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Qu’il est bon de retrouver un vieil amant. Ce n’est certes pas la première chose que je me sois dite en apprenant le retour des Liarsavec leur nouvel album Sisterworld. Ma première réflexion donnait plutôt « youpi c’est le retour des cinglés », refrain qu’entonne d’ailleurs joyeusement leur dossier de presse. Comme si leur étrangeté, au sens premier du terme, garantissait d’office une certaine déviance mentale. Il faut vraiment être fou pour produire une musique pareille, se disent-ils. Mais ce qu’on retrouve avant tout avec chaque nouvel album des Liars, c’est la passion inaltérée d’un trio sans étiquette aucune. En marge, et fiers de l’être.
Cinquième album d’une discographie empreinte de liberté artistique toujours plus forte, Sisterworld nous prend immédiatement à la gorge avec le premier extrait Sissors, dans lequel la voix d’Angus Andrew nous chuchote qu’il « l’a trouvée avec ses ciseaux ». On frissonne, et la première salve de marteaux-piqueurs nous envoie direct au tapis, où l’on va rester pour écouter la suite. Après tout, rien ne sert de se débattre, ils nous tiennent déjà trop fort entre leurs pattes. Angus a beau répéter qu’il est un lâche (I’m a Coward), il veut avant tout réparer les dégâts (I Wanna Make It Up). Et les titres d’osciller entre une certaine douceur, baignée d’angoisses il est vrai (I Still Can See an Outside World ou No Barrier Fun), et de pures envolées de nerfs, tout en retenue, une véritable rage contenue dans la gorge (Scarecrows On a Killer Slant). On se retrouve un peu à la maison, hantée certes, avec ce chant dissonant qui fait toujours un peu grincer les dents, cauchemar éveillé où se croisent des silhouettes cabossées (Here Comes All The People).
Et c’est sans aucun doute sur ces quelques titres plus lancinants que l’inspiration des Liars transparaît le plus. Témoins de la pauvreté et de la violence d’une société en pleine explosion dans la ville du cinéma et du glamour, Angus et ses deux acolytes se sont approchés au plus près de la réalité de Los Angeles. L.A, Delhi ou Shanghai, peu importe. La mégalopole qui aspire ses habitants dans une spirale toujours plus rapide, c’est précisément dans l’oeil du cyclone que se trouvent les Liars. « Nous pensons que la majorité de la musique produite aujourd’hui n’est pas représentative de ce que la vie est vraiment ». Tout est dit.
Malgré tout, l’espoir émerge à quelques moments. C’est soudain, ça ne prévient pas, c’en est presque déstabilisant. Proud Evolution vient d’un autre hémisphère. Tout n’est pas foutu. Ce titre apparaît à contrario comme le plus étrange de l’album, entre guitares cinglantes, sonorités râpeuses et chant inquiétant, le monde post-apocalyptique des Liars nous devient familier, presque une décennie qu’Angus nous chante ses angoisses les plus profondes, et d’un coup d’un seul, il nous tend la main, nous relève du tapis, et nous souffle qu’une « évolution fière » est possible. Décoiffant. C’est là aussi très étrange à énoncer ici mais il y a un je ne sais quoi de Massive Attack dans l’arrangement de ce morceau.
Autre motif de réjouissance, Sisterworld sort en édition limitée avec une flopée de remixes et de duos (dont un avec Alan Vega), un projet qui tenait les Liars à coeur « L’idée était de vraiment repenser ce qu’est un remix, parce qu’il semble que c’est devenu une catégorie très formelle de production, un truc entre dj’s et producteurs qui font du dancefloor avec des titres rock, ce qu’on trouve assez ennuyeux. Nous avons donc demandé à des gens qui ne font jamais de remixes de s’y coller, pour voir ce qu’il arriverait s’ils n’avaient aucune limite, et le résultat est assez excitant. » La liste des participants elle, transpire d’excitation c’est sûr : Thom Yorke TV on the Radio, Blonde Redhead, Devendra Banhart, Cris and Cosy (Throbbing Wristle)…
Et non, les Liars ne sont pas complètement frappés, ils s’approchent avec justesse du monde dans lequel nous vivons et de tous ses aspects plus effrayants les uns que les autres. Et avant de condamner une fois de plus les trois californiens à la camisole chimique pour « étrangeté » messieurs les jurés, dites vous bien une chose, les Liars créent le son de notre époque, que celle-ci vous plaise ou non. Et avec Sisterworld, notre petite soeur la Terre a du souci à se faire. Goodnight Everything.
Liars – Sisterworld (Mute, 2010)
01. Scissor
02. No Barrier Fun
03. Here Comes All The People
04. Drip
05. Scarecrows On A Killer Slant
06. I Still Can See An Outside World
07. Proud Evolution
08. Drop Dead
09. The Overachievers
10. Goodnight Everything
11. Too Much, Too Much
Écrit par: Virginie Polanski
2010 Liars Mute rock Sisterworld US
Hier, sans aucune forme de prétention, nous cherchions à transcrire et à réfléchir notre époque. Curieux et audacieux, défricheur passionné, nous explorions sans oeillères et à travers un contenu éditorial toujours riche
et exigeant l’ensemble des strates qui composaient le monde bouillonnant de la musique indépendante, ses marges souvent nichées dans le creuset du web comme le halo médiatique qui entourait certains. Mais çà c’était avant. Aujourd’hui, on fait ce qu’on peu !
dieu vous le rendra….
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akitrash sur 07/02/2010
magnifique!