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Sur l’asphalte rincée de la chanson française et des multiples revival synth-cold-blabla-pop-wave, les Night Riders chevauchent bon train vers l’horizon noir, le moteur animé d’un joli ronron mélancolique. Future Noir, c’est ça. Une ambiance urbaine et ténébreuse. Des boucles sombres et dansantes qui chantent la dystopie joyeuse. Des thèmes obscurs portés par une voix profonde et tout en souffle. Une grosse cylindrée, carénage au ras du sol, qui serpente sous les réverbères baveux d’une mégalopole américaine. Une certaine idée de l’onirisme urbain et un album diablement réussi. Rencontre avec les Night Riders. Une interview où l’on parle de compositions et de lives ratés mais aussi de Snoop Dog et de « voyages initiatiques sous scaphandre ». Le double LP Future Noir est sorti sur Svn Sns Rcrds et C’est ça le 10 novembre 2014.
Est-ce que vous pouvez vous présentez rapidement ?
Nous sommes Night Riders, Nous sommes une femme et trois hommes, nous pratiquons une musique à machine à forte consonance synthétique et nous existons depuis 2011.
Le passage de l’EP à l’album s’est fait naturellement ou c’est un format qui vous a demandé beaucoup d’efforts ?
Plutôt naturellement oui, même si cela impliquait forcément du travail. C’était en 2012, nous sortions tout juste d’une période très compliquée de questionnements et remises en questions profondes sur le bien-fondé de notre groupe… La cause : le développement chaotique de notre second EP, 1984, écrit et enregistré en Italie, puis en France pour tenter de rattraper l’irrattrapable. Cette période a été longue, lourde, fatigante et le résultat était loin d’être à la hauteur de nos attentes.
Toute cette période s’est révélée finalement très constructive, c’est à ce moment que nous avons décidé de nous recentrer, de faire les choses nous-mêmes et comme nous l’entendions avec notre label, de nous débarrasser de « managers », « labels » et autres parasites pour remettre la musique au centre de nos préoccupations.
Nous avons donc décidé, au mois d’avril 2012, de prendre tous nos petits instruments et d’aller enregistrer dans la maison d’un ami à Orléans pendant dix jours avec pour ambition de faire dix titres. C’était une façon de se reconstruire et reprendre confiance en nous, de partager du temps… l’antithèse de notre précédente expérience.
Chanter en français, ça signifie quoi pour vous ?
Pour des Français, ça signifie plus de liberté, plus de créativité et surtout plus de finesse… parler de stase, d’étoiles, de conquête spatiale, et autres voyages initiatiques sous scaphandre sur tout un album demande plus de vocabulaire que d’imagination.
J’ai l’impression que ça va plus loin que ça. Non seulement vous chantez en français mais chaque titre suggère un vrai travail de recherche sur la langue. Vous vous efforcez d’aller chercher des mots, des thèmes et des images peu communs. Quelle place accordez-vous au texte dans la composition ?
Les mots ont effectivement une place importante. Disons que nous nous servons de la musique pour donner de la force aux textes et inversement, nous travaillons énormément sur la résonance, les harmonies et les associations d ‘idées et nous nous soucions essentiellement de l’atmosphère et les sentiments qui en découlent… Il n’y a pas vraiment de rimes, mais des effets de style et des mélodies dans la suite des mots. Les mots et les notes sont des images, nous travaillons les deux de façon assez similaire, le terme « composition » fonctionne pour l’ensemble de notre musique – l’ordre des titre, l’ordre des mots, l’image, des textes à l’arrangement le plus insignifiant. Nous sommes des sensibles.
Dans une interview parue dans Subjective, vous mentionnez que la voix de Charlotte constitue le lien entre vous quatre. Est-ce que vous pouvez nous en dire un peu plus ? Si la voix vous lie, qu’est-ce qui vous sépare ?
Charlotte est le pilier du groupe selon moi – son identité, sa voix hyper singulière – et nous la poussons à s’affirmer et à se surpasser continuellement pour aller dans ce sens… Night Riders existe en partie grâce à notre rencontre, et mon envie que se soit elle qui porte le projet. Bien entendu c’est un équilibre entre nous quatre mais Night Riders sans la personnalité de Charlotte pourrait limite sonner pop foireuse, ou synth pop comme on dit en France… pour moi c’était soit Charlotte soit Snoop Dog pour que le projet ait du sens.
Pour remettre les choses dans leur contexte, il est important de préciser que nous abordions la question du live avec Subjective, et par cette phrase je voulais surtout dire qu’en concert nous n’avons pas vraiment de repères autres que la sauce de Charlotte. Elle fait 50% du live, quand elle est en forme, nous autres n’avons pas grand chose a faire que de jouer le mieux possible nos parties et aller dans son sens… au contraire, quand Charlotte n’a pas la pêche, nous ramons comme des malades pour faire vivre notre musique, le minimalisme et la lenteur n’aidant pas vraiment dans les moments de profonde solitude.
Les parties instrumentales de l’album sont travaillées et raffinées. Comment on gère cette tension entre musique chantée et volonté de soigner ses productions ?
On ne se pose pas vraiment la question en ces termes… il y a une bien entendu une réflexion, pas mal d’humour et des envies à la base de chaque composition mais nous ne cloisonnons pas les différents éléments de notre musique. Notre but est vraiment de nous surpasser et d’expérimenter, d’être généreux et éviter de se limiter. Le fait de pratiquer la musique depuis longtemps et dans des genres très variés nous évite les travers du remplissage, les mélodies trop faciles mais surtout ça nous permet une approche très personnelle de la composition tout en utilisant tous les codes « pop » super rincés de la musique « moderne ».
Le fait de nous produire et nous enregistrer nous permet aussi de pousser notre envie le plus loin possible sans réserves aucunes, et le faire le plus vite possible afin garder l’essence d’une idée sans la dénaturer… dans cette idée nous ne faisons plus de maquettes, car j’accorde de plus en plus d’importance au premier jet.
Être un groupe 100% machines, c’est un choix, un positionnement ou un simple hasard ?
Nous ne faisons pas de différence entre machines et instruments, d’ailleurs je trouve ça super désuet comme concept… La musique industrielle a presque 50 ans et le post-punk presque 40, et on n’a jamais dit d’un New Order ou d’un Depeche Mode que c’étaient des groupes à machines.
Que se soit en live ou en studio, nous utilisons autant d’instruments « classiques » que modernes. Le choix, c’est la liberté, d’autant plus quand on est dans une idée de traitement et d’identité sonore. Pour en revenir a ta question, le hasard, sûrement pas. Le positionnement, je ne pense pas même si le poids des tendances se fait sentir malgré nous. Un choix, oui bien entendu.
Vous êtes tous multi-instrumentistes. Comment répartissez-vous les rôles pour le live et les enregistrements ?
Pour les lives, c’est au coup par coup, selon ce que chacun doit assurer comme partie « principale », et si c’est vraiment pertinent… Il y a parfois des grattes que nous ne jouons pas, certaines percussions que nous programmons plutôt que de les jouer, etc. Il nous semble évident qu’il est important de penser le live en tant que tel et se permettre des variations et les répétitions sont le bon moment pour les envisager et les adapter.
Pour les enregistrements, ça se joue a l’énergie et surtout à l’envie, si l’un de nous part sur un délire, les autres suivent avec ce qu’ils ont sous la main.
Est-ce que tu (Anthony) as des souvenirs de plantages sévères en live ? Un combo Charlotte pas en forme et des instruments qui n’arrivent plus à se trouver ?
Oui oui le combo est déjà arrivé… un long moment de solitude à assumer devant pas mal de monde. On ouvrait pour Sleigh Bells à la Maroquinerie, c’était un de nos premier live, et disons juste que le public a été relativement sympa avec nous vu la faiblesse du live…
Une autre fois au Point Ephémère, on ouvrait pour FM Belfast, arrive le moment du dernier morceau que l’on nommera « bouquet final » pour l’occasion, et là , échec… aucun de nous ne jouait dans le même tempo, je te laisse imaginer le résultat. Depuis, Super ! (le tourneur), ne nous a jamais recontactés…
A la lecture de vos précédentes interviews, on a le sentiment d’une réflexion profonde sur la production et le travail d’artiste, et en même temps, les références au cadavre exquis, les improvisations en live témoignent d’une attitude très brute et très spontanée. Comment est-ce que vous gérez la tension entre réflexion et spontanéité dans le travail ?
Il n’y a pas vraiment de tension ou d’extrême entre les deux aspects, c’est un parti-pris et une démarche, et les deux aspects font partie de notre démarche artistique. Il y a l’expérience et sûrement le fait que l’ont nous a enseigné certaines mécaniques pendant nos études il y a… très très longtemps, mais le fait de conceptualiser ou tout simplement mettre des mots sur des envies nous aide a ne pas perdre de vue l’essentiel.
Nous nous considérons comme des « artistes » au sens large, donc plutôt dans la recherche, aller au bout d’une réflexion et intellectualiser certains aspects, mais le but est de concrétiser cette idée le plus vite possible et de ne jamais revenir dessus…
D’un point de vue exclusivement musical, nous sommes boulimique de composition, nous avons beaucoup d’envies et nous sommes toujours enthousiastes à l’idée d’ouvrir une nouvelle porte pour nous y engouffrer, apprendre et creuser dans ce sens. A force, nous cultivons une certaine idée du groupe et ce que nous pouvons nous permettre et ce que nous nous interdisons.
Tu as l’air de dire que vous avez tous une formation académique liée à l’art. Est-ce que c’est quelque chose qui influence la culture du groupe (méthodes de travail, langage, cohésion, etc.) ?
Pas uniquement académique, mais oui, nous sommes trois dans le groupe à avoir fait des études « d’arts » à un moment de notre vie.
Nos études ont forcément marqué notre perception, surtout quand tu es jeune et étudiant, mais difficile à illustrer, si ce n’est de conceptualiser et expérimenter comme je te disais dans la question précédente… Je pense que ces années nous ont surtout aidés à nous trouver et nous assumer ; avoir un certain recul sur ce que l’on produit et rester ludiques quant à notre approche.
Au-delà des méthodes, et pour faire court, nous sommes tous autodidactes et il n’y a que Charlotte qui maîtrise vraiment le solfège, à partir de là tout est possible en termes d’expression… mais cela ne nous empêche pas de nous considérer comme des musiciens et certaines connaissances de nous envier cette approche.
Vos principales sources d’influences ?
Le cinéma, la nuit, les villes, les ambiances, des images, les rencontres, des sensations, l’emprise de drogues douces… musicalement, il y en a beaucoup trop.
Pourquoi Future Noir (titre de l’album) ?
En hommage a un courant filmographique de la fin des 70’s, « Future Noir » ou « Tech Noir », le fameux club new wave foiré de The Terminator. On partage cette petite obsession pour ce genre de films et on a décidé d’en faire un album « concept », ça colle bien à l’époque.
Night Riders – Future Noire (Svn Sns Rcrds / C’est ça, 10 novembre 2014)
A1. Sombre Danse
A2. L’Echo Résiduel
AA1. Lovotics
AA2. Future Noir
B1. L’Espace Et Le Temps
B2. Jupiter
BB1. Adieu Mon Capitaine
BB2. Epilogue (03-06-12)
Écrit par: Alexis Beaulieu
C'est ça Night Riders Svn Sns Rcrds
Hier, sans aucune forme de prétention, nous cherchions à transcrire et à réfléchir notre époque. Curieux et audacieux, défricheur passionné, nous explorions sans oeillères et à travers un contenu éditorial toujours riche
et exigeant l’ensemble des strates qui composaient le monde bouillonnant de la musique indépendante, ses marges souvent nichées dans le creuset du web comme le halo médiatique qui entourait certains. Mais çà c’était avant. Aujourd’hui, on fait ce qu’on peu !
dieu vous le rendra….
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