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Baptism, Communion, Excommunicate. Rabit, dont on a déjà parlé ici, est un de ces producteurs étranges qui multiplie les casquettes. Il a son label, Halcyon Veil (excellent, on avait parlé du Why Be, du Angel Ho, et on avait oublié de parler du fou Imaginary Forces), il produit également des morceaux avec la scène grime ou le crew NON (un très bon mini EP avec Chino Amobi), il est aussi un des DJ que l’on suit attentivement malgré ses rares apparitions dans nos contrées. Mais quand même, quand on relie ces trois albums sortis pour les deux premiers chez le très bon Tri Angle, et pour le dernier auto-produit à 50 exemplaires, on se demande si Rabit n’est pas en fait un mystique d’un nouveau genre.
Jean de la Croix est une figure importante de la mystique chrétienne du XVIe siècle, il théorise, raconte la nuit comme moment d’abandon nécessaire à la connaissance et à l’union avec Dieu. « La foi est nuit », écrit-il dans La Montée du Carmel. Il y a pour Jean de la Croix une connaissance exclusivement obscure de Dieu. « La foi est une habitude de l’âme, certaine et obscure en même temps », dit-il dans le même ouvrage. Bien loin de faire une hagiographie de Jean de la Croix, ou de faire un coming out chrétien, force est de constater que cette idée de densité dans l’in-connaissance liée à la nuit et à l’obscur, correspond assez bien aux productions de Rabit. Qui plus est, les titres de ses trois albums étaient une invitation à une lecture un peu mystique de sa musique. Ce qui est assez amusant avec la musique de Rabit, c’est qu’elle a très rapidement été étiquetée grime. Pourtant, lui s’en est toujours défendu, préférant dire qu’il faisait de la « rap music ». Une sorte de croisement expérimental bizarre entre des codes d’un certain hip-hop et de la musique électronique. Dans Excommunicate, il pousse le vice jusqu’à  produire un album qu’on pourrait qualifier d’électro-acoustique tant les matières sont torturées. Peut-être, qu’on pourrait parler d’une sorte d’obscure musique mystique électronique. Peut-être aussi, que comme le déclarait Rizzla dans une interview, la répétition des néons des clubs et des mêmes rythmes techno l’a conduit à envisager une nouvelle approche de l’électronique.
Il y a en tout cas dans la musique de Rabit une obscurité bienvenue. Excommuniate compte dix morceaux. Et il se parcourt comme une aventure sonore, une narration, un récit. Un récit fait de matières sonores étranges. Parfois très métalliques, très industrielles, parfois au contraire très aériennes, mélodiques. Ça donne un récit abstrait. Quelque chose de l’ordre d’une abstraction sonore où l’on ne sait vraiment pas se loger. Il y a un caractère dérangeant dans son travail. Un caractère angoissant et cathartique. Une épaisse obscurité dont on essaie de sortir. Une étrange obscurité qu’on essaie d’appréhender. C’est une musique bizarre, une musique étrange, une production quasiment anti-club et pourtant, non sans faire émerger une tension nécessaire à la danse comme sur Scarz, Let Moss Be Moss ou Penance. Il y a quelque chose d’une grande sincérité, comme une exploration d’un intime cérébral qu’il convenait, qu’il y avait nécessité à produire en musique.
Définitivement, Rabit s’impose comme l’un des producteurs les plus inventifs du moment, un producteur qu’il convient de suivre autant pour son label, que pour ses sets, ses remixes (citons son remix de 4% de Jesse Osborne-Lanthier & Grischa Lichtenberger), ou ses productions. Il serait temps qu’on le voie invité en France dans un endroit ou un autre. Et j’avoue qu’il serait assez tentant de le voir au milieu d’un planétarium en système son 5.1. Il est quand même rare de pouvoir pénétrer dans une tête qui ne renonce pas, Excommunicate est de ce genre d’album là , et on voudrait en entendre plus souvent ! On attendra donc avec impatience les prochaines sorties de cet obscur Texan, en imaginant qu’un jour les clubs le feront jouer au milieu d’une grande foule ébahie et mal à l’aise, ou qu’une église l’invite à ré-activer la mystique de Jean de la Croix, qui sait !
Rabit – Let Moss Be Moss
Rabit – Excommunicate
01. Shroud
02. Intrepid
03. Splatter Cell
04. Scarz
05. Paisley
06. Searching
07. Let Moss Be Moss
08. Regret
09. Penance
10. The Light Of The World
Écrit par: Aurèle Nourisson
Hier, sans aucune forme de prétention, nous cherchions à transcrire et à réfléchir notre époque. Curieux et audacieux, défricheur passionné, nous explorions sans oeillères et à travers un contenu éditorial toujours riche
et exigeant l’ensemble des strates qui composaient le monde bouillonnant de la musique indépendante, ses marges souvent nichées dans le creuset du web comme le halo médiatique qui entourait certains. Mais çà c’était avant. Aujourd’hui, on fait ce qu’on peu !
dieu vous le rendra….
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