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Le jour du Seigneur. Après les plaisirs défendus de la veille, le ventre est vide, les placards aussi. Il est temps que la loi Macron vienne en aide aux plus désorganisés. C’est pas grave, tout ce que je compte éplucher en ce dimanche, ce sont les vidéos sur Internet. Au menu : toutes les apparitions possibles des divines Sleater-Kinney à la télévision américaine. Le groupe de punk-rock légendaire ressuscite après dix ans de projets parallèles et avant de partir sur la route distribuer généreusement les 10 morceaux de son nouvel album No Cities To Love, il va forcément être célébré par les David Letterman et autres Jimmy Fallon. Sur le plateau d’un de ces prêcheurs de la comédie, les filles offrent un Surface Envy au goût piquant d’une hostie. L’appétit vient en mangeant, le voyage dans les limbes d’Internet se poursuit jusque chez Chris Gethard, présentateur d’un joyeux bordel rappelant les premières émissions chaotiques de MTV. Les Sleater-Kinney sont invitées mais ne sont pas priées de chanter : une promotion originale qui me fait m’éterniser devant ce show de soixante minutes. Dieu merci, parce qu’au bout d’un moment, Gethard nous invite à nous lever devant un groupe au nom ecclésiastique pendant que son acolyte brandit une pochette d’album à la couleur du sang du Christ. Katie Greer de Priests fait un court sermon : « First we want to say that the justice system in this country is fucked« . Amen. Ce qui suit n’est pas plus catholique. Voix grincheuse, guitare dessinant des spirales, ligne de basse funky, rythme simultanément dansant et anxiogène. Nous pouvons ensuite nous rasseoir. Les jambes vacillent, nous venons de danser avec le diable.
L’union Sleater-Kinney/Priests sur le plateau de Chris Gethard est logique. Un peu comme si on réunissait l’Ancien et le Nouveau Testament du Rock insoumis. Pour la petite genèse, les Sleater-Kinney ont prolongé la vague riot grrrl, mouvement punk-rock féministe initié début 90’s dans l’Etat de Washington sur la côte ouest des Etats-Unis par Bikini Kill, Bratmobile et autres Heavens To Betsy, ce dernier étant le premier groupe d’une des membres de Sleater-Kinney. Priests est aussi basé à Washington, mais à D.C., la capitale, à tribord toute. Une ville à l’histoire chargée autant sur un plan musical que politique. L’énergie que canalisent des groupes de Washington comme Priests est à l’image du pouvoir que concentre la capitale. Surnommée Washington D.C., « District of Corruption », la ville fonctionne comme une microsociété et on est directement témoin des pêchés de certains politiciens chez qui on trouve plus d’auréoles sur les chemises qu’au-dessus des têtes. Au lieu de tendre l’autre joue, Priests a choisi de combattre le mal par le mal et de fonctionner également avec ses propres règles, héritées de la scène punk hardcore de Washington. Enregistrer ses propres morceaux sur son propre label, booker soi-même ses concerts, distribuer les flyers d’autres groupes de la communauté et ouvrir les salles à toutes les tranches d’âge, tels sont les premiers amendements de la Déclaration d’indépendance de la scène musicale de Washington signée au début des années 80 entre autres par le père-fondateur Ian MacKaye, membre des groupes Minor Threat et Fugazi. Ian MacKaye, par ailleurs producteur du premier EP de, revenons à babord toute, Bikini Kill. L’union rationnelle des deux Washington pour mieux partir en croisade.
Bodies And Control And Money And Power, avec ses « and » oppressants, est un témoignage de l’étouffement de Katie and Danielle and G.L. and Taylor sous le poids de la classe politique. Un étouffement directement ressenti à l’écoute d’une musique post-punk et no wave primitive et d’un chant anxieux rarement libéré de ses tensions. Priests est de la veine de ces groupes de rock qui traduisent à la note près le ressenti de ses messagers et de ses apôtres autant que des brebis égarées. Chantons tous son avènement.
Priests – Bodies And Control And Money And Power (Don Giovanni/Sister Polygon, 2014)
1. Design Within Reach
2. Doctor
3. New
4. Powertrip
5. Moderne Love/No Weapon
6. Right Wing
7. And Breeding
Écrit par: Laurent Berthomieu
Bodies And Control And Money And Power on Giovanni Priests Sister Polygon
Hier, sans aucune forme de prétention, nous cherchions à transcrire et à réfléchir notre époque. Curieux et audacieux, défricheur passionné, nous explorions sans oeillères et à travers un contenu éditorial toujours riche
et exigeant l’ensemble des strates qui composaient le monde bouillonnant de la musique indépendante, ses marges souvent nichées dans le creuset du web comme le halo médiatique qui entourait certains. Mais çà c’était avant. Aujourd’hui, on fait ce qu’on peu !
dieu vous le rendra….
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