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Narco Corridos pourrait être la bande-son d’un film au décor hétéroclite. Pour commencer, projetons-nous au beau milieu d’un freak show. Chapiteau déchiré en tissu délavé, sièges écorchés, caissière édentée et lumière inquiétante. La même ambiance que dans la caravane d’une voyante louche, mais en plus vaste. Le tout planté dans la zone industrielle d’une ville noire, sur un parking trempé de flaques dans lesquelles se reflète le néon chancelant d’un supermarché post-communiste. On serait à l’est de l’Europe, à cause des violons. Pourtant, au moment où on aurait enfin réussi à trouver une position à peu près confortable au milieu du public menaçant de ce cabaret bizarre, on trouverait qu’il y a un truc qui cloche. Ces guitares lourdes qu’on entend dehors… Hop, on se lève, un coup d’oeil à l’extérieur : plus de parking, plus de supermarché, plus de pluie, mais le désert californien à perte de vue. La nuit, toujours, la lune écrasante comme le soleil de midi. Une lueur, on s’approche. On joue du coude pour se frayer une place autour du feu. Un homme à la face burinée raconte des histoires étranges à un auditoire composé de clochards errants aux visages mangés par les ombres des flammes qui dansent. Hypnotisés par le récit du vieux, la bouche entrouverte, presque de la bave aux coins des lèvres. On est aussi subjugué par cette voix, cette voix rugueuse et usée de routard qui en a vu. Aucune idée de ce que peut bien raconter ce poor lonesome cow-boy, et on s’en fout.
Narco Corridos s’écoute comme un long voyage en train entre l’Europe bohème et le sud-ouest américain. Le nez scotché à la vitre, on regarde les paysages défiler. Tous différents et pourtant tous liés par quelques mètres en copropriété. Pas d’analyse, pas de réflexion, pas de visites touristiques. Dans ce voyage-là , on se passe bien du guide du Routard. Se laisser porter par cette voix qui raconte, c’est tout ce qu’il y a à faire. Fermer les yeux et regarder les paysages se dessiner à l’intérieur de ses paupières. Décortiquer les étapes de ce périple une par une gâcherait presque le plaisir. Se contenter de savourer les voix des deux frères Puaux se répondre tout au long de l’album apparaît comme une alternative moins vaine. Celle d’Antoine, d’abord, qui râpe et résonne comme celle d’un marin d’Amsterdam au petit matin et qui porte littéralement l’album (Dinner, Weakness Of The Sheep). Puis celle de Nicolas, plus sèche, qui convient à merveille aux ballades déglinguées et aux ambiances plus mesurées, mais pas moins grondantes (Cave In Hell, You Made The See, How She Ruined My Days, Alcohol). Le songwriting est particulièrement fouillé, ce qui ne l’empêche pas de confiner parfois à une violence extrême, mais toujours élégante (Bottom Bitch). Car si la fratrie excelle quelque part, c’est bien dans l’art de conjuguer sans accroc et sans faute de goût des influences pour le moins variées allant de Tom Waits au jazz balkanique et de Calexico à Nick Cave. Un western moite aux relents de tabasco, en somme.
Persuadée que, de toute façon, des gens qui citent John Fante et Jim Jarmusch dans leurs influences ne peuvent être que fréquentables, je me rends sans appréhension au Café de la Danse pour constater ce dont Narrow Terence est capable sur scène. Avec son mur en pierres interminable, son plafond qui tutoie l’infini et ses lumières chaudes, la salle ne pouvait constituer meilleure toile de fond à cette performance. Les deux frères, accompagnés de Christelle Lassort au violon – entre autres -, de Stéphane Babiaud à la batterie – entre autres – et de Benoît Rault à la guitare – entre autres, vous avez compris le principe -, ont choisi ce soir-là de se consacrer exclusivement aux morceaux du second album. Les acolytes se passent tour à tour les instruments, chacun jouant parfaitement son rôle au sein de ce road movie statique mais enivrant. Pourtant c’est bien Antoine, grâce à sa stature aussi imposante que sa voix, qui occupe presque continuellement le devant de la scène, éperdument emporté par la musique qui émane de ses organes. Et ce n’est pas parce qu’il joue – plus ou moins – de la folk qu’il doit se priver des attitudes de guitar hero, saut dans le public compris. Lors de ses différentes interventions, le groupe prouve en plus qu’il ne manque pas de second degré, qualité ô combien appréciée par l’auteur de ces lignes. Carton plein ? Oui, carton plein.
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Narrow Terence – Narco Corridos (Discograph, 2010)
1. Narco Corrido
2. Dinner
3. Cave In Hell
4. Weakness Of The Sheep
5. You Made The Sea
6. The Hole (Where I Will Fall)
7. How She Ruined My Days
8. Camilla’s Tune
9. Love
10. Bottom Bitch
11. Wet Dead Horses
12. Alcohol
13. Love Battle
14. The Man Who Thinks
Écrit par: Emeline Ancel-Pirouelle
2010 café de la danse Discograph Narco Corridos Narrow Terence rock
Hier, sans aucune forme de prétention, nous cherchions à transcrire et à réfléchir notre époque. Curieux et audacieux, défricheur passionné, nous explorions sans oeillères et à travers un contenu éditorial toujours riche
et exigeant l’ensemble des strates qui composaient le monde bouillonnant de la musique indépendante, ses marges souvent nichées dans le creuset du web comme le halo médiatique qui entourait certains. Mais çà c’était avant. Aujourd’hui, on fait ce qu’on peu !
dieu vous le rendra….
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akitrash sur 28/04/2010
aiiiiiiie…. Caramba!