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Guess Who? Festival, Utrecht, du 29 novembre au 2 décembre 2012
À l’heure où beaucoup décidaient de soigner leur éducation française du côté de la foire aux bestiaux rennaise, subjugués sans doute par la radicalité artistique de la demi-sÅ“ur de Charlotte Gainsbourg, on optait, une semaine plus tôt, pour Le Guess Who? Festival à Utrecht. S’il est inutile de ressortir la boîte à gifles concernant la grand-messe bretonne, le parallèle s’avère payant dans l’appréciation des programmations respectives : à trop vouloir tirer sur la corde « repérage du prochain prix vert Fnac« , l’essentiel passe à la trappe, à savoir la mise en relief d’une vitalité hors du commun des circuits indépendants. Bien que les deux festivals ne jouent pas dans les mêmes catégories, on aime penser que Le Guess Who? Festival est ce qu’ont été les Trans jusqu’à pas si longtemps de ça, échafaudant une programmation internationale, éclectique et exigeante pour un public essentiellement local. Sept salles différentes, quadrillant le centre-ville d’Utrecht, accueillaient plus d’une centaine de groupes du jeudi 29 novembre au dimanche 2 décembre. Toujours à la recherche d’un précieux don d’ubiquité en pareille situation, il fallu faire des choix. Compte-rendu dans le désordre.
Le DIY à la hollandaise, c’est avant tout l’organisation rodée, le covoiturage, le recyclage, mais aussi – et surtout – le couchsurfing. Avec Flo, on déboule donc, après sept heures de trajet depuis Paris bien accompagnés, chez Henk, véritable institution locale. Polyglotte et affable, le quadragénaire nous installe dans une maison mitoyenne à la sienne, où un sacré foutoir côtoie les bureaux de son entreprise de réparation de vélos. Car si Henk est polyglotte et affable, il parle avant tout de vélo. Hippie devenu père de famille, il ne se fera pas prier pour nous accompagner le samedi soir, se transformant dès une heure du mat’ à l’ACU en barman. Cette lancinante impression d’avoir un train de retard ne fera que s’accentuer au fur et à mesure du week-end : le dimanche soir, nous étions perdus en plein cÅ“ur de la ville.
Inutile de rapiécer de méandreux souvenirs selon le fil d’Ariane, les bonnes claques restent bien imprimées sur la joue tandis que les daubes éclaboussent de leur indigence et filent la courante. Rayon balai à chiotte, le prix d’interprétation foireuse est décerné sans conteste à DIIV, quatuor de petites frappes incapables de reproduire sur la scène de l’ACU ne serait-ce qu’une once de mélodie d’Oshin, leur pourtant bon LP paru cette année sur Captured Tracks. En même temps, on avait déjà vu ce que donnait Beach Fossils et Smith Westerns sur scène. Pas loin suit le maniérisme échevelé de Matthew Dear. L’image est bonne, trop bonne pour ne pas faire rire, mais ce type se met dans la peau de Ricky Martin à l’heure d’interpréter live son décevant album Beams : sa mèche vole, ses bras se balancent, ses mains tournoient en l’air, il réajuste sa veste, réajuste sa mèche, réajuste sa veste… sa mèche, sa veste. Et je ne parle de la gestuelle associée à son art de la maracas. Putain de sketch. Mais deux morceaux, pas trois. Car en plus c’est redondant.
De consternant, rien d’autre à déplorer si ce n’est peut-être l’extrême fadeur d’un dimanche rythmé à coup de guitares fuzz au sein d’un Tivoli OudeGracht où les groupes s’enchaînent sur deux scènes, une principale et une latérale. Festival dans le festival, le Fuzzbox Festival avait sur le papier plus que fière allure. Sur scène, trop de garage tuant le garage, difficile de dire qui surclasse qui dans cet enchevêtrement de voix nasillardes et de guitares mal accordées. Les White Fence de Tim Presley – par ailleurs pierre angulaire des Strange Boys et Darker My Love – chatouillent du bout des cordes l’attention, sans pour autant la capter réellement, tandis que les prouesses de Fidlar et Night Beats ne sont bonnes qu’à faire violemment pogoter un public venu en masse… pour pogoter. Ty Segall, remis de la mort récente de son père, n’était pas aussi explosif qu’au BBmix – faut quand même le faire pour embraser quoi que ce soit à  Boulogne -, mais fit cependant honneur à sa place de choix dans cette brochette quelque peu monocorde.
Sorti du frigidaire à point nommé, Clinic égraine le temps d’un concert son savoir faire post-punk, sans pour autant que l’on distingue de différences entre les morceaux. Mais là on était prévenu : c’est pareil sur disque et efficace sur scène, les rythmiques mastiquent les guibolles. Pour Deerhoof aussi on savait peu ou prou à quoi s’attendre, le groupe sortant le même disque et donnant le même concert depuis de longues années. Pour un peu, en représailles, on sèche Chris Cohen. Autres concerts marquants, le Krautrock survitaminé et pompé des Berlinois de Camera, les formes invertébrées de Grouper, le défouloir breakbeat orchestré par Travis Stewart de Machinedrum, la techno brute de décoffrage d’Objekt, ainsi que la witch haus cadencée de Salem. Ah… de Dracula Lewis,au temps pour moi. Loin de s’ennuyer, on navigue entre les salles, le houblon et les opiacés, dans une ambiance plus que bon enfant.
Assourdissant mais euphorisant, Fuck Buttons déflore son nouvel album avec une justesse déconcertante. La première gifle était la bonne, arnaché que l’on est resté aux chrysalides répétitives et roboratives du duo, nous entraînant, malgré le peu de réactivité d’un public cueilli à froid, dans une transe bruitiste quasi extatique. Loin de se réinventer, le groupe se perpétue, ce qui est déjà plus qu’admirable. Autres sommets incontestables de cette première nuit au firmament, The Soft Moon trousse un set de cinquante minutes sans une seule interruption et une seule faute de goût. La queue d’une heure dans le froid, incompréhensible,Â
Sont passés dans les mailles du filet de nos chaotiques pérégrinations – putain de ville circulaire scindée de multiples canaux – Prince Rama, Suuns, Mac DeMarco, Débruits, Mono, Dirty Three, Why?, The Luyas, Dignan Porch… Ou comment énoncer la richesse d’un festival que l’on se plaît à aimer pour sa diversité et son honnêteté. Entre autres.
Écrit par: Thibault
Hier, sans aucune forme de prétention, nous cherchions à transcrire et à réfléchir notre époque. Curieux et audacieux, défricheur passionné, nous explorions sans oeillères et à travers un contenu éditorial toujours riche
et exigeant l’ensemble des strates qui composaient le monde bouillonnant de la musique indépendante, ses marges souvent nichées dans le creuset du web comme le halo médiatique qui entourait certains. Mais çà c’était avant. Aujourd’hui, on fait ce qu’on peu !
dieu vous le rendra….
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