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Lorsque Memories of the Future déboula sur les platines, il y a une poignée d’années, qui aurait prédit que nous ouvrions la boîte de Pandore ? Bien que trouvant timidement sa place sur les dancefloors underground anglais grâce à des labels comme Ghost, Big Apple ou encore Tempa, le dubstep gagna ses lettres de noblesse grâce à Kode 9, personnage clé d’un mécanisme qui allait bientôt engendrer un raz-de-marée dont personne ne sortirait indemne. Artiste aussi mystérieux que prolifique, Steeve Goodman alias Kode 9 cisaille des mélodies glaçantes, grinçantes et obscures, renvoyant aux chants d’apocalypse vomis par les cheminées bristoliennes quelques décennies plus tôt. Producteur de fine lame, dont l’écho ne se trouve que dans les pages du Ronin de Frank Miller, l’homme derrière le masque se bâtit une légende, constituant autour de la citadelle Hyperdub une armée de fantassins aguerris (Burial, Ikonika…) et penchant vers le côté obscur.
Je suis certain qu’une pelletée d’entre vous est prête à tourner les talons à la vue du mot dubstep. Un art trop de fois vanté comme l’alternative à un UK garage abrutissant ou une bassline déguisée en drum’n’bass découlant sur le grime ou le breakstep le plus insipide. Pourtant, dès Nine Samouraï, Kode 9 se forgera une solide réputation qui ne tarira pas. Morsure de l’aube, Black Sun vaporise d’une aura ténébreuse un sol craquelé par le rayonnement de l’astre au bord l’implosion. Black Smoke exhale une fumée noirâtre, pris dans un mécanisme éraillé dont chaque cliquetis résonne comme un coup de marteau. Un gaz fétide propagé par le flow belliqueux de The Spaceape, dont chaque mot accroche et écorche. Les beats s’accélèrent sur Love is Drug, collision de basses rondes et de lourds kicks techno. Sur le même schéma, Black Sun s’éloigne du genre de prédilection du producteur briton et lorgne sur le territoire d’un Scorn en pleine possession de ses moyens… Ce qui se fait assez rare. Cha Cha, vocaliste surdouée recrutée pour l’occasion, apporte un brin de fraîcheur à cet ensemble anxiogène, à la limite de la suffocation. D’une torsion, l’environnement s’écroule dans un agglomérat de particules électroniques, choc brutal de sonorités confuses réassemblées dans le très 8-bits mais aussi très vénèr, Bullet Against Bone. Otherman aurait quant à lui offert une conclusion parfaite à cet album, mais il n’en sera rien. Mélopée d’orgues en oraison funèbre sur laquelle The Spaceape crache une diatribe vénéneuse ; une rythmique convulsive au service d’un track monstrueusement menaçant. Kode 9 joue avec nos nerfs, nous offrant des atmosphères en demi-teintes, notamment sur Kryon, perle glitch atmosphérique composée à quatre mains, ou sur l’hypnotique Promises, morceau paroxystique de ce second verset. Goodman marrie dark groove et downtempo futuriste avec maestria. Un morceau qui pue l’odeur de l’asphalte sous l’averse et donne l’occasion à The Spaceape d’offrir un toast les plus tranchants et puissants de sa carrière.
Non content d’avoir sorti le dubstep de la mélasse dans laquelle ses propres fondateurs l’enlisaient, Kode 9 s’en approprie les inspirations pour mieux en modifier les codes. Ce samouraï des temps modernes n’obéit à aucune règle sinon les siennes et écrit avec philosophie le futur de la musique électronique. Le visage tapi dans l’ombre, Steve Goodman établit une cartographie musicale de l’état du monde tel qu’il est, sombre et froid.
Kode 9 & The Spaceape – Black Sun (Hyperdub, 2011)
01. Black Smoke feat. Cha Cha
02. Promises
03. Am I
04. Love Is the Drug feat. Cha Cha
05. Neon Red Sign feat. Cha Cha
06. The Cure feat. Cha Cha
07. Black Sun (Partial Eclipse Mix)
08. Hole in the Sky
09. Otherman
10. Green Sun
11. Bullet Against Bone
12. Kryon feat. Flying Lotus
Écrit par: Akitrash
2011 Hypercdub Kode 9 & The Spaceape
Hier, sans aucune forme de prétention, nous cherchions à transcrire et à réfléchir notre époque. Curieux et audacieux, défricheur passionné, nous explorions sans oeillères et à travers un contenu éditorial toujours riche
et exigeant l’ensemble des strates qui composaient le monde bouillonnant de la musique indépendante, ses marges souvent nichées dans le creuset du web comme le halo médiatique qui entourait certains. Mais çà c’était avant. Aujourd’hui, on fait ce qu’on peu !
dieu vous le rendra….
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