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Mon goût prononcé pour les sonorités des années 80 a certainement été éveillé quand vers mes douze-treize ans, un cousin m’a fait écouter l’album Closer de Joy Division ainsi que du Depeche Mode. Cet événement a été un petit tournant dans la mesure où ça m’a sensibilisé à de nouvelles sonorités, celles des synthés en particulier, à une époque où je considérais encore la guitare comme instrument central de tout bon groupe qui se respecte.
Parallèlement à ça, origines familiales obligent, je baignais dans la culture grecque et sa musique entre fêtes autour d’un agneau à la broche dans un jardin, des disques de rebetiko et des concerts de Vangelis qu’un oncle possédait en laserdiscs.
Ce n’est que des années plus tard que j’ai ressenti l’envie de me pencher à nouveau sur cet héritage culturel et de me replonger dans ces sons. Grâce aux internets il ne m’a pas été difficile de renouer avec différents artistes qui m’avaient marqué plus jeune et d’en découvrir beaucoup d’autres par la même occasion. Le contexte actuel de folie autour de la réédition ou de l’exhumation d’artistes oubliés avec l’apparition de pléthore de labels spécialement dédiés à cette activité a également aidé, les gens semblent maintenant plus enclins à partager leurs petites découvertes, quelque chose de relativement obscur et intime est maintenant exposé aux yeux de tous, facilitant énormément les recherches et les découvertes qui vont avec. Si bien qu’au fil de mes déambulations sur la toile en recherche d’artistes grecs post punk/wave/électroniques, je me suis aperçu qu’un nom revenait régulièrement, celui de Giannis Papaioannou, musicien basé à Athènes et actif depuis le début des années 80 au travers de différents projets et actuellement derrière les entités ION et Mechanimal. J’ai pris contact avec Giannis qui a eu la gentillesse d’accorder pas mal de son temps à mes bavardages, pour évoquer son parcours, parler de la scène grecque de l’époque et de ses projets actuels
Kalimera Giannis comment vas-tu ? la dernière fois que nous avons discuté tu me racontais que tu étais occupé avec le mixage du prochain disque de ION, peux-tu nous en dire davantage ?
Kalimera Giannis, how is it going ? Last time we spoke you were telling me you were busy mixing your next ION record, can you tell us more about it ?
Hey Alex, tout va bien merci. Alors en fait le nouvel album de ION vient juste de sortir. Il complète une trilogie basée sur la notion d’imaginaire sur laquelle j’ai commencé à travailler en 2010.
Les Elfish Tapes, distribuées en téléchargement libre, étaient l’étape initiale de ce projet au long cours. La seconde partie était appelée ΜΑΥΡΗ ΣΥΧÎΟΤΗΤΑ — librement traduit en Fréquence Noire ou Bruit Noir — et est sorti uniquement sur Bandcamp. Cet album-ci s’appelle Unsound et marque la fin du cycle, défini par trois incidents ou marqueurs majeurs survenus dans ma vie.
Hey Alex, all is good, thank you. Actually, the new ΙΟΠalbum is ready and just released. It completes an imaginary concept trilogy that I started working on back in 2010. The Elfish Tapes — which was distributed as a free download — was the initial step into this long term project. The second part was called ΜΑΥΡΗ ΣΥΧÎΟΤΗΤΑ — freely translated as Black Frequency or Black Noise — and released through Bandcamp only. Now the new album is called Unsound and marks the end of a circle, defined by three significant incidents or marks in my life.
Le ION précédent était sorti en auto-production, qu’est-ce qui a été prévu pour celui-ci ?
Your last ION record was self-released if I’m not mistaking, what’s planned for this one ?
L’année dernière, j’ai décidé de créer une sorte de label privé nommé Ionmusik pour gérer et sortir les albums de ION. Ceci ne veut pas dire que certains de mes projets futurs ne sortiront pas sur d’autres labels comme ceux avec qui j’ai travaillé par le passé, mais pour le moment Unsound sort sur Ionmusik en une édition limitée de 100 CD et 50 cassettes, toutes numérotées, tamponnées et signées et disponibles sur Bandcamp. Le reste de la distribution digitale sur toutes les plateformes en ligne sera gérée également au travers de Ionmusik.
Last year I decided to form some kind of private label that I named Ionmusik for managing and releasing my ION albums.That doesn’t mean that parts of my future works will not be released on other labels, like the ones I’ve been working with in the past. But for now, Unsound, my new album will be released through Ionmusik in a limited edition of 100 CD’s and 50 cassettes, all numbered, stamped and signed. These can be obtained via my Bandcamp site. Additional distribution in all digital stores will be managed through Ionmusik, too.
Maintenant, si ça ne t’ennuie pas, remontons un peu le temps. Ton premier projet était le groupe dark post punk/cold wave Rehearsed Dreams. Quel âge avais-tu à l’époque et qu’est-ce qui t’a donné envie de faire de la musique et de participer à des groupes ?
Now if you don’t mind, let’s go back in time a bit. Your first project was the dark post punk/cold wave band Rehearsed Dreams, how old were you at the time and what made you want to play music and be involved in bands ?
J’avais treize ans quand un ami a ramené de Londres l’album des Sex Pistols, je l’ai tout de suite enregistré sur cassette et celle-ci a changé ma vie pour toujours.
Plus tard, à dix-sept ans avec Spiros Faros et Bill Soritos, on a fondé The Apparently Dead, un groupe qui au bout d’un moment a fini par devenir Rehearsed Dreams. A mes vingt ans nous avions déjà sorti notre premier — et unique — album, Repulsion.
Quand je regarde en arrière je peux clairement constater que mon envie de jouer dans des groupes a été initiée par l’esprit punk et l’éthique DIY des premiers labels indépendants.
I was thirteen years old when a friend brought the Sex Pistols album from London, I put it on tape at once, and that tape changed my life forever. Then at the age of seventeen together with Spiros Faros and Bill Sorilos we formed The Apparently Dead, a band that turned to be Rehearsed Dreams after a while. By the time I was twenty we already had released our first — and only — album Repulsion. So, when I look back in time, I can clearly see that the only motive to get involved in bands was given by the punk spirit and the DIY ethics of the first independent labels.
Il y avait une vraie scène en Grèce à l’époque avec des groupes comme Alive She Died, Film Noir, Forward Music Quintet, Yell-O-Yell, Xoris Perideraio et bien plus encore, y avait-il un sentiment d’unité entre tous ces groupes ou un circuit particulier dans lequel ils évoluaient ?
There was quite a scene in Greece at the time with bands such as Alive She Died, Film Noir, Forward Music Quintet, Lost Bodies, Yell ‘O’ Yell, Xoris Perideraio and many many more, was there a feeling of unity in the scene or some kind of circuit for all these bands to revolve around ?
Rehearsed Dreams partageait un local de répétition avec Headleaders, Yell-O-Yell et Villa 21. Tous ces groupes étaient signés sur Creep Records, le premier véritable label indépendant grec. Ce studio — situé dans une vieille maison presque abandonnée de Vironas — accueillait souvent d’autres groupes du label comme Metro Decay. On se connaissait tous et on jouait les uns avec les autres à la moindre occasion, donc oui, il y avait un sentiment d’unité, tout comme il y avait cette envie de partager des idées et des expérimentations soniques les uns avec les autres.
Pour ce qui est du paysage new wave grec dans sa globalité, on doit prendre en considération le fait qu’il y a eu un enrichissement musical dans la scène rock locale des années 80 avec l’apparition de plus en plus de groupes étranges sur le terrain de jeu établi du rock.
Malgré les différentes factions de la sous-culture punk / new wave qui suivaient différentes modes, malgré de fortes restrictions sociales quotidiennes et une forte censure sur toutes les formes d’art — quelque chose qui a peu à peu cessé dans la décennie suivante — la scène punk / new wave grecque était petite mais puissante.
Rehearsed Dreams were sharing the same rehearsal studio with Headleaders, Yell-O- Yell and Villa 21. All of them bands recording for Creep Records, the first real independent Greek label. That studio – located in an old, almost abandoned, house in Vironas – often hosted more labelmates such as Metro Decay. We all knew each other and we often jammed together in every given opportunity. So, yes, there was a feeling of unity, as there was a feeling of sharing ideas and sonic experimentation with each other. As for the whole picture of the Greek new wave, one has to consider that during the 80’s there was a musical enrichment in the local rock scene as more and more strange bands flourished in the established rock playground. Despite the various factions of the punk / new wave subculture who used different fashion styles, despite stronger restrictions on everyday social life, despite even an extensive censorship on all forms of art — something that gradually stopped in the following decade – the Greek punk / new wave movement was small but powerful.
J’ai l’impression que cette scène grecque est passée un peu inaperçue en dehors de ses frontières contrairement à ce qui se passait non loin en Italie par exemple. On dirait que le son venant d’Italie plaisait plus au public étranger, peut-être que le son grec était plus sombre, moins dansant ? Ce n’est que récemment avec les rééditions du Gallop de Lena Platonos sur Dark Entries ou la superbe compilation Into The Light par exemple que ces artistes jouissent d’une plus grande visibilité en dehors du pays, tu vois ça comment ?
For some weird reason I have the feeling that the Greek scene from the 80’s was largely over-looked by other European countries as opposed to what was happening at the same time in nearby Italy for exemple. It seems as if the Italian sound had more appeal to foreign audiences, maybe the Greek sound was darker, less dance material ? It’s only recently with the reissues of Lena Platonos’ Gallop on Dark Entries or the superb Into The Light compilation for exemple that these Greek artists benefit of a larger visibility outside of the country, what’s your take on that ?
D’un point de vue de passioné de musique et de collectionneur de disques, je ne pense pas que la scène italienne avait plus d’attrait au niveau européen au sens large. Mais il faut admettre que l’Italie a ouvert ses portes aux nouvelles musiques plus tôt que la Grèce. Un petit exemple qui me vient à l’esprit est qu’il a fallu dix ans pour faire venir Tuxedomoon en Grèce alors qu’ils avaient déjà fait d’innombrables concerts en Italie avant de se produirent à Athènes. Peut-être que ça a à voir avec la langue, je ne sais pas vraiment , mais ce que nous savons tous c’est que la langue italienne trouve mieux sa place dans les structures pop que le grec, même si à l’époque la plupart des groupes locaux utilisaient l’anglais et seuls les punks demeuraient attachés aux paroles en grec.
Seeing it from the view point of a music fan or a record collector, I don’t think the Italian movement had more appeal than the Greek one. On a larger European level, that is. But we all have to admit that Italy opened its doors to new sounds sooner than Greece. A small example that comes to mind is that it took ten years to bring Tuxedomoon for gigs in Greece, when they had already played countless shows in Italy before they first came to Athens. So maybe it has to do with the language, I don’t know really. But, what we all know is that the Italian language finds better comfort to pop structures than the Greek one, although most of the local new wave bands used the English language and only the punk ones remained loyal to Greek lyrics.
A l’inverse les compositeurs classiques/expérimentaux/élect
Greek electronic/classical/experimen
En gros que j’ai réussi à composer, enregistrer et tout éditer sur bandes magnétiques pour finalement livrer ma pièce d’examen final, une composition algorithmique suivant les lignes directrices du professeur Dimitri Kamarotos. Je l’ai appellée Creation et la pièce finale devait être construite et articulée autour de sept algorithmes de composition. Je me souviens encore de M. Stefanos Vassiliades, le directeur du KSYME, faisant irruption dans la pièce pendant que ma composition passait et demandant qui avait écrit la musique que je jouais!
Basically, that I managed to compose, record and edit everything on magnetic tape and finally deliver my final exam piece, an algorithmic composition, according to prof. Dimitri Kamarotos’ guidelines. The title given was Creation and the final piece should be constructed and sorted through seven compositional algorithms. I still remember Mr. Stefanos Vassiliades, the Headmaster of CMRC, invading the room when my piece was on, asking who wrote the music that was playing!
Tu as fait de la musique pour le cinéma et tu utilises souvent beaucoup de matériel visuel pendant tes performances live, quelle est ta relation au cinéma et aux arts visuels en général ?
You’ve done sound design for film and you often use a lot of visual material during your live performances, what’s your relationship to cinema or to visual arts in general ?
J’ai composé deux bandes son originales pour deux classiques du cinéma muet : The Great White Silence (1924) et Nosferatu (1922). Deux commandes du festival International du Film d’Athènes qui ont été jouées live durant des projections en plein air. Je pense que le cinéma a joué un rôle significatif dans beaucoup de mes explorations musicales, c’est surtout une source d’inspiration. J’aime, admire et respecte le pouvoir des images et la création de mythes modernes dans le cinéma.
I have composed new original scores for two classic silent films : The Great White Silence (1924) and Nosferatu (1922). Both commissioned by Athens International Film Festival, they were performed live on open air screenings. In many parts of my musical explorations I believe that cinema has played a significant role. Mostly an inspirational one. That alone means I love, admire and respect the power of image and the creation of modern myths in cinema arts.
De tous tes projets, Raw est probablement mon préféré, peux-tu nous en parler un peu plus ? J’ai aussi lu quelque part que tu avais des enregistrements inédits, tu penses que ça sortira un jour ?
Of all your projects Raw is probably my favorite, can you tell us a bit more about it ? I also read somewhere that you had some unreleased material, do you think it might come out someday ?
Raw s’est formé dès que je suis rentré de Suède où je faisais mes études. Avec Makis Faros nous avons commencé à faire de la musique pour des salles d’attente imaginaires. On a beaucoup expérimenté avec des boucles sur bande, on y a mélangé les timbres industriels de la musique concrète et enfin on a filtré le tout au travers d’échantillonages numériques et de programmation sur ordinateur. Raw en tant que système coopératif est l’une des raisons pour lesquelles nous avons fondé Elfish Records avec Makis. Nous avons réussi à sortir deux albums de Raw, beaucoup de titres éparpillés sur diverses compilations – locales et internationales – et au moment où nous étions en train de finir le mixage de notre troisième album, nous avons décidé d’arrêter car nos ambitions créatives et artistiques n’étaient plus les mêmes. Puis Elfish Records a cessé ses activités également. Depuis la fin de Raw en 1996, j’enregistre sous le nom de ION. Sur Mind, le troisième album qui n’est jamais sorti, il y a également différents invités, des membres d’autres groupes locaux, mais pour le moment je ne suis ni curieux ni intéressé de fouiller dans mes archives. Je pense qu’il y a eu tant de nostalgie musicale ces dernières années, étant donné que l’on essaye tous de sublimer et d’idéaliser ce qui est loin de nous. Peut-être que ça plaît aux jeunes générations, mais j’ai beau aimer le passé, je n’y suis pas attaché, je préfère m’investir dans ce que le futur a à offrir.
Raw formed as soon as I returned from Sweden where I was studying. Together with Makis Faros we started making music for imaginary waiting rooms. We heavily experimented with tape-loops, we blended in the industrial timbres of musique concrete and, finally, we filtered everything through digital sampling and computer programming. Raw as a co-operative system was one of the reasons why Elfish Records was created by me and Makis. We managed to release two Raw albums, lots of scattered tracks on various compilations (both local and international) and then by the time we were finishing the mixing of the third album, we decided to end this, since our creative or artistic paths could not meet. Then Elfish Records stopped its activities, too. Since 1996, when Raw split up, I am recording under the ION moniker. “Mindâ€, the third unreleased album of Raw, hosted various guests from other local bands, too, but at the moment I don’t feel curious or interested in digging in my archives. I believe there has been so much music nostalgia over those last years, as we all try to beautify and idealize what is distant from us. Maybe it works for the kids or the younger generations. But my opinion is that I love the past although I’m not fixed to it. I prefer investing in what the future has to offer.
Selon toi comment la musique grecque indépendante fait face à la situation économique et sociale actuelle du pays? Les gens continuent d’acheter des disques et d’aller aux concerts ?
How do you feel Greek independant music is coping with the current social and economical situation in the country? Do people buy records and go to shows like they used to ?
Le futur de l’industrie musicale est testé comme il ne l’a jamais été, le paysage a changé. Même dans un aussi petit pays que la Grèce, il y a des milliers de groupes et d’artistes donc les gens, et les jeunes en particulier, ont trouvé de nouveaux moyens d’écouter toute la musique qu’ils aiment depuis l’époque où sortir un vinyle était ce qui se faisait de mieux. Selon moi, la musique, et l’art en général, doivent s’approprier même les côtés sombres ou fous de l’époque qu’elle représente. C’est pourquoi j’essaye de maintenir une attitude DIY dans chaque étape de la production, même pour le projet Mechanimal, si bien que je me fous royalement de savoir ce qui marche ou non dans les scènes indépendantes ou mainstream grecques. Je suis convaincu que les gens achèterons ton disque s’ils ont passé un bon moment à ton concert. Peut-être que d’autres commanderont ton disque sur ton site ou celui de ton label. Mais les artistes doivent comprendre que nous vivons dans une époque où n’importe quelle information sur la musique et la musqiue elle-même peut être achetée ou volée. Je crois fermement que je serai heureux tant que la musique peut atteindre une ou dix personnes qui veulent communiquer entre elles ou avec moi ou avec nous.
The future of music business today is tested as never before in the past. The landscape has changed. Even in Greece, such a small country with thousands of bands and artists. So, the world and especially young people have found other ways to listen to all music they like, since that time when the release of a vinyl record was a must. For me, music, and art in general, must claim even the dark or the wild side of the times it represents. That’s why, I try to maintain a steady DIY attitude at all stages of production, even for the Mechanimal project. For this reason, I don’t give a damn about any kind of prime barometer on independent or mainstream Greek discography and scenes. I am convinced that people will buy your record when they come to your show and have a good time. Maybe others will order your record from your site, or your label’s site. But artists have to understand that we live in an era where any kind of information about music, even music itself is available to buy or steal. I strongly believe that I’ll be happy as long as music reaches one or ten people who want to communicate with each other, or with me, or with us.
Tu suis la nouvelle génération de musciens électroniques grecs ? Tu penses qu’il y a une réaction à l’actualité ? Tu vois des similitudes avec ce qui se passait dans les années 80 ?
Do you follow the younger generation of Greek electronic artists ? Do you think there’s a reaction to the current events ? Do you see similarities with what was going on in the 80’s ?
Non je ne les suis pas. Je tombe sur des projets intéressants qui aboutissent puis sortent avant de tomber dans l’oubli. Pour ce qui est de l’actualité je remarque un peu plus de bruit de surface actuellement. Concernant les similitudes avec les années 80, je n’en vois aucune.
No, I don’t follow them. I find interesting works getting finished and released and then get lost in oblivion. About current events, I notice some more surface noise now. About similarities with the 80’s era, I see none.
Plus tôt, tu évoquais le fait d’avoir enregistré sur bandes magnétiques et je suis certain que tu as eu l’occasion de manipuler pas mal de matériel analogique au fil des ans, mais à la fois tu es l’un des premiers artistes électroniques grecs a avoir utilisé un laptop sur scène. Quel regard portes-tu sur le débat analo vs numérique qui semble avoir refait surface de nos jours ?
Earlier you mentionned that you recorded material using magnetic tape, and I’m sure you’ve laid your hands on a lot of analog equipment throughout the years, but at the same time you were one of the first electronic greek artists to use a laptop on stage. What’s your take on the whole analog vs digital debate that seems to have resurfaced nowadays ?
J’utilise toujours un laptop sur scène — parfois deux — synchronisé avec deux ou trois synthés analogiques ou d’autres synthés numériques bizarres comme le Tenori-On de Yamaha ou le Kaossilator de Korg. Beaucoup de mes disques on été mixés et produits sur mon laptop donc j’ai appris à être à l’aise avec sa portabilité. j’utilise l’ordinateur portable surtout comme une machine d’enregistrement légère, comme un gros studio qui peut être transporté n’importe où. Et oui, j’ai utilisé beaucoup de matériel analogique et c’est toujours le cas mais j’ai aussi utilisé beaucoup de synthés logiciels qui tiennent un rôle vital dans ma musique, comme le Reaktor de chez NI. Je ne prends pas partie dans le débat analo vs numérique car j’utilise et manipule simplement les instruments comme des sources de sons et si ces sons fonctionnent pour moi, je me fiche de savoir s’ils proviennent d’une source analogique ou numérique. C’est marrant car je suis également un utilisateur de longue date des Oblique Strategies Cards de Brian Eno et Peter Schmidt et je suis souvent tombé sur la carte « Abandonne les instruments normaux ». Donc je pense surtout que ce genre de débats bloquent la créativité quand au final tout ce qui compte c’est de susciter de l’émotion à ton auditoire. Si ta musique ou ton art est efficace, le type de matériel utilisé n’est pas important.
The truth is I still use one laptop — sometimes two — on stage, synched with two or three analog synthesizers or other weird digital synths like Yamaha’s Tenori-On and Korg’s Kaossilator. Many of my albums have been mixed and produced with my laptop so I have learned to feel comfortable with the portability of it. You see I use a portable computer mostly as a light recording machine. Like a strong studio that can be carried anywhere. Yes, I have been using lots of analog gear, too. I still do. And yes, I have been using lots of soft synths that play a vital role in my music, like NI’s Reaktor. I’m not taking any side in the analog vs digital debate because I simply use and manipulate instruments as sound sources and if these sound good to me, it doesn’t really matter if they come from a digital or an analog source. It’s funny, but I’ve also been a long-term user of Brian Eno and Peter Schmidt’s Oblique Strategies cards, and I have often stumbled in the “Abandon normal instruments†one. So, I believe that such debates often block creativity when, in the end, the only thing that counts is to move the audience. If your music or your art is effective, it doesn’t matter what kind of equipment you’re using.
Ça me fait un peu penser à une conversation que j’ai eu cette année avec un pionnier de la techno française, penses-tu que la musique électronique est par définition tournée vers une certaine idée du futur et que s’adapter aux nouvelles technologies fait partie de son essence ?
It reminds me a bit of a conversation I had this year with a French Techno pioneer, do you think electronic music is turned by definition towards a certain idea of the futur and that adapting to new technologies is part of its essence ?
Je trouve fascinant qu’un ordinateur portable puisse communiquer sans fil avec un iPad par exemple, simplement en utilisant le même réseau. Ce type de technologie n’est pas simplement intéressant mais aussi nécessaire à la communication entre musiciens, ça n’empêche pas la créativité. Ça ouvre de nouvelles manières de communiquer en composition électronique. Après tu peux combiner ces deux sources à des instruments acoustiques branchés dans un autre système électronique qui transmet le signal en synchro à un tempo donné par exemple. Et le tout peut être enregistré en temps réel te laissant libre d’éditer tout ce que tu veux pendant le processus de pré-production final.
La révolution MIDI de 83 est née d’un désir de connectivité et de collaboration. Au fil des années on a atteint un stade où des controlleurs MIDI avec des potentiomètres, des boutons et des faders – tous assignés à des sons sur un ordinateur – peuvent être utilisés pour performer ou enregistrer des pistes et ça a certainement influencé la manière dont on appréhende la composition.
I find fascinating the idea that a portable computer can wirelessly communicate with an iPad for example, sharing just the same network. So this kind of technology is something I find not just interesting, but also necessary in the communication between musicians. It doesn’t hinder creativity. It opens paths to new ways of communicating in electronic composition. Then you can combine these two sources with acoustic instruments, plugged in another electronic system that transmits the signal in synch with the given tempo for example. And all these can be recorded in real time letting you do any kind of editing you want in the final pre-production process. The MIDI revolution that spawned back in ’83 was something that flourished by a desire for connection and collaboration. Through the years we have reached an era where MIDI controllers with knobs, buttons and faders – all mapped to sounds on a computer – can be used to perform or record tracks and this has certainly revolutionized the way that we approach composition.
Tu as eu beaucoup de projets différents et ça ne semble pas près de s’arrêter, c’est une sacrée longévité. Ton travail peut être sombre, abrasif par moments et à la fois atmosphérique et délicat dans le sens où l’on sent parfois une certaine fragilité derrière les couches de son. Qu’est-ce qui te pousse à chercher plus loin ? À quel point ton bagage culturel grec influence cela ?
You had a lot different projects and it doesn’t look as if it’s going to stop anytime soon, i must say that’s some serious longevity. You work can be dark, harsh at times yet atmospheric and beautiful in a sense that we can sometimes feel a certain fragility behind the different layers of sound. What keeps you pushing your art further ? To what extent your Greek cultural background has an influence on it ?
Sur un vieux compte MySpace j’avais utilisé la devise « explorer les limites extérieures de l’isolationisme sonore ». Je suis encore là -dessus. La musique, le son et les images sont les mediums qui me permettent d’exprimer tout ce que je vois se produire autour de moi. Je n’ai jamais eu peur d’expérimenter et d’essayer de nouvelles choses. La créativité c’est regarder les choses sous une nouvelle perspective. Évidemment, j’essaye toujours de garder à l’esprit que tout à déjà été dit et fait et que l’important ne réside pas dans l’histoire mais dans la voix de ton imagination. J’ai donc un besoin constant de trouver un moyen de voir les choses sous un autre angle, de me nourrir de sons et d’images avec lesquels je peux jouer par la suite et reconstruire dans mon imagination. Je fais au moins une chose par jour qui va faire travailler mes muscles créatifs, c’est pourquoi j’adore la photographie, ça me maintient les yeux ouverts. Par dessus tout, j’ai appris l’importante leçon d’être plus indulgent envers moi-même, d’arriver à me pardonner de ne pas toujours être à la hauteur de mes propres exigences.
En tant qu’artiste vivant à Athènes j’ai profondément sondé cet inévitable sentiment ambivalent entre enthousiasme et aversion par rapport à ma culture grecque. Lorsque je me balade sur mon plateau créatif, je trouve souvent amusant de considérer le paysage de la campagne grecque comme une forte influence sur ma musique ambiante.
In an old MySpace site I used the motto “exploring the outer limits of sound isolationismâ€. I’m still on it. Music, sound and imagery are the mediums that allow me to express everything that I see happening around me. I have never been afraid to experiment and try something new. Creativity is all about seeing things from a new perspective. Of course, I try always to remember that it’s all been said before and the importance lies not in the story but in the voice of your imagination. So, I’m in constant need to find a way to see things from a new perspective, feed myself with sounds or images that I later can play with and reconstruct inside my own imagination. I do at least one thing everyday that will exercise my creative muscles. That’s why I love photography. It keeps my eyes open. Above all, I have learned the ultimate lesson to be kind and forgive myself for not always being able to live up to my own high expectations. Since I’m a Greek artist living in Athens, I’ve travelled deep in those inevitable swings of excitement and loathing of my Greek cultural background. I often find it amusing, when I aimlessly wander on my creative plateau, to see the Greek landscape of the countryside as a strong influence on my ambient music.
Tu es aussi DJ, quelle importance ça a pour toi et qu’en retires-tu d’un point de vue personnel par rapport au travail de studio ? Tu gardes un oeil sur la scène club grecque ?
You also DJ, how important is it to you and what do you get from it on a personal level as opposed to studio work ? Do you keep an eye on the Greek club scene ?
Tout ce qui m’intéresse dans un mix c’est la passion et le flow, des bons titres qui vont me faire bouger avec le public. Tu ne peux pas passer de la musique pendant deux ou trois heures simplement pour toi ou simplement pour eux. J’essaye donc d’entraîner les gens dans mon mix, de les toucher d’une certaine manière et de laisser leur groove m’entraîner à mon tour dans des sélections plus surprenantes, c’est une question d’interaction. J’ai entendu certains des meilleurs DJ mondiaux jouer des sets hyper ennuyeux, simplement pour prendre le fric, la drogue ou la fame mais j’ai aussi entendu plein de gamins qui passaient de la techno ou de lajungle et j’ai réalisé qu’ils avaient un vrai talent pour faire bouger leur public. Je ne suis pas fan de la musique de danse d’aujourd’hui, j’écoute encore de la hard techno ou du dub techno voire un peu de deep house, mais je ne peux pas supporter la surenchère de breaks, de sirènes et de montées dans l’EDM d’aujourd’hui, du coup je ne suis plus vraiment ce genre de clubber social aujourd’hui. En revanche j’apprécie toujours beaucoup de mixs que m’envoient de plus jeunes DJ fidèles à la techno, l’electro, le dub et à des trucs plus underground.
I care only for passion and flow in any kind of music mix, about good tracks that move me in synch with the crowd. You simply can’t play music for 2 or 3 hours just for you or just for them. So what I try most is to drag people into my mix of music, move them in any possible way and let their groove lead me in more surprising selections. It’s all about interaction. I’ve heard some of the world’s best DJ’s playing totally boring sets, just to grab the money, the drugs or the fame. But I’ve also heard lots of young kids spinning techno or jungle and realized they have a pure talent in moving the crowds. I’m not so fond of today’s dance music, I still listen to hard techno or dub techno or even some deep house, but I can’t stand the ever rising volume of breaks and sirens and risers in today’s EDM, so that’s why I’m not that kind of social clubber lately. I still enjoy lots of DJ-mixes, though, sent to me by younger DJ’s loyal to techno, electro, dub or more underground stuff.
C’est quoi le plan avec le titre The Beginning de Mechanimal ? Il ne figure nulle part dans votre discographie et je le trouve super bien, vous comptez en faire quelque chose ?
What’s up with that Mechanimal track The Beginning ? it’s nowhere in your discography and I find it fantastic, any plans for it ?
Merci mais nous n’avons pas prévu d’en faire quoi que ce soit pour le moment. Ce morceau et la vidéo qui va avec marquent le point de départ du projet Mechanimal et notre tout premier concert. C’est un de ces morceaux qui restera bien caché quelque part dans le cyber espace. Peut-être qu’un jour je ferai quelque chose de tous ces travaux obscures.
Thanks, but there are no plans for it not at the moment. Track and video mark the start of the Mechanimal project and our first gig ever. It’s one of those tracks that will remain well hidden somewhere in cyberspace. Maybe someday, I’ll do something for all these obscure works
Qu’as-tu prévu dans un futur proche ?
What have you got planned for the near future ?
Des concert de ION et Mechanimal en Grèce et après on va partir enregistrer le prochain album de Mechanimal dans un studio loin d’Athènes.
Some ION and Mechanimal gigs around Greece. Then, we will start new recordings in a studio away from Athens for the new Mechanimal album.
Ion – Unsound
Écrit par: alexandre
Giannis Papaioannou ION Mechanical
Hier, sans aucune forme de prétention, nous cherchions à transcrire et à réfléchir notre époque. Curieux et audacieux, défricheur passionné, nous explorions sans oeillères et à travers un contenu éditorial toujours riche
et exigeant l’ensemble des strates qui composaient le monde bouillonnant de la musique indépendante, ses marges souvent nichées dans le creuset du web comme le halo médiatique qui entourait certains. Mais çà c’était avant. Aujourd’hui, on fait ce qu’on peu !
dieu vous le rendra….
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