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Cette édition 2018 des Vieilles Charrues, on s’en souviendra un moment. Comment oublier en effet un festival – écourté – dont on repart avec des points de sutures ? Bah forcément, on ne peut pas, cicatrice oblige. Mais le vrai bon signe, c’est quand ce genre d’évènement ne semble être qu’une péripétie, noyée dans un flot de bons souvenirs, et c’est bien ici le cas. On précisera toutefois que notre micro-épisode traumatique – en l’espèce, une malencontreuse chute nocturne – nous aura permis d’éprouver un système de secours diablement efficace : une vilaine coupure suturée en deux heures de temps en pleine nuit entre deux concerts et en plein festival, ça change du commun des urgences dans lesquelles on a le temps de se momifier avant de rencontrer le moindre intérêt pour son bobo. Quoi qu’il en soit, les Charrues, on les aime pour ce qu’elles sont : un grand rassemblement populaire, une énorme kermesse musicale où, s’agissant du line up, il convient chaque année de trier le bon grain de l’ivraie… mais là n’est peut-être même plus l’essentiel, on en veut pour preuve la vitesse à laquelle les forfaits s’arrachent dès leur mise en vente, avant même l’annonce de la majorité de la programmation. Parce que durant ce festival, le spectacle est sans doute tout autant du côté du public qui se pointe avec des envies de grande bacchanale, ou a minima de récréation, souvent devenue tradition annuelle entre potos. On ne vous cache d’ailleurs pas que c’est un peu notre cas, nous qui avons foulé les terres de Kerampuilh pour la première fois il y a une vingtaine d’année maintenant, tout comme une belle brochette d’amis qu’on y croise invariablement à chaque fois qu’on décide de s’y pointer.
Il serait malgré tout naïf de penser que cette ambiance toute particulière suffise à assurer depuis tant d’années le succès du plus maousse des festivals français : c’est bien autour de la musique que s’est construit cette success story sans équivalent dans l’hexagone – sinon, on aurait assez facilement décidé de voir nos amis dans n’importe quelle fête de la saucisse du coin – et c’est sur la base d’une programmation costaude que l’on s’est décidés cette année à remettre le couvert avec en guise d’argument massue la présence des merveilleux Depeche Mode, en sus des présences déjà alléchantes d’autre poids lourds que sont Gorillaz, Massive Attack ou encore Fatboy Slim. Ajoutez à cela quelques fines lames telles les magnifiques Mogwai ou encore les Liminanas, et le compte y était.
Alors en raison des circonstances évoquées plus haut, on n’aura pas pu suivre intégralement notre programme musical préparé en amont, mais on se sera tout de même bien battus. Ainsi, et alors qu’on n’était plutôt circonspects sur leur capacité à recréer la magie d’antan, les Marquis De Sade auront livré une ouverture royale pour Depeche Mode, stars attendues du jeudi, en tous les cas par les plus de trente ans: c’est carré, puissant, métallique, et le bois dont se chauffe le groupe sur scène, toujours vert. Le prototype de la formation qu’on pensait cash machine et surtout dispensable, et qui se révèle parfaitement enthousiasmante. Même si de l’enthousiasme, on en avait forcément à revendre s’agissant de croiser Depeche Mode sur la scène des Vieilles Charrues. Il sera d’ailleurs intact à l’issue d’un concert impeccable, durant lequel le groupe de Basildon aura fait le job avec talent et brio. Alors, jeunesse et hétérogénéité du public oblige, on regrettera sans doute que la foule n’ait pas été plus réactive aux saillies musicales du groupe de génie qui se produisait devant elle ce soir là , et Dave Gahan lui-même, habitué à voir repris en cÅ“ur les refrains les plus connus du groupe, a du se poser parfois quelques questions. Mais pros jusqu’au bout des ongles, les anglais auront rempli le contrat sans problème, jamais avares d’énergie, d’ardeur et de talent, et surtout transpirant l’humilité malgré un statut qui aurait pu depuis longtemps faire exploser orgueil et égos. Déroulant une tracklist impeccable puisée dans un vivier de titres sans fond, Depeche Mode aura démontré avant tout son envie de faire plaisir, jouant souvent sur la corde sensible du fan moyen. Les années ne semblent pas avoir de prise sur Gahan, qui se donne sans compter et développe une tension sexuelle inoxydable. Martin Gore, lui, accuse davantage son âge sur les écrans géants de la scène, certes peu flatteurs, mais n’a rien perdu de cette énergie juvénile qui le caractérise. Le temps se suspend d’ailleurs lorsqu’il entame une Somebody toute en élégance, après laquelle son compère Gahan le chambrera gentiment et tout sourire avec un « wasn’t it lovely? » adressé au public. Forcément, on ne boude pas son plaisir lorsque les inusables World In My Eyes, Personal Jesus, Everything Counts ou Just Can’t Get Enough se succèdent implacablement, mais la palme du frisson reviendra sans doute à un In My Room surpuissant, ou encore à un Stripped toujours aussi fascinant en live. Un concert puissant, à la fois généreux et sophistiqué, qui justifiera à lui seul notre présence à Carhaix en 2018 avec pour l’occasion -attention émotion- notre daron à nos côtés, 25 piges après que celui-ci nous ait amenés voir Depeche Mode, alors qu’on n’était encore qu’un innocent minot aux oreilles presque vierges.
Le lendemain, soyons clairs, la seule raison pour nous d’être devant la scène était de (re)voir les fabuleux écossais de Mogwai. Mais programmés bien trop tôt (18H00), on renoncera malheureusement vite à les voir au profit d’un apéro trainant en longueur. Oui, la culpabilité est là , tant le groupe nous enchante depuis tant d’années maintenant. Mais que voulez-vous, comme on l’expliquait supra, tenir un programme au cordeau s’avère quasi impossible dans cette immense foire à l’inattendu qu’est le festival. On doute que le groupe ait eu droit à l’accueil qu’il méritait, la faute à un public jeune et davantage présent pour se vriller le cerveau devant Therapie Taxi et ses chansons aussi inoffensives que le groupe s’annonce éphémère, mais que voulez-vous? C’est la loi de la jungle festivalière. On prendra de toutes façons notre revanche dès le lendemain en étant au rendez-vous pour les deux objectifs du soir, Gorillaz et Massive Attack.
On attendait clairement beaucoup plus des premiers, qui auront livré une prestation étonnement linéaire, malgré l’agitation vaine qui régnait sur scène. Alors certes, on ne peut reprocher à Damon Albarn son manque d’investissement: le gars se donne beaucoup et surtout, n’hésite pas à donner la vedette aux autres sur scène. On kiffe quand même d’entendre le flow de Snoop lorsque le groupe joue Hollywood, même si ça n’est que par bande son, et on s’amuse des pitreries de Jack Black sur les écrans pendant Humility. Mais c’est peu, trop peu pour réellement déclencher notre enthousiasme, trop insensibles à un show stylisé et maitrisé jusqu’au bout des ongles, comme l’on feuillette un magasine en papier glacé: c’est joli, coloré, mais ça manque quand même terriblement de vice et d’aspérités.
Du vice, Massive Attack en a par contre à revendre. Dans une ambiance assez sépulcrale, les bristoliens livreront un set compact, et pour le coup, bien corrosif comme il faut. Robert Del Naja fait la gueule, comme d’hab, mais apparait bien décidé à faire le taf pour emporter l’imposante foule avec lui. Et ça sera globalement réussi, à en voir les ondulations d’un public réceptif aux ambiances enfumées du groupe, notamment durant un Risingsun assez bluffant d’hypnotisme. Un concert comme on l’attendait, c’est à dire carré, à la fois froid et puissant, politique et ironique, dont le seul semblant de rayon de soleil s’entreverra sur la fin, au travers d’un Unfinished Sympathy plus inoffensif qu’à l’accoutumé.
On n’aura donc pas assisté à la suite de la fête, mais on aura quoi qu’il en soit eu le temps, cette année encore, de rappeler à notre bon souvenir la raison principale pour laquelle on fini toujours par revenir aux « charrues ». La liste est longue des festivals proposant une programmation bien plus en accord avec nos gouts, ou un état d’esprit DIY qui nous sied davantage. Mais nous laisserons ici -momentanément- de côté notre habituel cynisme et nos exigences parisiano-bougeoises: malgré tout ce qu’on pourrait lui reprocher, ce festival en forme d’immense ribouldingue a du cÅ“ur. Le notre battra sans doute à nouveau un peu plus fort à l’approche de l’édition 2019.
Écrit par: S.L.H.
Hier, sans aucune forme de prétention, nous cherchions à transcrire et à réfléchir notre époque. Curieux et audacieux, défricheur passionné, nous explorions sans oeillères et à travers un contenu éditorial toujours riche
et exigeant l’ensemble des strates qui composaient le monde bouillonnant de la musique indépendante, ses marges souvent nichées dans le creuset du web comme le halo médiatique qui entourait certains. Mais çà c’était avant. Aujourd’hui, on fait ce qu’on peu !
dieu vous le rendra….
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