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Il arrivera peut-être un moment où écrire sur Motorama dans ces pages s’avèrera particulièrement complexe, tant le groupe a été l’objet de notre attention depuis leurs débuts: taper « Motorama+Hartzine » dans un moteur de recherche suffit pour s’en rendre compte. De chroniques de leurs albums en interviews, en passant par des reports de leurs concerts, on pourrait penser que tout a déjà été dit tant sur leur musique que sur notre indéfectible affection pour celle-ci. Et pourtant, elle a cela d’incroyable qu’elle provoque toujours le même enthousiasme malgré les années inexorablement écoulées, comme seule une histoire d’amour idéale peut le faire. Il faut dire que la première rencontre avec la bande de Vladimir Parshin tient du coup de foudre, de ceux qui provoquent un tourbillon émotionnel sans équivalent: quand Alps, premier LP du groupe est apparu (lire), c’est ce fantasme un peu fou de voir se matérialiser la synthèse entre Factory et Sarah qui se concrétisait en partie. Un choc entre cold wave martiale et arpèges twee, qui ouvrait alors une voie vers la félicité à peine entrevue jusqu’alors, au travers d’un album à la profondeur folle. La suite tiendra du miracle: accueillis à bras ouverts par l’écurie Bordelaise Talitres, les russes démontreront avec Calendar (lire) une virtuosité et une maturité artistique proprement hallucinantes, dépassant tout complexe pop pour dérouler une Å“uvre à la fois puissante et implacable, mais aussi délicate et fragile. Et si chaque album penchera d’un côté de la balance (coldwave pour le premier, twee pop pour le second), Motorama réussira, avec Poverty (lire) puis Dialogues, a trouver la formule parfaite, symbiose entre Alps et Calendar, tout en renforçant sa propre identité, en inventant son propre style. Rythmiques parfaites, mélodies addictives et fibre émotionnelle fissurant n’importe quel cÅ“ur de pierre, une recette qui ne cessera d’entretenir notre romance avec le groupe de Rostov.
C’est donc sans une once d’appréhension qu’on accueille ce cinquième effort du quintette certes devenu trio, mais pas dépossédé de ses forces pour autant. Enregistré en six mois dans l’appartement de Vlad puis dans le studio du groupe, Many Nights est une nouvelle preuve du talent sans limite de la formation, qui confirme ce don unique pour sembler reprendre les choses exactement où ils les avaient laissées tout en démontrant à l’auditeur que le voyage continue, que toute stagnation est exclue. Empreint d’une légèreté, d’un détachement davantage à l’Å“uvre que dans les précédents albums, Many Nights ouvre une partie des volets de la maison Motorama, mais n’allume toujours pas la chaudière: si les lunettes de soleils sont de sortie, la doudoune reste de mise, tant le feu le dispute encore à la glace. Certes, Parshin chante moins grave, délaisse une partie de sa tension narrative habituelle, et les percussions sont de sortie. Mais ces changements ne suffisent pas à en faire un disque solaire pour autant: traversé par une urgence sans baisse de régime, baigné dans des nappes de synthés omniprésentes et verglaçantes (coucou The Wake), c’est finalement dans un tiraillement constant mais jamais néfaste que le disque trace sa route, soutenu par ce jeu de guitare si particulier et des lignes de basses à la profondeur et à la sophistication d’une dimension nouvelle. Tiraillement entre part d’ombre et de lumière d’abord, et si de trompeurs oripeaux comme Second Part et Voice From The Choir, tubes en puissance, habillent Many Nights et peuvent laisser croire dans un premier temps à un emballement pop rassurant, la mélancolie froide, à la fois pernicieuse et libératrice de la musique de Motorama rattrape très vite l’auditeur, comme le rappellent les redoutables Kissing The Ground, This Night ou encore la plus synthétique et voluptueuse He Will Disappear. Tension aussi entre passé ( le bien nommé Homewards ou You And The Others, qui auraient pu trouver place dans les deux premiers LP du groupe) et un futur toujours aussi incertain et excitant, comme le laisse entrevoir le trompeur Devoid Of Color, que chante Vladimir Pershin en conclusion de ce cinquième album. Devoid Of Color? C’est sans compter sur l’infinité de nuances présentes sur la palette de Motorama, qui avec cet album, nouvelle invitation au voyage d’une petite demi-heure, continue d’ écrire une histoire éminemment singulière: celle d’un groupe à la classe et à l’humilité rares, en perpétuelle évolution, et transcendant nos références les plus chères, ne nous laissant ainsi d’autre choix que de continuer à les regarder avec les yeux de l’amour, comme au premier matin.
Motorama – Many Nights (Talitres, sortie le 21/09/18)
1 – Second Part
2 – Kissing The Ground
3 – Homewards
4 – Voice From The Choir
5 – No More Time
6 – This Night
7 – He Will Disappear
8 – You & The Others
9 – Bering Island
10 – Devoid Of Color
Écrit par: S.L.H.
Hier, sans aucune forme de prétention, nous cherchions à transcrire et à réfléchir notre époque. Curieux et audacieux, défricheur passionné, nous explorions sans oeillères et à travers un contenu éditorial toujours riche
et exigeant l’ensemble des strates qui composaient le monde bouillonnant de la musique indépendante, ses marges souvent nichées dans le creuset du web comme le halo médiatique qui entourait certains. Mais çà c’était avant. Aujourd’hui, on fait ce qu’on peu !
dieu vous le rendra….
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