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Mount Eerie – Clear Moon/Ocean Roar

today11/12/2012 72

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Responsable des expérimentations de The Microphones puis de l’éblouissante discographie de Mount Eerie - Phil Elverum est un personnage atypique et décalé, à rebours de l’artiste contemporain. Son besoin de solitude, son désir d’exil, cette relation quasi organique entre ses aspirations musicales et cette nature qui l’obsède - de la beauté froide des grands espaces aux violents soubresauts des océans -, tout semble l’inscrire en porte-à–faux d’une génération de compositeurs ne rechignant jamais à se montrer, ou, tout du moins, à communiquer. Ma dizaine de questions envoyée, c’était feindre d’espérer que, même si l’homme possède un compte twitter, il serait volubile sur sa personnalité tout autant que sur sa musique. Un marécage intime et charnel, défloré ici à l’aune de rares confessions. D’évidence, la plus touchante d’entre toutes reste celle évoquant son rapport solitaire au monde. Un rapport nécessitant une cohérence et une discipline absolues avec soi-même : mise à part une parenthèse de cinq années à Olympia du temps de The Microphones, Phil Elverum est né et vit à nouveau Anacortes – au nord de Seattle dans l’état du Washington -, ville dans laquelle il compose, enregistre et distribue lui-même sa musique par le biais de son propre label, P.W. Elverum & Sun. Ascète dédié à sa propre musique, ledit label n’est que l’idoine artéfact permettant à celui-ci d’explorer de nouvelles idées, tant en terme de packaging - No Flashlight (2005) était par exemple enveloppé dans un immense poster -, que de concept créatif. Le diptyque composé de Clear Moon et d’Ocean Roar, respectivement parus en mai et septembre de cette année, en est le témoignage le plus récent, d’autant qu’une version condensée et égrainée fin octobre sur-ajoute une touche expérimentale à l’ensemble (écouter) - chaque album étant mixé en une seule plage de quelque minutes.

Indéniablement, depuis trois ans Phil Elverum sait où il va. Si son regard exhume tout doute à ce sujet, sa discographie accidentée peut néanmoins confondre d’incertitudes. Depuis 2009 et le ténébreux et Wind’s Poem - Phil Elverum scarifiant la plupart de ses compositions d’influences black métal, exceptions faites de Wind Speaks et de l’éternelle Between Two Mysteries, empruntant de troubles résonances à la bande originale du film Twin Peaks -, seul le 7″ To The Ground (lire), sorti exceptionnellement via la micro-structure Atelier Ciseaux, brise ce silence finalement loin d’être anodin, puisque successivement Clear Moon et Ocean Roar portent à six le nombre de LP sous le patronyme Mount Eerie.

Loin d’éclipser Clear Moon, Ocean Roar en constitue une sorte de double antithétique fonctionnant, comme au théâtre, en perpétuelle association : la lune paisible et mystérieuse annonce le déchaînement des éléments quand, inversement, de la funeste tempête éventrée procède l’harmonieuse clarté. L’un comme l’autre possèdent donc leur dominante, une thématique ne trouvant son sens qu’au regard de l’autre : de la forêt de cordes, de résonances et de vocalises rassérénées de Clear Moon (Though The Trees Pt.2, The Place I Live, Yawning Sky), de la quiétude de ses embardées célestes (House Shape) et instrumentales (Something, Synthetizer), prennent corps les tumultes de saturations carénant Ocean Roar. Et ce, de l’introductive sinusoïde Pale Lights à la convulsive Waves, où la rythmique se consume d’elle-même sur un tonnerre de distorsions. Les deux Instrumental n’obèrent en rien cette violence viscérale et primaire que la reprise de Popol Vuh, Engel Der Luft, ne fait qu’intensifier.

L’ordonnancement des choses aurait cependant été trop simple si un jeu de miroir ne s’immisçait pas entre les deux LP. Ancient Times et I Walked Home Beholding d’Ocean Roar sont baignés d’une luminosité ne dépareillant en rien de celle inondant Clear Moon, tandis qu’Over Dark Water, contenu sur ce dernier, s’agencerait sans anicroche au sein d’Ocean Roar. Entremêlés à l’extrême, les deux disques trouvent leur ineffable synthèse sur la suscitée Pale Lights, où la voix diaphane de Phil Elverum, drapée d’infimes notes de piano, interrompt et interroge la déferlante bruitiste se tramant dès l’orée du morceau. Une synthèse que l’on piaille d’impatience de voir s’édifier sur scène, sous les coups de boutoirs d’un songwriter ayant le DIY dans les veines, dépareillant comme quelques grands avant lui – de Daniel Johnston et Tom Waits aux regrettés Mark Linkous (lire) et Vic Chesnutt (lire) – à cette somme incalculable et innommable d’artistes interchangeables. Qu’il en soit ainsi, le grand disque de 2012 est un double album, aussi rare que précieux.

Audio

Vidéos

Tracklisting

Mount Eerie – Clear Moon (P.W. Elverum & Sun, 2012)

01. Through The Trees pt. 2
02. the Place Lives
03. the Place I Live
04. (something)
05. Lone Bell
06. House Shape
07. Over Dark Water
08. (something)
09. Clear Moon
10. Yawning Sky
11. (synthesizer)

Mount Eerie – Ocean Roar (P.W. Elverum & Sun, 2012)

01. Pale Lights
02. Ocean Roar
03. Ancient Times
04. Instrumental
05. Waves
06. Engel Der Luft (Popol Vuh)
07. I Walked Home Beholding
08. Instrumental

Écrit par: Thibault

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