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Les Nuits de l’Alligator, Paris, samedi 27 février à la Maroquinerie
Programme alléchant et ultra-buzzé ce samedi à la Maro. La sauce a monté toute la semaine grâce à l’un de nos célèbres concurrents, résultat : plus une place, les prix au black relevant du grotesque pour cette petite soirée aux accents bluesy. La raison d’une telle excitation ? Clues. Leur premier album modestement intitulé Clues (2009) est passé à peu près inaperçu au moment de sa sortie. Leurs lives ont largement rattrapé cette injustice, bouche à oreille aidant, nous y voilà ! Mais avant de découvrir ce bijou canadien, nous allons avoir droit à un début de soirée épique…
She Keeps Bees ouvre la danse, la rage au bord des lèvres. Combo minimaliste hyper réussi : Jessica Larrabee et son batteur Andy Laplant nous plaquent au sol avec un rock des marécages, râpeux à souhait. La voix de cette chanteuse n’est pas sans rappeler Cat Power, Patti Smith et même parfois Janis Joplin. Elle s’avère d’autant plus impressionnante que les titres s’enchaînent sans baisse de régime. Cette grande brune à l’allure Girl Next Door, qui s’enrage contre sa guitare, jure d’impatience comme prise au dépourvu, nous livre un live simple, brut et beau. Rien à dire, son armée d’abeilles a produit un nouveau genre de miel, bien relevé en bouche.
Arrive un type à la casquette de capitaine. Turner Cody ? Mmm non. James Levy fait son apparition, guitare en bandoulière, seul et triste (parce qu’il n’était pas annoncé au programme ?). Quatre titres beaux, tristes et prévisibles plus tard, non sans humour, le chanteur nous demande si nous voulons un titre fun. « What ? You’re here to party ? » C’était une blague bien sûr. Et pan ! Un dernier hymne à la déprime pour une danse macabre sur la tombe d’un petit garçon, décidément, le bayou n’est pas loin…
La scène s’installe dans un joyeux bazar d’instruments, une, deux, trois batteries. La salle respire, pleine comme un oeuf, il est temps de se mettre a table. Deux barbus font leur apparition. Sourires en coin, chapeaux et vieux costumes étriqués, ces deux-là étaient faits pour s’entendre. Le rouquin (un peu pété) Turner Cody et le brun taciturne Ya Ya (Herman Dune) improvisent une sorte de parade nuptiale de zicos sur la scène de la Maro. Le featuring se concentre essentiellement sur les morceaux bien blues de Cody, qui a invité qui ? Peu importe, le numéro fonctionne à merveille. Les deux barbus hirsutes se surpassent dans cette battle qui n’en a pas l’air, Ya Ya les yeux rivés sur les doigts magiques de Turner Cody. Les deux grands oiseaux déplumés enchaînent les pas de danse improvisés, on s’amuse avec eux. Cody, en entertainer borderline, assure le show avec des textes d’anthologie entre chaque morceau. « I never understood the point of wearing powdered wiggs » Tout le monde se regarde, essayant de se remémorer les cours d’anglais antédiluviens… Neman le batteur finit par interrompre le soliloque de Cody « No one understand what you’re sayin’ man » Fou rire, et riffs bien envoyés. C’est un vrai bon moment, on se croirait presque au saloon un soir d’été sur les bords du Mississipi. Pause, mes jambes commencent à avoir du mal à me tenir.
Arrive un nouveau barbu, la ray-ban est noire, la toque est vissée sur le crâne malgré une chaleur torride. Un clavier trafiqué. Clues ? Mmm, non. Un deuxième inconnu à la dégaine Berlin 1920 fait son entrée, sort une flûte de sa mallette. Les lumières s’éteignent. Le duo à l’allure théâtrale va nous plonger pendant cinq minutes dans une ambiance moyen-orientale des plus inattendues, encore une surprise au programme. Le raybanisé toqué envoie de gros sons tripant avec son clavier, et pousse une mélopée en ce que l’on suppose être de l’arabe, son acolyte étrange sosie de Christopher Walken souffle dans sa flûte mystique venue toute droit du souk cairote. Et c’est terminé en moins de temps qu’il en a fallu pour installer et désinstaller leur matériel. C’était Jerusalem In My Heart. Pause. Sifflage de bière. Aspirage de nicotine. Les derniers invités surprise ont laissé le mystère de leur intervention flotter dans l’air saturé de la salle.
Enfin notre patience est récompensée par l’arrivée des cinq Canadiens de Clues. Deux batteurs, dont le fondateur du groupe Brendan Reed (présent dans la formation originelle d’Arcade Fire avant Funeral), deux claviers Ben Borden et Nick Scribner entourant Alden Penner (déjà à l’oeuvre chez Unicorns). Pas le temps de faire les présentations, le groupe envoie Haarp, et l’on comprend immédiatement les influences multiples qui foisonnent dans l’esprit de ces types. Rien à voir avec Arcade Fire à qui on les compare souvent. Et pourtant, on décèle une emphase théâtrale dans l’intense présence de Penner, qui n’est pas sans rappeler ces « autres » canadiens. Ce dernier, étrangement vêtu de marron de la tête au pied, le crâne rasé de près, ne se départira pas une seconde de son sérieux. Comme si sa vie (peut-être) tragique y était contée. Arrive le single Perfect Fit. Etrange morceau. Tout commence au piano, la voix de Penner monte, accélération. Pause. Envolée vocale. Batterie rapide. Accélération. Envolée. Et brutal changement de rythme pour un final aux antipodes de l’intro. Je n’aime pas résumer un live, ou un groupe, mais Clues semble quand même accroché a ce leitmotiv bien installé. Et le volume est tellement fort, que je vois mes compères de show froncer les sourcils à chaque fois qu’une montée va exploser dans nos oreilles… C’est sur, Clues sait souffler le chaud et le froid comme personne. Le contraste entre la voix de Penner et le martèlement des deux batteries cloue le public. La rage des Pixies, la douceur mélancolique proche de Radiohead période Ok Computer, et la déglingue de Pavement aux entournures. Tout nous renvoie à ces groupes qui ont inventé leur propre langage musical. Sauf peut-être Muse, et oui je sais, ça fait bizarre de citer un groupe de rock FM qui remplit le stade de France mais on ne peut ignorer une ressemblance parfois confondante dans les fameuses envolées vocales du chanteur à tendance schizo. Après un rappel à la limite du couvre-feu, Reed le batteur viendra timidement au micro, entonner You Have My Eyes Now, émouvant final à un concert secouant. Il nous laissera impatient de revoir Clues avec un nouvel album à nous mettre sous la dent.
She Keeps Bees – Gimmie
Tuner Cody – Iren
Clues – Perfect Fit
Écrit par: Virginie Polanski
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Hier, sans aucune forme de prétention, nous cherchions à transcrire et à réfléchir notre époque. Curieux et audacieux, défricheur passionné, nous explorions sans oeillères et à travers un contenu éditorial toujours riche
et exigeant l’ensemble des strates qui composaient le monde bouillonnant de la musique indépendante, ses marges souvent nichées dans le creuset du web comme le halo médiatique qui entourait certains. Mais çà c’était avant. Aujourd’hui, on fait ce qu’on peu !
dieu vous le rendra….
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