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On y était – Les Transmusicales, du 3 au 5 décembre 2015 à Rennes
Les années se suivent et se ressemblent. Arrivés fin octobre, on se pose l’éternelle question du bon breton mélomane ; « Est-ce qu’on va aux Trans cette année ? ». Et si tous les ans l’affiche nous laisse initialement perplexe (la plupart du temps plongée vers l’inconnu le plus total), les réflexions ne font pas long feu tant ce festival nous colle à la peau. C’est un peu comme un bon vieux repas de famille de Noël, où les convives se regardent vieillir autour de quelques bonnes bouteilles. On est ici désormais dans le registre de la tradition. Il semble bien d’ailleurs que c’est grâce à cela que l’équipe de l’ATM a réussi à sauver ce rendez vous depuis 10 ans, alors que le passage du centre-ville vers le Parc Expo avait été difficile à négocier. Comme chaque année désormais, le festival affiche complet ou quasi complet les vendredi et samedi, cette dernière soirée étant placée sous le signe de la danse aux sons majoritairement électroniques et techno, après un jeudi soir souvent plus instrumental, et aussi plus light tant en terme de groupes que de fréquentation. La bonne idée a aussi été au fil des éditions de retarder le début des soirées pour laisser le temps au festivalier de s’acheminer doucement et non moins sûrement sur le site situé à quelques kilomètres du centre-ville de Rennes qui reste lui animé par les Bars en Trans, festival off mais pour autant de très bonne tenue.
Doucement: pourquoi ? Parce qu’une venue aux Trans en ce début décembre est toujours signe de retrouvailles annuelles avec des vieux potes de fac (et oui, vos deux chers envoyés spéciaux d’Hartzine ont écumés dans leurs folles années les UBU, Antipode, Mundo Bizarro, et évidemment tout ce que Rennes pouvait compter de bars en ce début de siècle…) et que toute rencontre programmée ou fortuite en ville dans la journée se transforme immanquablement en pinte de bière, avant de dégénérer presque toujours en apéro plus ou moins violent qui mettent en ébullition les corps leur permettant ainsi de tenir jusqu’au petit matin, et les têtes via des débats de comptoirs de toute sorte (la prime cette année à celui sur les Régionales qui s’est conclu par un projet de création de parti politique… C’était après le saumon gravlax/vodca !).
Bon, bien sûr cette préparation a un prix ; l’impasse faite sur quelques groupes – souvent d’ailleurs les plus attendus du grand public qui les a fraîchement découvert sur la toile quelques jours avant – dont nous ne pourrons par conséquent pas vous relayer les exploits dans ces lignes.
Mais là n’est pas l’important parce qu’en général, la claque des Trans est toujours inattendue.
JOUR 1
Le jeudi est généralement le soir de la discipline; arriver tôt et repartir tôt, boulot le lendemain pour les uns, nécessaire préservation pour les autres.
Cette année n’a pas fait exception. Après un fort fameux repas étoilé (risotto de céleri, suivi de son effilochée de queue de bÅ“uf sauce coing menthe, et son pesto roquette épinard… Croquant gourmand, surtout quand le tout est accompagné d’un bon pichet de côtes du Rhône !), on commence donc notre transhumance par le concert de Her. On parle ici de produit purement local, élevé au club musique du lycée Émile Zola, qu’on a fait s’encanailler dans un groupe devenu une petite gloire locale chez les 16-20 ans : les Popopopops. Ces anciens très jeunes gens sont toujours jeunes, mais ont bien sûr muri musicalement, en changeant d’influences passant à l’époque des non indispensables Foals à un mélange de grands noms de la soul d’antan aux gloires actuelles du R’n’B que sont les Franck Ocean et autres Kendrick Lamar. Leur nouveau projet se veut une musique assez épurée et légèrement groovy, portée par des voix graves et soul. C’est original, d’autant qu’on croit relever un ou deux tubes potentiels, la mise en scène est soignée, le show travaillé et sobre. Ce groupe a un potentiel indéniable même si on est ici dans quelque chose de très actuel largement usé par les anglo-saxons ces dernières années, comme James Blake ou encore les XX.
Il semble bien que la scène pop rennaise largement mise en avant depuis 5 ans, mais pour autant sans qu’aucun de ses représentants ne perce vraiment, bouge encore. On suivra avec attention dans les mois qui viennent la sortie des deuxièmes essais de Manceau et de Juveniles.
Autre bon moment de la soirée, cette fois-ci totalement surprenant ; la pop dite « transgenre » – et c’est une bonne définition – de 3somesisters. Là on est dans un registre Objet Volant Non Identifié, du jamais vraiment entendu comme sait le programmer le festival. Une sorte de chorale glam teintée d’électronique, mais où les voix restent le principal. Des harmonies tordues, des envolées lyriques… Un grand mélange de tout avec pleins de choses dedans. Too muchmais justement bon pour cela.
La soirée s’achève par un bref détour dans le Greenroom, lieu où sont programmés les plus pointus set électroniques, où le trio de DJ Apollonia est en plein milieu de son concert All Night Long de 4 heures. Pas suffisant pour nous retenir sur site.
JOUR 2
Les Transmusicales en journée, c’est au lieudit l’Etage en centre-ville. Gratuité oblige, le lieu est pris d’assaut pendant le week end, ce qui a rapidement un effet répulsif au grand profit des troquets avoisinants. Mais l’invitation de Trempolino, structure nantaise d’accompagnement artistique, ne nous a pas laissé insensibles vu les arguments développés : une huître-muscadet party pour conclure le concert de O. Il s’agit là d’un musicien bien connu des popeux parisiens pour avoir participé à divers projets par le passé, notamment Syd Matters et Los Chicros. On est agréablement surpris par la singularité du garçon ; des textes qui font mouche sur une musique proche de l’univers d’un Robert Wyatt, pour un ensemble assez cohérent. On jettera une oreille à l’album qui sort sous peu. Son Little, un des noms de l’affiche ayant fait un buzz en début de semaine, était programmé à 23h dans le hall 8 au Parc Expo. On l’a raté lamentablement, pour cause d’arrêt traditionnel chez Nelly, du petit nom de la généreuse tenancière d’un bar de soiffards de l’arrière gare, sur le chemin des navettes… La tournée fut si générale, et le lieu si retourné, que le temps en fut suspendu ! L’album du garçon, très bonne synthèse de musique black US, est à priori de bien meilleure facture que sa prestation scénique, semble-t-il décevante car trop classique selon la mythique presse locale. Le futur de la scène rennaise est peut être dans les mains de Totorro. Notre soirée sur site commence par la fin de leur set plutôt énergique (nous aurions aimé que cette énergie soit communicative lorsque le groupe a ouvert pour le match SRFC-OM de la veille… Et une défaite de plus, une !). C’est un post rock puissant, mélodique et atmosphérique dont nous gratifie ces jeunes gens. On est assez proche de Mogwai ; c’est aujourd’hui finalement assez classique mais ça tient la route.
Juste le temps d’une bière, on se risque à un arrêt devant Grand Cannon décrit dans le programme comme « un excellent cru de blues rock »… De quoi faire peur ! Franchement pas terrible et hors sujet dans la soirée. C’est du plan plan, pas du tout compatible avec une scène de cette taille. Notre bière sera donc terminée dans la Greenroom où Marc Pinol entame son set crescendo. Pas de surprise : on savait le catalan génial ambianceur, et il nous a encore une fois exposé tout son talent. Dansant à souhait, et ultra éclectique.
Un grand écart nous fait réintégrer le hall 3 pour le chaud show annoncé de Vintage Trouble. Aguichant sur le papier puisqu’on nous signale ici le meilleur du R’n’B vintage, chanté par le soulman charismatique Ty Taylor. Le buzz aura fonctionné puisque les portes de la salle auront même été fermées devant l’affluence soudaine. Le type est un bon sosie de James Brown, il bouge bien, le groupe est carré et looké, mais le tout est assez académique. Et puis une chose essentielle manque : de véritables bonnes chansons. Un bon moment quand même si on cesse de faire la fine gueule, mais cela restera le coup d’un soir.
Le groupe qui suivra un peu plus tard, De Wolff, Hollandais se rêvant les Doors, sera du même acabit. Tout sur la posture mais pas assez dans le contenu. Au final, très loin derrière leurs compatriotes de Birth Of Joy passés sur cette même scène en 2012. Le grand frisson de cette soirée – et du festival – viendra par la suite de Dralms, groupe canadien mené par Christopher Smith. Si la prestation est sans chichi, à l’image de la sobriété des chansons de son leader, ce dernier faisant les cents pas au milieu de ses compagnons restant statiques, la production est quand à elle exceptionnelle.
Le guide du festival parle de « rencontre fusionnelle entre un rythm and blues lent et sensuel, une pop délicate et spectrale et des touches électroniques sobrement psychédéliques »…et bien, c’est exactement ça ! C’est d’une grande finesse, et forcément rafraichissant et apaisant dans une soirée plutôt bruyante. Une sorte de clair obscure d’où jailli une diversité d’émotions : touché… Coulé ! Tout ce qui viendra après n’arrivera pas à nous reconnecter. La fin deMawimbi Live ne nous fera pas regretter de ne pas avoir quitté Dralms en cours de route : on va dire pas vraiment notre truc ce mélange de rythmes tribaux, de musique africaine et de techno. Jacques ne réussira pas non plus à nous faire rester dans ce hall 9, grande cathédrale électronique que nous n’aurons finalement que peu fréquenté durant ces jours… Une histoire d’envie.
JOUR 3
Le grand ratage de cette soirée sera sans conteste la jeune chanteuse Monika. Autant la veille, on plaidait coupables pour notre arrivée tardive et honteuse au Parc Expo, autant là , le prévenu se nomme Jean-Louis Brossard pour avoir programmé la belle en tout début de soirée à 22H00… C’est un peu la même histoire tous les ans, mais bon, on l’aime bien quand même. Frustrant tant la Grecque nous avait fait bonne impression sur disque, avec son disco rock à la Blondie… Comme le titre de son tubesque single, son concert restera donc pour nous un « Secret In The Dark ». On doit vous l’avouer d’emblée, cette dernière soirée ne restera pas dans les annales. On a pourtant essayé, en allant voirSteve’N Seagulls, groupe finlandais de reprises de classiques heavy metal, version country bluegrass. Amusant cinq minutes, mais au final on a un peu l’impression de voir les Pogues à une fête des battages. Ensuite, City Kay, à priori nouvelle gloire du reggae local… No comment… Ou plutôt si : pourquoi ?
Mieux tout de même, les Thaïlandais de Khun Narin’S Electric Phin Band avec leur musique traditionnelle saupoudrée de psychédélisme « sans le vouloir ». Une vraie fanfare barrée et hypnotisante, tout en étant complètement kitsch. On a franchement l’impression d’avoir mangé un champignon magique dans un resto thaï de la zone industrielle de Velizy 2. Impossible de voir ça ailleurs qu’aux Transmusicales. Le groupe touareg Imarhan nous laissera quant à lui un bon souvenir avec son blues du désert lui aussi psyché, bien que évidemment assez proche des Tinariwen et Terakaft donc pas une très grande découverte.
Ce faisant, nous a pris une grosse envie de se prendre une bonne dose de bpm dans les tympans, et on a été servis par Powell. Si du festival nous n’avons fait que passer dans le Greenroom, l’Anglais a su nous y scotcher, nous saisissant les jambes tout en nous glaçant le sang avec sa techno expérimentale et industrielle. Sa musique est sans concession mais elle reste dansante, et réussit à fédérer une partie des fêtards ayant fuit la grande masse du hall 9. On s’est bien fait bougés, mais sans regret. Dans le hall 9 justement, on a pu voir Idiotape (« l’enfant de Cut Copy, Daft Punk et Chromeo » selon MTV !) ; des coréens du sud (mondialisation!) qui font de l’électro rock qui envoie sans limite un gros son, pas très fin, mais terriblement efficace. On pensait finir gentiment le festival au bar, comme à l’habitude, autour de cocktails bien serrés, quand un texto nous arrive à 3h30 : « France : énorme ! » . On pense alors que notre pote en tient une bonne pour se lancer dans cette déclaration patriotique comme celle là … Et en fait, non (enfin presque non) : c’est un groupe français de krautrock qui joue au hall 3. Une petite galette saucisse pour tenir (ce n’aura pas été la seule du week-end, forcément) et là , plein phares : mélodie lancinante noyée dans des boucles de bruit. Une parfaite conclusion.
Il est 5 heures : Paris ne s’éveille plus mais Rennes n’est pas encore couchée.
Bilan: Pas la meilleure des 37 éditions des Trans – pas sûr que beaucoup d’artistes présents cette année fassent parler d’eux en 2016 – mais certainement la plus nécessaire après les évènements que vous savez. Le public a répondu présent, même si une partie de son insouciance a probablement disparu le 13 novembre dernier. L’histoire continue et continuera encore longtemps, puisque que comme Beatrice Mace, la co-directrice du festival , le dit – et nous l’approuvons – « L’inconnu vaut la peine d’être connu » (… Enfin presque tout l’inconnu…).
Écrit par: Julien Guillot
Hier, sans aucune forme de prétention, nous cherchions à transcrire et à réfléchir notre époque. Curieux et audacieux, défricheur passionné, nous explorions sans oeillères et à travers un contenu éditorial toujours riche
et exigeant l’ensemble des strates qui composaient le monde bouillonnant de la musique indépendante, ses marges souvent nichées dans le creuset du web comme le halo médiatique qui entourait certains. Mais çà c’était avant. Aujourd’hui, on fait ce qu’on peu !
dieu vous le rendra….
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