en consultant la blogosphère, j’ai pu me rendre compte que vous aviez pas mal de retombées positives sur des blogs féminins quelque part entre une recette de cuisine et un accessoire Hello Kitty. Je dois en déduire que votre public féminin est un peu une arlésienne ?

Haha ! Il faut que tu me donne ces liens s’il te plaît ! Peut être que notre look est assez original pour un groupe, d’une manière un peu 70’s. C’est peut être ce que les filles reconnaissent… Mais nous avons un nombre égal de fans mecs, homos, lesbiennes, travestis, transsexuels… des guérisseurs et des drogués. Peut être que tous nos fans ont un truc en commun : c’est des marginaux. Les gens qui aiment notre musique sont en général des gens qui n’ont aucune appartenance.

Votre but ultime est, il me semble, la création d’une BO, vous avez avancé là-dessus ?

C’est dans les mains des mauvais gens. Quand était la dernière fois que t’as vu un film sans une bande-originale merdique ? Des années 50 aux années 80, les bandes originales étaient composées par des artistes et compositeurs célèbres, et aujourd’hui c’est toujours un nerd dans un studio surround-sound en train de bidouiller son orchestre midi… C’est plus fait par des artistes. J’aimerais bien entendre comment sonnerait une bande originale composée par Ariel Pink.

Je vous laisse le mot de la fin, parlez-nous de vos projets, vos side-projects, vos envies…

Écoute Anima Latina par Lucio Battisti. C’est tout.

Audio

Thieves Like Us – Forget Me Not

The Drums – Forever And Ever Amen (Thieves Like Us Remix)

Vidéo


Écrit par: Nicolas

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Commentaires d’articles (6)

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  1. thibault sur 17/07/2010

    « Le journalisme musical est, traditionnellement, un domaine qui attire les ratés. »
    « Peut être que tous nos fans ont un truc en commun : c’est des marginaux. »
    Tout est dit, merci.

  2. Jules sur 17/07/2010

    Génial, superbe mentalité, LE groupe de merde par excellence.

  3. Boubou sur 17/07/2010

    Ce débat autour du journalisme musical et d’un public marginal mériterait que l’on se penche sur ce qui l’a déclenché : la signification de musique juvénile. Jeune ? Pour un public pubert ? Frappée d’inexpérience ? J’ai trouvé l’album de Thieves like us vraiment pas mal, je n’en suis pourtant plus à ce stade-là, non ?

  4. Stanley sur 17/07/2010

    Qui sème la méchanceté récolte la colère.

  5. thibault sur 18/07/2010

    Ai-je vraiment dit « musique juvénile » ? je ne crois pas…

    « Gloubiboulga nauséeux, débordant de formules maintes fois ressassées, chaque morceau tente – avec cette même réussite proche du risible – le pari de s’affranchir de Play Music et de ses beats délectables pour titiller à nouveau les dancefloors d’une jeunesse passant ses plus belles heures à guincher mollement dans l’excès. »

    Ou la chronique d’un second album ne réussissant à aucun moment d’égaler son prédécesseur, mainte fois écouté par ma petite personne. D’ailleurs, qui aime bien châtie bien, puisqu’en général je n’use pas de la chronique pour dégonder gratuitement un album.

    Je trouve assez faible l’argument – que Nicolas prend pour irrévocable et que considère être un triste aveux d’outrecuidance – de ne pas accepter la critique au point de ranger l’ensemble des journalistes musicaux – et Nicolas dans le même panier donc (?) – comme des ratés. Mais des ratés de quoi ?

    S’imagine-t-on sérieusement qu’un groupe de la sorte ne vivrait pas sans tous ces « ratés » leur léchouillant les pieds ? Suffit-il de faire des montagnes de ce groupe pour être considéré à leurs yeux telle la digne réincarnation de Lester Bangs ?

    Enfin, on peut s’interroger : « qui aime Thieve Like Us ressemble à Thieve Like Us ? »

    On verra si Again and Again fera date.

    Thibault

  6. Jules sur 18/07/2010

    Faire de la musique est une chose, avoir la mentalité qui va avec en est une autre. Je n’aimais pas particulièrement Thieves Like Us, d’un point de vue musical et pour leur petit côté hipster super agaçant, mais je dois avouer qu’après la lecture d’une telle interview, je n’ai absolument pas envie d’écouter leur nouvel album. Si pour eux la critique et le public ne sont que des détails plus encombrants qu’autre chose, il fallait rester bien sagement dans son garage à jouer entre potes au lieu d’essayer de devenir le plus hype possible, question de principe. Bref, j’en ai ma claque de ce genre de groupes, c’est creux, c’est vide et sans grand intérêt, suivant.

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