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Ça n’en finira donc jamais sur le label du Texan Rabit, une sortie, une calotte. C’est déjà la sixième. Et cette fois encore, elle est absolument monstrueuse. Toujours le même format, une trentaine de minutes, entre mixtape et EP, et toujours la même efficacité des sorties d’Halcyon Veil…
Jesse Osborne-Lanthier, est intéressant à plus d’un titre. D’abord, il sort beaucoup de choses, dans des labels aussi différents que Raster-Noton, MIND Records, Where To Now? ou bien pour celle qui nous intéresse Halcyon Veil. Il vit également entre deux continents, à Berlin et à Montréal principalement. On pourrait dire qu’il est un croisement entre la techno, l’électro-acoustique et l’expérimentation large de l’électronique. Cette esthétique, hybride et chimérique, c’est ce qu’on trouve dans A.T.L.H.F.V.A.M.L.T.H.A.T.U. Mi mouvement mécanique, mi grime, mi expérimentation, mi électronique noire.
L’EP se découpe en huit petits mouvements qui vont du bruit mécanique à une sorte d’électroacoustique proche d’une esthétique GRM drone, en passant par quelques re-visitations des ossatures grime, ou encore un travail sur des fréquences sonores qui font penser à la voix humaine. On retrouve bien sûr aussi quelques traits des expérimentations néo-vogue, quelques signaux, quelques sonorités qui nous font nous figurer cela en tout cas. C’est comme si parfois Jesse Osborne-Lanthier réduisait à des figures minimales de reconnaissance possible les sons qu’il utilise. Tel mouvement évoquant telle esthétique. Il y a comme une sorte de dé-construction en tout cas, quelque chose de l’ordre du décortiqué pour n’en garder qu’une chair passée à la moulinette de la vitesse ou de la lenteur. Ce travail de la vitesse et du rythme est essentiel dans cet EP. Les accélérations et les décélérations sont permanentes, jusqu’à en faire une figure, un des tropes de l’EP. Ce travail du rythme est ici une manière de produire le sonore. Décélération et accélération, changeant parfois imperceptiblement les fréquences utilisées par Jesse Osborne-Lanthier.
Le tour de force est toujours de rendre une matière monstrueuse, narrative, à savoir donc une matière hybride ou chimérique, qui mélange les genres. Ici le pari est d’en faire une matière narrative non hiérarchique, une matière narrative sensible, où l’on peut broder à travers les différents mouvements de l’EP, ses propres histoires, ses propres fils d’imagination. Et dans ce cas précis, on peut dire que c’est un coup de maitre réussi par Jesse Osborne-Lanthier. Il y a presque quelque chose dans cet EP de la sorcellerie, ou d’une potion qu’on mélange à différentes vitesses pour en faire varier les effets ou les goûts. Quelque chose de l’ordre, en tout cas, d’un paganisme sonore. Presque une partition mystique, ou bien au contraire une partition solaire. Sans doute cette impression vient du dernier mouvement en featuring avec Bataille Solaire. On y retrouve des voix d’église bizarres, comme celles d’un rituel inconnu. Voilà , cet EP a quelque chose du rituel inconnu.
En tout cas, il y a cette idée d’une matière tendue, et d’une matière troublante. Les matières sonores sont tantôt très rugueuses, tantôt très bizarres, tantôt tourbillonnantes, tantôt linéaires, d’ici ou là surgissent des fréquences improbables, des court-circuits à la linéarité éventuelle de l’EP. On est toujours débordés par les pistes, toujours à côté de ce que l’on attend, toujours ailleurs de ce que l’on peut imaginer. Cette force-là est assez rare. Il n’est pas question, ici, d’expérimentation abstraite, mais bel et bien d’expérimentation sensible, de celles qui vous font pour un temps changer un rapport au quotidien, à la durée, au temps, à l’espace parcouru, à la médiocrité du réel. Ces sorties-là ne sont pas si nombreuses, et il nous paraissait nécessaire de le souligner. L’insurrection sensible par la musique a de beaux jours devant elle. Tentons d’imaginer nos fictions et nos récits pour l’accompagner.
C’est en tous les cas, encore une bien belle sortie chez Halcyon Veil, et on en est très heureux. On pense presque à aller s’installer au Texas, au moins sur Soundcloud.
Jesse Osborne-Lanthier — A.T.L.H.F.V.A.M.L.T.H.A.T.U.
Jesse Osborne-Lanthier – A.T.L.H.F.V.A.M.L.T.H.A.T.U. (27 juillet 2016, Halcyon Veil)
01. North Face Killah
02. Microchipped
03. Submitting To A Pile
04. Weed Kit
05. Web MD
06. That Captagon Sting
07. CRS
08. Velocity, Bilocation, Pyrokinesis (feat. Bataille Solaire)
Écrit par: Aurèle Nourisson
A.T.L.H.F.V.A.M.L.T.H.A.T.U. Halcyon Veil Jesse Osborne-Lanthier
Hier, sans aucune forme de prétention, nous cherchions à transcrire et à réfléchir notre époque. Curieux et audacieux, défricheur passionné, nous explorions sans oeillères et à travers un contenu éditorial toujours riche
et exigeant l’ensemble des strates qui composaient le monde bouillonnant de la musique indépendante, ses marges souvent nichées dans le creuset du web comme le halo médiatique qui entourait certains. Mais çà c’était avant. Aujourd’hui, on fait ce qu’on peu !
dieu vous le rendra….
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