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Il y a quelques temps, j’entendais parler d’un projet intrigant : Shanka, le guitariste de Lycosia, No One Is Innocent et Destruction Incorporated, annonçait la sortie d’un EP composé de reprises de morceaux de folk country – et entièrement autoproduit par lui seul. Avant même de l’avoir entre les mains, je me suis posée maintes questions. Pour résumer : comment un petit Français, dont l’univers musical me semblait à mille lieux de cette musique, allait-il s’approprier un patrimoine tout ce qu’il y a de plus américain ? Allait-il se rendre aussi ridicule que Roch Voisine reprenant « City Of New Orleans » ?
Si l’évocation de cette possibilité fait frémir d’horreur, on est vite rassuré. Premier bon point : François Maigret n’a pas choisi de faire un best of, mais a sélectionné cinq titres avec amour (comme les légumes dans la soupe Maggi, un peu). Tant mieux, on n’avait pas particulièrement envie d’entendre sa version de « Stand By Your Man ». Dans le texte d’introduction publié sur son profil MySpace et sur sa page Facebook, il s’explique : « Ce sont mes amis Elliott Murphy et France de Griessen qui m’ont donné le ‘virus’ de la folk music et de la country music. C’est en rentrant d’un voyage à Nashville au printemps dernier que j’ai décidé de chercher ma propre interprétation de ce style musical en enregistrant des reprises de chansons ‘à ma manière' ». Alors, justement, voyons à quelle sauce il a mangé ces morceaux.
L’EP s’ouvre sur « The Cuckoo », un vieux standard anglais que le folklore américain s’est largement réapproprié. Parmi les nombreuses versions remarquables enregistrées depuis le début des années soixante, on retiendra celle, au banjo, de Clarence Ashley, la jolie interprétation de Rory Gallagher ou encore celle, plus énervée, de Janis Joplin avec Big Brother and the Holding Company. Enfin, quand je dis « énervée », ce n’est rien à côté de celle de Shanka. Au début, tout va pour le mieux, sans être très original : banjo et voix grave à la Johnny Cash. Et puis le petit coucou se transforme soudainement en un méchant vautour agressif. François nous avait pourtant prévenu : « à ma manière », il avait dit. Si l’on apprécie l’efficacité de la réinterprétation, on déplore néanmoins sur ce titre le son de la caisse claire, que l’on aurait apprécié moins mat, plus gras. Malgré sa radicalité, l’ensemble ne laisse pas un goût amer ; la douce voix de France de Griessen vient nous rassurer : non, nous ne serons pas mangés tout crus par un oiseau mutant. Ouf.
On enchaîne avec « Last Of The Rock Stars », un des titres les plus célèbres d’Elliot Murphy, sorti en 1973. En rendant ainsi hommage à son mentor, Shanka prend des risques, car il sait qu’il sera jugé par l’intéressé. Comment se sort-il de cet exercice périlleux ? Très bien, pour tout vous dire. Exit l’harmonica, place à la disto : sans en faire trop, il dépoussière l’hymne de Murph the Surf et lui donne une nouvelle jeunesse plus que méritée.
Nous voilà au morceau central de l’EP. Et ce n’en est pas un petit, de morceau : Shanka s’attaque carrément au célébrissime « Folsom Prison Blues » de Johnny Cash, composé en 1955 et performé en 1968 au sein même de la prison de Folsom, en Californie. Etait-il utile d’en faire une énième reprise ? Au vu du résultat, on est tenté de dire que c’était indispensable. Le titre est méconnaissable, jusqu’aux premières notes du génial solo, originellement interprété par le non moins génial Carl Perkins. Néanmoins, quoi qu’on puisse penser de la transformation, on ne peut pas nier le fait que la brutalité de cette nouvelle version correspond parfaitement à celle des paroles. C’était d’ailleurs l’un des objectifs de Shanka : « Mon but était de m’approprier le plus possible les chansons pour pouvoir les interpréter sans faux-semblants, quitte à aller parfois loin dans le soulignement de la violence sous-jacente des textes ». Et c’est après cette phrase qu’il cite, justement, un extrait bien choisi de « Folsom Prison Blues » : « I shot a man in Reno just to watch him die ». Objectif complété, mon Capitaine.
Retour au calme avec « Cherokee Fiddle », une vieille chanson de cow-boy traitant de sujets aussi primordiaux que le violon et le whisky. Les versions que l’on peut en trouver sur le net ressemblent plus à de la soupe qu’à ce qu’a dû entendre Shanka : « J’ai entendu ‘Cherokee Fiddle’ […] dans un restaurant (‘The Ol’ Blinkin’ Light’) isolé au fin fond du Nouveau-Mexique ». Probablement plus réjouissant que les interprétations d’Eddie South ou de Mickey Gilley. L’introduction de celle de Shanka ressemble étrangement à « Revolution » des Beatles. Ensuite – on commence à en avoir l’habitude – on retrouve la même énergie infaillible qui habite les autres titres de l’EP.
Ce dernier s’achève avec « What Would You Give In Exchange For Your Soul », un standard de gospel aux paroles plutôt naïves. Chantées par Shanka, elles prennent une toute autre signification : la question innocente devient, dans sa bouche, un réquisitoire diabolique. Décapant.
Malgré mes craintes, notre petit Français s’en est donc très bien tiré. Car, bien qu’il soit beaucoup plus éloigné géographiquement de Nashville que Roch Voisine, ses reprises sonnent plus justes. On sent en effet dans chacune de ses réappropriations un amour et une compréhension du patrimoine américain plus qu’appréciables et pour le moins touchants. Pour vous en convaincre, je ne peux que vous conseiller d’écouter, ci-dessous, son voyage mental en troisième classe sur un chemin de fer rouillé ; c’est perdu au beau milieu du désert californien, quand personne ne peut plus l’entendre, qu’il crie le mieux sa colère.
Shanka – Folsom Prison Blues(Johnny Cash Cover)
Shanka – Rock The Folk ! (2009)
1. The Cuckoo
2. Last Of The Rock Stars
3. Folsom Prison Blues
4. Cherokee Fiddle
5. What Would You Give In Exchange For Your Soul
Écrit par: hartzine
Hier, sans aucune forme de prétention, nous cherchions à transcrire et à réfléchir notre époque. Curieux et audacieux, défricheur passionné, nous explorions sans oeillères et à travers un contenu éditorial toujours riche
et exigeant l’ensemble des strates qui composaient le monde bouillonnant de la musique indépendante, ses marges souvent nichées dans le creuset du web comme le halo médiatique qui entourait certains. Mais çà c’était avant. Aujourd’hui, on fait ce qu’on peu !
dieu vous le rendra….
Hartzine the indie music webzine since 2007
fanfan2603 sur 05/12/2009
bravo de critiquer à tout va un artiste qui a 20 ans de carrière derrière lui et qui a vendu des millions d’album. alors un conseil allez d’abord l’écouter en concert avant de vous prétendre un bon critique.
Emeline sur 06/12/2009
J’ai dit du mal de quelqu’un quelque part ? Et, en plus, « à tout va » ? Ah, je n’avais pas remarqué.
Et je n’ai jamais prétendu être un bon critique. Pour la simple et bonne raison que, pour commencer, je suis une femme, ce que tu saurais si tu avais lu l’article jusqu’au bout.
Emeline sur 06/12/2009
Aaaaaah, je crois que je viens de comprendre. Tu es un fan de Roch Voisine !
tibo sur 06/12/2009
la durée ne fait pas le talent
le commerce non plus
et parait il, critiquer est un usage subjectif de la liberté de parole
blabla blabla
Emeline sur 07/12/2009
J’ai vexé un fan de Roch Voisine. Ma vie est foutue.
Steven sur 15/12/2009
Bonjour.
Dans la critique vous dites †Le titre est méconnaissable, jusqu’aux premières notes du génial solo, originellement interprété par le non moins génial Carl Perkins. â€
Or le guitariste qui accompagnait Cash au début de sa carrière n’est pas Carl mais Luther Perkins. Le solo de “Folsom prison blues†est de lui. La confusion est d’autant plus facile que Carl Perkins a joué avec Cash. Luther Perkins et Carl Perkins jouaient ensemble à Folsom, mais Luther n’était pas à Saint Quentin.
Sinon j’abonde en votre sens, c’est un excellent disque.
Mais il ne faut pas être surpris qu’un artiste typé rock musclé joue du folk et de la country, ces musiques ont énormément de liens. Ecoutez “rebel meets rebel†où David Allan Coe joue avec Pantera sans Phil Anselmo. Ou John 5 en solo. Beaucoup de virtuoses américains dans le metal ont fait leurs premières armes sur du folk. Et le metal dans sa généalogie (Deep purple, Led zeppelin pour ne citer qu’eux) a pas mal d’emprunts aux arpèges folk et à la rapidité des countrymen.
Bonne continuation
Emeline sur 18/12/2009
J’avais lu à plusieurs endroits que c’était Carl Perkins qui avait joué ce solo lors du concert à Folsom et je m’étais arrêtée là , merci pour la précision.
Je n’écoute pas de métal, et les liens entre cette musique et la country n’étaient pas du tout évident à mes yeux (sauf pour Led Zeppelin). Je vais écouter vos suggestions.
En tout cas merci pour ce commentaire constructif et Roch Voisine-free.
Steven sur 20/01/2010
Il n’y a pas de quoi ;)
Steven sur 11/02/2010
J’allais oublier. Comme guitariste typé metal, rock musclé testostéroné et tout le toutim qui est très influencé par la country, il y a Zack Wylde