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On y était – Chokebore

today03/03/2010 289 2

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Chokebore, Festival Super Mon Amour, 19 février 2010, la Maroquinerie.

Chokebore.(c) Magali Boyer / www.magaliboyer.com

Il est très difficile de conjuguer rigueur journalistique et amour de jeunesse. Forcément, lorsque j’ai su que Troy Von Balthazar, James et Jonathan Kroll et Christian Omar Madrigal Izzo reformaient Chokebore, ce fut l’immédiat branle-bas de combat dans ma boîte crânienne déjà perturbée. Peut-être l’unique occasion de les revoir, de sentir à nouveau cette énergie brute s’éprendre de mes membres, peut-être aussi la dernière occasion de les rencontrer, de leur poser les mille questions qui se bousculent au portillon de ma jeune conscience professionnelle. Que dire aussi de cette sensation étrange de les avoir quitté hier et de les retrouver sept ans plus tard. Flash temporel, j’étais parmi ceux qui, un soir d’avril 1998, dans la petite salle du Chabada d’Angers, avaient tutoyé les cimes de l’ivresse rock dans un concert bouillonnant et agressif comme je n’en ai plus revu depuis. J’avais dix-huit balais et le groupe présentait son quatrième disque, presque à domicile, Black Black ayant été enregistré par Peter Deimel au studio Black Box d’Angers fondé par le regretté Ian Burgess. La fatigue de tournées interminables ne se lisait pas encore dans leurs yeux. Disponibles, emprunts d’une générosité sans pareille, le groupe ne rechignait pas à discuter avec les quelques fans restés après le concert. J’en étais bien sûr, muni de l’intérieur du livret de Montionless, voyant Troy s’envoler à la renverse, photocopié en A3. Ils s’en étaient amusés, chacun d’entre eux gribouillant, à mon plus grand plaisir, diverses annotations. Troy, lui, avait ajouté une légende à cette photo le représentant. Quelques mots gravés au fond de ma rétine pour un long moment : i’m jumping for my life and i hope i make the landing. Un condensé de ce qu’était Chokebore à mes yeux ébahis : entre décharge d’électricité frustre et romantisme d’une voix profonde et torturée, entre sagacité des mélodies et coloration d’un vide existentiel. Le gris terne, celui du doute adolescent, qui se trouvait là constellé poétiquement d’émotions pures, sans concession dans leur entièreté.

Et puis, ces concerts, qui ont fait leur nom, ont fini par les lasser. Troy le premier, désirant quitter les mers démontées de la distorsion pour gagner, seul, la quiétude de la composition acoustique. It’s a miracle clôturait une discographie, dont il sera bientôt question dans ces pages, avec ce morceau de bravoure, sans appel, She Flew Alone, dernier ressac acrimonieux du groupe avant l’éclatement et la dispersion. Chacun poursuivit alors ses propres chemins de traverse, Troy vivotant de part l’Europe, la guitare sous le bras, Jonathan installé à Berlin, se consacrant à sa peinture et à sa famille. Rien ne laissait supposer que la porte à une reformation demeurait entrebâillée. Rien, sauf peut être entendre Troy chanter, seul face au public, uniquement muni de sa guitare et de quelques pédales d’effets, certains morceaux d’A Taste For Bitter et de Black Black. L’essence de Chokebore a toujours coulé dans ses veines, il l’admet, et c’est au moment où l’électricité le démangeait de plus en plus que l’idée s’est imposée d’elle même : retrouver son groupe, faire quelques concerts, prendre du bon temps et temporiser pour la suite. Pas une promesse mais bien une une perspective. C’était sans compter sur l’engouement qu’une telle décision allait provoquer pour un public qui n’a rien oublié d’eux, et qui, au contraire, s’est même élargi. En ce 19 février à la Maroquinerie, on croise aussi bien des jeunes têtes blondes que de vieux briscards de la scène indé. Cette date unique en France (pour le moment) fut annoncée début novembre. Quelques jours suffirent pour que le concert affiche complet. Comme on dit dans le jargon propre à ce week-end de festivités, c’est une SUPER ! bonne pioche. Une de plus.

Ce n’est qu’en janvier que l’on sut que le « Chokebore + guest » s’était converti en « Chokebore + Prince Miiaou ». Chat échaudé ne craint pas toujours l’eau chaude, dire que j’ai volontairement évincé le Prince Miiaou ne correspond pas à l’exacte réalité des choses. Et ce malgré la prestation tout en contrastes de Maud-Elisa Mandeau lors du Mo’Fo’ 2010. Happé par la mise en boîte captivante de l’interview de trois des quatre Chokebore, James, le bassiste, ayant préféré laisser son frangin répondre en son nom, je mets un certain temps à rassembler mes idées, fatalement submergées par la générosité et la simplicité qui se dégagent de leurs regards et de leur paroles rassérénées. Je les quitte, un brin ailleurs. Le Prince Miiaou, imposé par Chokebore au programmateur du festival, débute son set, le temps pour moi d’aller épancher ma soif et mes premières impressions sur un coin de comptoir salement fourbi. Quelques minutes s’évanouissent entre regards étourdis et bouts de cigarettes rougeoyants et c’est dans une drôle de cohue que je pénètre dans une Maroquinerie pleine à craquer. Le public est bigarré, venu des quatre coins de l’hexagone pour l’événement, formant une masse compacte et indistincte se répandant dans les moindres recoins de la salle. La tension est palpable jusqu’à l’étincelle, l’embrasement qui s’empare comme un seul homme de l’assistance lorsque la lumière décline. Troy et Jonathan (guitare) prennent place, le sourire aux lèvres, suivi de près par James et Christian (batterie). Le groupe est dans sa configuration d’A Taste for Bitter (1996), ce qui explique le peu de morceaux joués extraits des deux précédents albums (Motionless, 1993 et Anything Near Water, 1995).

Troy, de son rire reconnaissable entre tous, avoue être content d’être là, remerciant déjà la foule de sa bienveillance, signe qu’ils ne se reforment pas pour rien. We’re going to have fun tonight siffle-t-il entre ses dents que déjà les accords acérés de Ciao L.A. retentissent dans toutes les caboches d’une assistance déjà conquise. Un morceau d’entame tout sauf anodin puisque son refrain était le signe d’un groupe qui en avait assez de s’époumoner sur les routes… I’m looking back against the tour of Black Black… Ils reprennent les choses là où ils les avaient laissées sept ans plus tôt, égrainant fiévreusement deux morceaux d’It’s a Miracle dont Little Dream. A Taste For Bitter puis Popular Modern Themes insinuent dans leur registre différent la marque de fabrique de Chokebore, cette faculté à ériger la tristesse et la mélancolie en moteur à explosion. Les têtes hochent, les lèvres dessinent les paroles de chaque couplet, refrain, les yeux se ferment, s’écarquillent. Narrow et la basse saisissante du fantasque James remuent les premiers rangs quand Days of Nothing, de son chant désabusé repris de mille voix, suggère dans la moiteur environnante la magnificence du désespoir amoureux. S’ensuit le moins connu, Sections, enchaîné à un She Flew Alone tout en intensité dramatique, présent sur Strange Lines EP , que certains prendront pour ce qu’il n’est pas à savoir une nouvelle composition. Troy, le visage inondé de sueur, commence à demander les faveurs du public pour la suite à donner au set. Il joue, le groupe suivant rigoureusement sa setlist pré-établie, mais c’est avec un amusement non feint qu’il reçoit l’entière discographie de Chokebore criée à la volée… Jonathan glisse un arpège et Police s’étire alors dans toute sa fragilité du long de ses sept minutes, laissant à chacun un répit de circonstance.

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(c) Magali Boyer / www.magaliboyer.com

La guitare ciselée de Bad Things puis la rage écorchée d’Alaska électrisent à nouveau un public de plus en plus chancelant, la température monte irrémédiablement, quand Person You Chose finit de me convaincre que ce concert est en courant alternatif, le groupe ayant choisi d’alterner ses morceaux les plus doux et mélancoliques à ceux les plus durs et revêches. Exemple encore avec It Could Ruin Your Day, où Jonathan prend un malin plaisir à faire pleuvoir les décibels, et The Perfect Date et son rythme poisseux qui concluent un set semblable à une succession de sauts de haute voltige. La foule suintante exhorte le groupe à revenir, les applaudissements tempêtent et c’est James le premier qui réapparaît. Il rigole, plaisante avec le public, et reprend sa basse entonnant les premières notes du déglingué One Easy Pieces à la puissance mélodique de feu. Immédiatement après, Troy promet a good depressive song, celles qu’il affectionne tant, et c’est You Are the Sunshine of My Life qui caresse mes oreilles le temps d’un flirt avec l’absente, celle qui enchante mon être, aujourd’hui lessivé de satiété. A concert exceptionnel, final d’anthologie, les premières notes sibyllines de Coat font naître un émoi hors du commun dans la salle, avant que celle-ci n’explose littéralement dans un déluge sonore non loin du chaos. Troy brandit sa guitare d’une main, salue la foule, remercie avec émotion chacun d’entre nous, Christian, ruisselant de sueur, jette ses baguettes au milieu d’un public pantelant. Les lumières bousillent les yeux, hébété je regarde mes pieds, personne n’ose s’en aller. Le trop plein d’émotions se dissipe dans le silence du chacun pour soi.

Pour l’occasion de cette mini tournée européenne, le groupe a compilé quelques titres rares ou en version inédite. Je cherchais des yeux ladite compil’ à l’entrée, ne trouvant que Les, fidèles au poste, Boutiques Sonores, et c’est Troy, Jonathan James et Christian, revenant ensuite sur scène, démunis d’instruments mais les cartons bien pleins, qui en assurent eux-même le merchandising. Chose étonnante pour le quidam mais qui ne me surprend pas. Ces quatre là ne font pas de la musique comme tout le monde, ils aiment le contact et s’en nourrissent, avec enthousiasme.

Pour le moment, nous disent-ils, rien n’est planifié. Il se murmure que cette tournée peut leur donner envie de concrétiser discographiquement ce retour. Et à lire le statut facebook de Troy - TvB damn good chokebore shows. My mind is blown out of my head hole. So happy to play with the chokebore again ! – c’est en bonne voie. Chokebore est de retour. Qui a dit que 2010 commençait mal ?

Thibault

Merci à Troy , Virginie, Florent pour son aide et son magnifique travail sur le site du groupe ainsi qu’à Magalie pour ses instantanés de toute beauté.

Set list

Ciao L.A. (It’s a Miracle)
Little Dream (It’s a Miracle)
A Taste for Bitters (A Taste for Bitters)
Popular Modern Themes (A Taste for Bitters)
Geneva (It’s a Miracle)
Narrow (A Taste for Bitters)
Thin as Clouds (Anything Near Water)
Days of Nothing (A Taste for Bitters)
Sections + She Flew Alone (Strange Lines EP + It’s a Miracle)
Lawsuit
Police (It’s a Miracle)
Bad Things (Anything Near Water)
Alaska (Black Black)
Get Blonder aka Wicked Wendy
Person You Chose (It’s a Miracle)
It Could Ruin Your Day (A Taste for Bitters)
The Perfect Date (Black Black)
——
One Easy Pieces (A Taste for Bitters)
You Are the Sunshine of My Life (Black Black)
Coat (Motionless)

Compilation

1 Pop Mod (demo version)
2. Ciao L.A. (alternate recording)
3. Sections (extended version)
4. You Are the Sunshine of My Life (live @ La Cigale)
5. Snow (live @ La Cigale)
6. I Love the Waiting (alternate recording)
7. Be Forceful (Strange Lines version)
8. Brittle and Depressing
9. Her Majesty (Beatles cover)
10. Person You Chose (demo version)
11. Pink Deluxe
12. Speed of Sound (acoustic version)
13. One Easy Pieces (live in Finland)
14. 29 Mile Wind
15. Throats

Écrit par: Thibault

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Commentaires d’articles (2)

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  1. Mag.B sur 03/03/2010

    Très beau report, je ne regrette pas d’avoir accepté de vous céder quelques photos.
    Vraiment ravie d’avoir pu participer à ce projet, et maintenant, j’attend la suite avec impatiente, vite vite vite !

  2. thibault sur 04/03/2010

    Les gens passionnés se comprennent… et fatalement, c’est appréciable. Je suis ravie de t’y avoir associé !

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