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Barry Burns, claviériste des Glaswégiens de Mogwai, avait déjà annoncé la couleur, au cours d’une entrevue en 2011, peu de temps avant de monter sur scène à Saint-Malo : nous n’avons aucun message à faire passer. On veut juste que les gens tirent de notre musique ce qu’ils veulent, en espérant qu’ils l’apprécient (lire). En version sous-titrée, on comprenait alors entre les lignes et les expressions amusées que la bande de copains soupait les interviews comme d’autres marchent vers l’échafaud, à reculons. En soi, rien d’étonnant, leurs compositions instrumentales et monumentales se suffiraient à elles-mêmes, notamment pour cultiver le paradoxe jusque dans la perception de ces dernières : on les dépeint à l’aune de mille superlatifs, eux ne retiennent que l’accident heureux né d’une session en studio, on érige leur musique en tombereaux pour mélancoliques, eux n’éprouvent qu’un bonheur certain à jouer celle-ci. Il ne faut y voir aucune offense, ni même un plaisir du contre-pied gratuit : ainsi s’intime l’âme écossaise, ne se souciant que de l’essentiel, burinée jusqu’à l’os par la dureté des éléments. Parler de musique avec eux semble accessoire, à rebours d’un triptyque on ne peut plus assumé : nation, foot et whisky. Un terreau fertile dans lequel on peut creuser à dessein, entre référendum d’auto-détermination de l’Écosse – Stuart Braithwaite lâchant d’un souffle une sibylline phrase, si l’on arrachait notre liberté, là je pourrais être fier, faisant écho à celle de Mark Renton dans Trainspotting  : putain regarde autour de toi, on n’a même pas été foutu de se faire coloniser par une race supérieure ! -, Celtic Glasgow – club fondé par des immigrants irlandais – et mise en fût de son propre élixir malté. Et si Rave Tapes, sorti le 20 janvier dernier via Sub Pop et leur propre label, Rock Action, était l’occasion de démentir une telle assertion s’agissant de leur mutisme, inutile de préciser qu’on y croyait à peine plus qu’une victoire du Celtic, la veille, contre le Barça. Les cinq buts pris dans le buffet par l’équipe de Samaras n’aideront d’ailleurs en rien à délier les langues de Stuart Braithwaite et John Cummings, courtois et rigolards, mais somme toute impatients d’en finir. Nous on supporte le Celtic, les autres on s’en fout.
La lumière décline, dehors le taxi ronronne, les réponses se feront, elles, de plus en plus laconiques. Non, je ne pense pas que nous referons un album de remixes. il y en aura peut-être deux ou trois, on verra ce que l’on en fera. Il y a beaucoup de gens avec qui nous aimerions collaborer mais on leur demandera avant de balancer leurs noms en interview. Les deux guitaristes de Mogwai sont ainsi, sans fioritures dans le discours et sans ambages quant aux idées. La ligne est claire, rectiligne, inflexible et si sens caché il y a, il revient à chacun de s’en faire sa propre opinion. Il n’y a pas d’histoire derrière Blues Hour, c’est juste un titre de chanson. Le chant a été posé à la dernière minute. Quand d’autres vendraient femmes et enfants pour composer ne serait-ce qu’une esquisse d’un tel morceau à l’intensité dramatique déconcertant de maîtrise, les deux Écossais, fidèles à leur réputation ne se privent pas pour matraquer toute once de romantisme supposée dans leur écriture, appliquant le même tarif à quelque visées capillotractées : Rave Tapes ? C’est juste un autre album, il n’y a pas de changement radical dans notre façon d’écrire. On a travaillé dur pour essayer d’être créatif, ce qui n’est jamais simple, mais on ne croit pas aux concepts, il s’agit d’une photographie de ce que l’on a fait à une période donnée : cet album est la musique que l’on a composée en 2013. Un propos qui tranche doublement, avec les communiqués de presse d’une part – actionnant une nouvelle fois la plausible incartade électronique du quintet -, mais aussi et surtout avec l’étonnant chambardement esthétique octroyant à  Rave Tapes une pochette presque aussi hideuse que le disque n’est réussi, lardant le tout d’un logotype fleurant bon le rétro-futurisme comme on le pratiquait au milieu des années quatre-vingt-dix, à la fois criard et périmé dès sa sortie. Notre évolution est lente et graduelle, on ne se pose pas de questions, ça se passe naturellement. Rave Tapes n’est qu’un nom inspiré des cassettes de raves techno qu’on écoutait quand on allait à l’école, au milieu des nineties, ça ne va pas plus loin que ça. Je comprends que l’on puisse faire des comparaisons avec Rock Action, du fait des morceaux avec des beats électroniques, structurés par une alternance entre couplet et refrain. Back to basic donc, l’album s’égraine de fait à la lisière du plus pur des classicismes, aux frontières des miscellanées parcourant de quelques revers de manches dix-sept ans de carrière dans la domestication de l’électricité. Paru en single deux mois auparavant, Remurdered (lire) est la seule des compositions à rompre dans son approche la filiation de Rave Tapes aux efforts précédents, incluant dans son ADN une bouillonnante saillie teintée d’électronique - rappelant en cela les rejetons d’Errors, signés sur Rock Action (lire). Remurdered est une chanson qui fonctionne bien toute seule, elle sort un peu du lot, c’est notre préférée sur ce disque, à quelques miles de l’émouvante The Lord’s Out of Control qui ne doit son salut sur le disque qu’à la volonté du réalisateur Antony Crook de la mettre en images, il avait une idée précise donc on a choisi celle-là . Pour le reste, sans ciller, le groupe remet le couvert, jouant de tous les éléments ayant coulé leur marque de fabrique dans l’acier de nos certitudes, entre les guitares de Master Card aussi agressives que celles obscurcissant The Hawk Is Howling (Wall of Sound, 2008), le morceau clin d’œil sur l’histoire du rock’n’roll - Repelish remémorant les samples d’Iggy Pop sur Punk Rock et reprenant le prêche d’un pasteur taxant Led Zeppelin de satanique -, le vocoder de The Lord Is Out of Control ressuscitant le mésestimé Rock Action (Matador, 2001), ou encore le phrasé-susuré à la codéine de Blues Hour, mettant en orbite l’indépassable Come On Die Young (Chemikal Underground, 1999) – album bientôt réédité en version remastérisée. Pas de rupture, mais pas non plus de continuité toute tracée, malgré les apparences, entre la récente bande originale composée pour la série Les Revenants (lire), et Rave Tapes débutant par la délicate Heard About You Last Night, parsemée d’un piano ressemblant à s’y méprendre à celui boisant ladite BO. Notre travail pour Les Revenants n’a pas eu la moindre influence à l’heure de composer Rave Tapes. Je comprends qu’on puisse penser cela, mais c’est un concours de circonstances : de toutes façons, nous aurions composé ce type de morceaux.Â
À vrai dire, et je l’avoue sans peine, l’écoute de Rave Tapes m’a insidieusement fait replonger dans celle, compulsive et hypnotique, de Come On Die Young. Peut-être parce que ce chef-d’Å“uvre enfanté par les Écossais, alors âgés de 23 ans, est indépassable esthétiquement et émotionnellement, peut-être aussi parce qu’il était temps pour moi de retrouver cet abîme méandreux, où chaque morceau confine à la perfection dans cet art subtil de dépeindre l’irascible mélancolie, rendant la tristesse presque belle. Malgré cet horizon quasi infranchissable, Mogwai reste donc capable de sortir d’indispensables disques et Rave Tapes en est un.
Mogwai sera en concert le 3 févier 2014 à l’Olympia de Paris, le 29 mars à Nîmes et le 3 avril à Lille.
Interview & traduction : Alexandre P.
Mogwai – Rave Tapes (Rock Action / Sub Pop, 20 janvier 2014)
01. Heard About You Last Night
02. Simon Ferocious
03. Remurdered
04. Hexon Bogon
05. Repelish
06. Master Card
07. Deesh
08. Blues Hour
09. No Medecine For Regret
10. The Lord Is Out Of Control
Écrit par: Thibault
Mogwai Rave Tapes Rock Action Sub Pop
Hier, sans aucune forme de prétention, nous cherchions à transcrire et à réfléchir notre époque. Curieux et audacieux, défricheur passionné, nous explorions sans oeillères et à travers un contenu éditorial toujours riche
et exigeant l’ensemble des strates qui composaient le monde bouillonnant de la musique indépendante, ses marges souvent nichées dans le creuset du web comme le halo médiatique qui entourait certains. Mais çà c’était avant. Aujourd’hui, on fait ce qu’on peu !
dieu vous le rendra….
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