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Comme le froid s’épaissit, les petites terreurs et les instants glauques s’entassent tranquillement là où le vent a déjà creusé son sillon rectiligne. À Paris, il fait un temps plutôt dégueulasse. Un temps à se vautrer dans un néant louche et à laisser les espoirs transis se disloquer mécaniquement. Aujourd’hui et demain et après-demain et le jour suivant peut-être, encore de la neige, du verglas, des soleils bas. Encore des occasions de coller contre sa peau les mélodies vampiriques de Royal Baths. Il faut les laisser vous déchiqueter les membres, sucer votre sang et ronger tous vos désirs car il est souvent nécessaire, dans des moments pareils, de ne pas vivre trop confortablement.
Les sangsues de Royal Baths viennent de San Francisco. Dans leur dernier disque, Better Luck Next Life, les musiciens du groupe ont néanmoins excisé la chaleur étouffante de leur ville d’origine pour n’en conserver que la sueur blême, l’atmosphère grasse du cloaque. Ils ont aussi méticuleusement récolté l’ambiguïté sexuelle qui suinte des rues, en ont extrait un peu de semence psychédélique qu’ils ont ensuite noircie avec leurs guitares grinçantes et leurs chœurs bizarres. Enroulé de vieux démons, macabre et brillant comme un disque du Gun Club ou du Velvet Underground, l’album fait monde. Et dans la cosmogonie béante et moite des chansons, on côtoie les abysses de la terre, à la fois ventre immense et bouche pendante, grande ouverte et large comme une plaie.
La monstruosité du disque a quelque chose de grotesque, d’enflé, qui lui apporte un contour poétique biscornu. Les femmes, par exemple, ne sont pas tout à fait femmes, ce sont plutôt des sortes de sorcières venimeuses : les Diaboliques ont des lèvres charnues mais leurs yeux sont désincarnés comme dans le superbe titre Longer, Faster, où une fille abîmée sème placidement la ruine autour d’elle. Partout la mort, partout le meurtre. Ça grouille et ça pue comme dans les peintures de Bosch ! Comme dans les scènes de genre flamandes en effet, l’ensemble des images ne forme qu’un seul et même tableau. Ainsi le titre Black Sheep décrit un « Bloody landscape in a daydream » qui appartient à un diptyque malsain : la chanson se fait toile de fond et suite logique du cinquième morceau de l’album, Nightmare Voodoo ; morceau à la beauté déviante dont les paroles semblent boursouflées de fantasmes étranges.
Tout se résume donc à des montagnes spectrales de sang et de merde, sans fond et sans masques. L’ensemble de ce monde hideux est vain. Grimaçant.Et pourtant cet album est une forme d’amour.
Royal Baths – Better Luck Next Life (Kanine, 2012)
1. Darling Divine
2. Burned
3. Faster, Harder
4. Be Afraid Of Me
5. Nightmare Voodoo
6. Contempt
7. Black Sheep
8. Map Of Heaven
9. Someone New
Écrit par: Amelie
2012 Kanine Records Royal Baths
Hier, sans aucune forme de prétention, nous cherchions à transcrire et à réfléchir notre époque. Curieux et audacieux, défricheur passionné, nous explorions sans oeillères et à travers un contenu éditorial toujours riche
et exigeant l’ensemble des strates qui composaient le monde bouillonnant de la musique indépendante, ses marges souvent nichées dans le creuset du web comme le halo médiatique qui entourait certains. Mais çà c’était avant. Aujourd’hui, on fait ce qu’on peu !
dieu vous le rendra….
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foggy girls club sur 21/02/2012
vieille interview là :
http://foggygirlsclub.blogspot.com/2010/11/royal-baths-interview.html