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Succédant à l’Austin Psych Fest, Le festival angevin « Levitation France » consacrait également sa programmation à l’exploration de musiques dites psychédéliques ou tout simplement joyeusement bordéliques, avec un line up plutôt cohérent, à l’occasion de cette 3e édition, permettant au spectateur de rencontrer quelques figures tutélaires pionnières ou les nouveaux chantres de ce renouveau néo-psyché dans le but d’en apprécier ses formes variées. Pendant deux jours, une vingtaine de groupes se sont ainsi produits dans la salle du Chabada et sa scène en plein air. Nous voguions d’un espace à l’autre, le plus aisément du monde, et assistions à la quasi-totalité des concerts car les temps de passage ne se chevauchaient que peu et concourraient à la création d’un cadre propice à la flânerie et à la joyeuse errance.
Au-delà de la spécificité du genre, le phénomène de Lévitation étant l’état de suspension d’un corps ou état de transe auquel le spectateur serait convié à l’écoute de ces musiques hypnotiques. Qu’est ce qui aujourd’hui serait proprement psychédélique, et quel en serait le groupe le plus emblématique? Les voies sont diverses , les exemples prolifèrent et la recherche s’avère fastidieuse mais à l’échelle de cette programmation nous pouvions peut être mettre en exergue quelques tendances: constructions rythmiques peu complexes et hypnagogiques basées sur la répétition (The Lumerians / KXP / Super), envolées instrumentales inspirées et solos lyriques dans une veine prog (Dungen), mélodies éthérées planantes (Death and Vanilla, Melody Echo Chamber, Tess Parks & Anton Newcombe), musiques noires messianiques et orgiaques (Indian Jewelry, KXP), expérimentations diverses notamment au moyen d’instruments atypiques (la theremin chez Octopus Project), effets de distorsions et sons saturés (Destruction Unit, Wand), sentiment d’étrangeté et son atmosphérique (Wire), musique de transe (Blanck Mass). Certains groupes n’entraient pourtant dans aucune des catégories et ne faisaient pas de leur bizarrerie vertu mais nous impactaient autrement (Melvins, King Khan & BBQ).
C’était aussi le cas de Solids, le jeune duo canadien qui profitait d’une petite tournée européenne, à l’occasion de la sortie de leur LP Blame Confusion (Fat Possum Records), pour officier en tout début de soirée sur la scène en plein air du Chabadabada. Le jeu était nerveux mais tout plein de ce charmant entrain, signe d’une jeunesse sainement épanouie dans le bruit et la saturation. J’ai alors été victime de la première hallucination sonore due très probablement à l’ingestion d’une tranche de mortadelle surgrasse et avariée, assimilant ainsi le titre Off White de Solids à l’intro frénétique de Bruise Pruistine du premier album de Placebo (pas spécifiquement pour le côté Emo même si dans les deux cas, ils s’en donnent à coeur joie!). Quel possible aparté serait-il possible de faire après cette honteuse révélation si ce n’est considérer que Placebo aurait sans doute perduré dans la catégorie » rock indé » (hé hé) si les naseaux de Brian Molko n’avaient pas été aussi inusités. Remplacez les par ceux de Ian Vanek chanteur épique lo-fi de Japanther, trempez les dans l’huile et dans le sirop d’érable et nous nous rapprochons bien heureusement de leur rythmique pop punk décomplexée au son de guitare début 90’s et de leur chant possédé. Sur scène, face à nous, se dressait une banderole guerrière déployée représentant un os humain noué, objet détourné dont l’aspect « solids » de la matière avait été rendu mou (type de détournement très art contemporain) et cet emblème était finalement à l’image de cette musique aux effets antithétiques : bruyante violente / hypersensible.
Le cheminement se prolongeait ensuite à l’intérieur du Chabada badaboum pour découvrir le groupe finlandais KXP qui offrait une performance ritualisée reposant essentiellement sur des effets scéniques calibrés et des accoutrements profilés : capes longues et sombres, capuches de druides obombrant les visages des 2 batteurs, dont la surenchère rythmique n’était d’aucune utilité dans ce cas précis mais contribuait une fois de plus à intensifier l’impact visuel. Force est de constater la récurrence de projets électro jouant sur des attitudes visuelles outrancières, avides d’occultisme et d’imagerie sectariste souvent à essence rétro futuriste. L’étrangeté se cantonne bien souvent aux seuls attributs vestimentaires et effets visuels divers (projections, logos et blasons, visages masqués…). La musique est constituée de longues plages électroniques hypnotiques basées sur la répétition plongeant le spectateur dans une immersion catatonique, privilégiant l’effet de transe à l’écoute active. Les groupes KXP et Lumerians rendaient bien compte de cette faction électro chamanique.
Une autre formation spé reprenant cette posture retenait tout particulièrement mon attention. Le groupe texan Indian Jewelry se présentait comme un bon groupe de play back non synchronisé d’obédience arty, à l’attitude scénique et aux accoutrements bigarrés. Leur incohérence était protéiforme tant sur le plan auditif que visuel et c’est finalement dans ces illogismes que résidait leur intérêt. Quant à la musique : Était-elle synthétique ou analogique ? Toute cette MASCARADE baignant dans un flou artistique indéterminé, entre électro indus minimale ambiant drone et réverbérations psychédéliques, tendait vers un art informel. La performance scénique à l’artificialité second degré refrénait malheureusement mes envies d’élévation vers de nouveaux paradis narcoleptiques édulcorés présents à l’écoute de leur dernier LP vieillissant Peel It (2012 sur Reverberation Appreciation Society). Ouf ouf ouf s’esclafferait Barzy du bébête show. Ils étaient drôles ces hippies obscurantistes texans, un peu dans la lignée des somnanbules d’Excepter.
Un autre groupe texan présent à Lévitation, répondant au doux nom surréaliste d’Octopus Project, évoluait aux confins de l’électro indolente des Indian Jewelry et distillait une happy-pop instrumentale survitaminée, voire illuminée à l’image du titre Music is happiness (sur One Ten Hundred Thousand Million). Contrairement à la plupart des autres prestations, les sonorités étaient claires, les modulations constantes et les enchaînements d’une précision millimétrée (musiciens munis de métronomes à oreille) pour une parfaite combinaison instrumentale mi digitale mi électronique. Autre distinction importante : la tonalité était différente, délaissant la mélancolie et les ambiances ténébreuses pour faire place à la jubilation, voire même à la béatification (Dan Deacon n’est pas loin). Cette prestation avait, entre autres qualités, celle de nous extraire de notre langueur et de la répétitivité (mot clé qui figurera comme un marqueur de métadonnées) même si finalement l’extrême précision avait tendance à perturber la pleine immersion.
Vous l’aurez ainsi compris, Austin s’invitait cette année à Angers, rendant hommage à ce jumelage particulier entre les deux villes. Tant sur le plan de la programmation, culinaire, ou des animations, l’esprit texan était vivant. Austin a son « Levitation» depuis maintenant 8 ans et voyait se reformer cette année les « 13th Floor Elevators », chantres exemplaires pourtant outsiders de la musique psychédélique avec un roky ranimé artificiellement. A Angers, nous pouvions nous targuer d’une autre résurrection, celle d’Anton Newcombe, pionnier du renouveau de la scène néo psyché profitant d’un formidable bain de jouvence dû à sa collaboration avec Tess Parks. Tess chante comme Hope Sandoval de Mazzy Star et le fantomatique Anton ne sait rien fait d’autre que du Brian Jonestown Massacre. C’est donc un succédané d’ersatz… un erzats de succédané d’avatar de simili substitut palliatif de titres interchangeables, folkeux et langoureux basés sur la répétition et la déclinaison d’un même titre inlassablement.
Redite et répétition également pour Arish Ahmad Khan aka King Khan et Mark Sultan mais bien salutaire pour ceux qui préfèrent le rock’n’roll primaire grand guignolesque aux introspections psychédéliques. L’aspect performatif triomphait une fois de plus incitant à la danse tous les vaillants gorets surexcités dont je faisais fièrement partie. « To hell with psychedelic music and long life to rock n roll » scandaient-ils comme s’ils avaient infiltré un réseau ennemi pour mieux le dissoudre de l’intérieur, distillant par tous les orifices leur garage tonitruant. Hilarant! Dans cette guerre des gangs autoproclamée, triomphaient les californiens de Wand en ripostant allègrement avec leur psych rock oxymorique, aux envolées lyriques lumineuses mais aux riffs ultra puissants. Les titres en live étaient adroitement retravaillés conférant davantage de densité à des morceaux à priori imparfaits. Dans sa conquête de l’ubiquité, Wand excelle en toute liberté, à en croire ses constants emprunts mais ô combien opportuns. J’étais complètement passée à côté de leur prestation à l’occasion de la dernière édition du festival This is not a love song à Nîmes et ne peux désormais que déplorer cette grossière erreur d’appréciation qui me fait perdre à jamais toute crédibilité !
Autre son à l’ambivalence digne d’une figure de style, celui de Destruction Unit dont les parties jouées étaient si antinomiques qu’on avait l’impression d’assister à la réunion de deux styles musicaux radicalement différents, entre punk et space rock. Le duo rythmique incarné par le batteur Andrew Flores, accoutré tel un joueur de poker, et l’excellent bassiste Rusty Rousseau, était rapide, efficace et sans ostentation. Les autres membres en comparaison balançaient des gros FUZZS outranciers à tout va pendant toute la durée du set et se donnaient en spectacle à l’instar du guitariste hermaphrodite Nick Nappa au comportement scénique digne d’un chimpanzé en prédation. Le set s’est terminé en un florilège expérimentations bruitistes donnant l’impression d’assister à un pastiche de la scène d’introduction de 2001 l’odyssée de l’espace (ou même sa parodie dans Zoolander) dans lequel chacun des guitaristes découvrait son instrument pour la toute première fois, inspectant l’objet sous toutes ses facettes, le manipulant dans tous les sens avec stupéfaction et fascination. Aucune surenchère visuelle palliative pour les Melvins qui, tout en restant d’une placidité absolue, en dépit d’un style vestimentaire complètement incongru (traditionnelle tunique médiévale pour Buzz Osbourne et coiffe de fakir pour Jared Warren), nous envoyaient valdinguer le plus violemment du monde par le truchement d’un son surpuissant renchéri par le jeu à l’unisson des frappeurs Coady Willis et Dale Crover pour un effet de pesanteur et de répétitivité absolu. Cette prestation allait finalement de pair avec la programmation à l’exception que nous ne lévitions pas mais nous engluions dans les marécages de la déraison. La plus belle des morts assurément !
Autre douce agonie… celle des membres de Wire, présents à Lévitation pour n’interpréter que l’intégralité des titres de leur 13e album « Wire » sur leur propre label Pinkflag. C’est tout à leur honneur car il ne s’agit pas d’un concert de reformation commandité pour plaire à une poignée de nostalgiques grabataires désireux d’écouter l’intégralité de leur album culte. Certes ! Tout de même… J’étais, quant à moi, autrement nostalgique à l’écoute de ce son doucereux et atmosphérique, de cette voix soyeuse et monotone. Leur musique était nimbée de mélancolie, même les titres les plus énergiques semblaient avoir été contaminés par cette sirupeuse neurasthénie et manquaient de relief. Le temps passant leur énergie se tarit immanquablement même s’ils restent malgré tout pertinents. La plus belle des sensations de ce festival aura sans aucun doute été celle suscitée par la lumineuse performance des suédois de Dungen. La perspective de leur venue à Angers a même été le catalyseur de ma participation au Lévitation. Grand bien m’en a pris car…..ça dé-chi-rait : A la fois pour le niveau de technicité au service d’une esthétique pop-psyché particulièrement recherchée et d’une rare élégance, que pour le côté épique et pastoral renforcé par ce chant en langue suédoise et ces longs solos de guitare, piano ou même …. de flûte traversière. Mmmm alléchant n’est-ce pas ? En effet! J’aime les gentils Dungen d’amour pur et l’emploi du « Je », dans ce cas précis, se justifie d’autant plus. Des explosions de joie éructaient de nos corps d’hippies convertis et nous dansions tels des faons sur les truculentes mélopées scandinaves accompagnées du doux clairon de la flute de pan. Après avoir joué plusieurs titres du très bon Allas Sak ( sorti en 2015 sur Mexican summer ) les tubes ( Ouais c’est bien les tubes !) Panda et Du e for fin for mig de l’album Ta det Lugnt (2004) ont clôt ce merveilleux moment de poésie bucolique.
La suite était ensuite logique avec Melody Echo’s Chamber. Selon la formule des 6 degrés de séparation, évoquant la possibilité que toute personne peut être reliée à n’importe quelle autre, au travers d’une chaîne de relations individuelles comprenant au plus six maillons: Melody Prochet, ex de Kevin Parker (fan de Dungen) qui lui a produit son album, était accompagnée du guitariste et bassiste Benjamin Glibert, aussi membre d’Aquaserge à l’instar de Julien Barbagallo désormais membre de Tame Impala. Belle consanguinité musicale en effet. La voix fluette de Melody, arrangée et édulcorée sur l’album, disparaissait complètement au profit de l’excellente instrumentation. Le sujet principal du tableau figurait à l’arrière-plan dans une composition aux arrangements raffinés et déliés. Impressionnants sur Crystallized, Pablo Padovani au clavier (Moodoid), Benjamin Glibert, Jérôme Pichon à la guitare et Stéphane Bellity étaient les véritable héros de cette belle odyssée sonore psychédélique et les parfaits représentants de ce Lévitation France.
Écrit par: Sonia
Hier, sans aucune forme de prétention, nous cherchions à transcrire et à réfléchir notre époque. Curieux et audacieux, défricheur passionné, nous explorions sans oeillères et à travers un contenu éditorial toujours riche
et exigeant l’ensemble des strates qui composaient le monde bouillonnant de la musique indépendante, ses marges souvent nichées dans le creuset du web comme le halo médiatique qui entourait certains. Mais çà c’était avant. Aujourd’hui, on fait ce qu’on peu !
dieu vous le rendra….
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