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Silver Apples l’interview

today23/11/2011 444

Arrière-plan
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Deux albums auront suffit à construire la petite légende de Silver Apples et à poser, en toute naïveté, les bases d’une grande partie de l’électro-rock de notre époque. Issu d’un groupe de blues assez pépère qu’il a vidé de leurs membres, le duo deviendra une petite sensation sur la scène new-yorkaise de la fin des 60’s en faisant passer quelques ritournelles pop rudimentaires sous des strates d’oscillateurs et de distorsions électroniques quelque peu préhistoriques, le tout porté par un jeu de batterie presque proto-breakbeat. Mais une mauvaise blague (la pochette du deuxième album associait un accident d’avion à le compagnie aérienne Pan/Am, qui les attaquera en justice) achèvera de couler leur label – et le groupe.

Entre-temps, on a retrouvé l’écho de la pop monocorde et des dissonances électro cradingues de Silver Apples dans le Krautrock, chez Suicide ou chez Add (N) To X, et plein d’autres qui ont tous rendu hommage à Simeon, tête pensante du duo (son acolyte est décédé il y a dix ans) et aujourd’hui vieux monsieur un peu excentrique de l’électronique qui revient sur scène pour quelques concerts, quelques collaborations, et pour raconter la petite histoire de son projet vieux de quarante-quatre ans.

Aviez vous déjà un background électronique avant de commencer Silver Apples ?
Did you have some notions of electronic music before you started Silver Apples?

Je n’écoutais que du rock et du bluegrass et je ne savais même pas ce qu’était un oscillateur jusqu’à ce qu’un ami ne m’en montre un à l’époque où je jouais dans un groupe de rock. J’ai appris la musique électronique dans la rue d’une certaine manière. C’était à l’époque où on n’avait pas encore signé avec un label, j’habitais dans mon van à NY parce que je ne pouvais pas me payer de loyer, mais Danny venait de NY donc il habitait quelque part. Sur Canal Street, il y avait plusieurs boutiques de déstockage de matériel électronique. Pour 50 centimes, on pouvait récupérer des cartons comprenant des tonnes de bidules électroniques, comme des circuits, ou divers appareils que je connectais ensemble pour voir comment ils fonctionnaient ; c’est comme ça que je me suis éduqué. Je n’avais aucune idée de qui était Morton Stubotnik par exemple, alors que tout le monde me disait : « Tu es dans la droite lignée de ce mec ».

My background was totally rock and bluegrass. I didn’t have a clue of what an oscillator was until a friend of mine showed me one and I was already fronting a rock band at the time. I didn’t have any idea of what electronic music was, I got it strictly from street. I was a street person, I was living in my van in NY. Danny was from there and had a place to stay, which I didn’t. And originally I couldn’t even afford accommodations, that was before we even had a record label deal. On Canal St, which is on the downtown section of NY, there were several electronic surplus store, and they had huge boxes full of unlabeled junk, electronic stuffs on the sidewalk. Everything in the box would be 50 cents. I got circuitry, different engines and they I tried to see how they could work, that’s how I educated myself. I didn’t have any idea of Murton Stubotnik or the like, whereas some people were constantly telling me « you’re from that guy’s school« .

Comment de simples oscillateurs ont-ils fait fuir tous les membres de votre premier groupe, The Overland Stage Band ?
How come all the members of your first band, The Overland Stage Band, all left only because of a mere oscillator?

C’était des guitaristes purs. Le son des dissonances électroniques que je trouvais si excitant ne s’adaptait pas au blues et ça les rendait dingues. Ils se sont dit qu’ils avaient tout intérêt à se cantonner à une scène plus traditionnelle, ainsi ils sont partis les uns après les autres jusqu’à ce qu’il ne reste plus que Danny et moi. Ils avaient déjà menacé de nous quitter avant ça, ils étaient vraiment sérieux concernant l’oscillateur. « Ne joue plus de ce truc, Simeon, sérieusement ! » Et évidemment je le faisais quand même.

They were pure guitar player guys. The sound of electronic dissonance that I found exciting, just didn’t fit in their blues progression and it messed them up. They felt they could do a better living doing a more traditional scene in NY. And they left one by one and there was just me and Danny left. They threatened to quit several times before, they were serious about the oscillator, like « don’t play this anymore, hey Simeon, don’t do that« . And I would do it!

Comment Silver Apples s’est retrouvé sur un label qui sortait des bandes-son de comédies musicales, Gilbert Bécaud ou Sonny & Cher ?
How did you end up on a label that released Gilbert Bécaud, Sonny & Cher or musicals sountracks?

Kapp ne faisait pas du tout de rock’n’roll. Ils avaient même un pianiste, Roger Williams, sur leur catalogue, ils n’étaient juste pas habitués à du gros son. Je pense qu’ils voulaient juste faire un truc un peu branché parce qu’ils se sentaient un peu à la ramasse. Ils avaient remarqué qu’on avait une certaine fanbase sur la scène underground, notamment celle du Max Kansas’ City, et ils nous ont signés. On était le seul truc plus ou moins pop du label.

Kapp Records didn’t do any rock’n’roll at all. They had people like pianist Roger Williams on their roster, they were not used to big sounds. I think they just wanted to do something hip. They felt like they’d been left behind in the industry and they wanted something hip. They saw we had a following among the underground scene (Max Kansas’ City, etc), and that made them sign us. We were the only pop kinda thing on the label.

Comment se passaient les concerts, techniquement parlant ?
How did the gigs go, technically speaking, at the time?

Pour jouer par exemple à 21h, il fallait que je commence à m’installer à 14h. Si quelque chose foirait pendant le concert, ça me prenait des années pour comprendre pourquoi. J’ai passé toute ma carrière musicale à essayer de réduire toute cette technique à quelque chose qui me soit accessible et sur lequel je puisse compter, ce qui n’est arrivé que maintenant.

When we played at 9pm we had to show up at 2am. It would take me that long to get everything all set up. It was a nightmare. If something went wrong it would take me ages to figure out why. My whole musical life has been spent trying to boil all this down to something I could understand and that is more reliable, which only happens now.

Pourquoi Silver Apples a dû se séparer à l’époque ?
Why did Silver Apples have to split at the time?

Le Pan/Am incident nous a achevé. Kapp flanchait sérieusement, ils nous avaient bien expliqué que si l’on pouvait enregistrer ce deuxième album, c’était uniquement parce que l’on avait un contrat avec eux et qu’il fallait l’honorer. Ils n’ont donc fait aucune promo à sa sortie. Et là Pan/Am les a poursuivis en justice à cause de la pochette, ça a été la goutte d’eau… Danny et moi n’avions aucun problème l’un avec l’autre, c’est juste que nous ne pouvions plus continuer Silver Apples dans ces circonstances. Il a été musicien de session par la suite, et on a perdu contact.

The Pan/Am incident sank the ship. Kapp was going under anyway. They had told us that we could record the second album only because we had a 2-album deal, and they didn’t pay for any promotion. And then Pan/Am sued them because of the cover, and that was the straw that broke it. Danny and I didn’t have any problem together, it’s just that we couldn’t do Silver Apples anymore under the circumstances. He did some session work on his side, and we lost touch.

On dit toujours de Silver Apples que c’était un groupe anti-hippy, mais les textes étaient très fleur bleue.
Silver Apples are often said to be anti-hippy, but the lyrics were quite lovey-dovey?

Après tout, quand tu as 20 ans, tout tourne autour de l’amour, non ? Tu ne penses qu’à ça normalement ! Nous n’étions pas des hippies en effet, on n’avait pas cette mentalité « fleur au fusil », mais nous étions aussi épris de romance que n’importe qui. Nous étions des gars des rues de New-York, mais on avait de l’amour en nous.

When you’re 20 yo, it’s always about love ain’t it? That’s all you think about! We weren’t hippies at all indeed, we didn’t have that flower-in-the-gun mentality, but we were into romance as much as anybody. We were NY street people, and love was part of us.

Quelles étaient les réactions à Silver Apples à l’époque ?
How were people reacting to Silver Apples at the time?

Extrêmes. Certains musiciens ou journalistes nous adoraient, d’autres nous haïssaient. Au début il y avait surtout des gens qui nous détestaient. Parfois lorsqu’on jouait en première partie d’autres groupes plus connus, ils venaient après notre concert en nous hurlant dessus : « Mais qu’est ce que vous faites ? C’est quoi ce truc ? C’est même pas de la musique ! ». Il arrivait le même genre de choses au Velvet Underground, alors que je les trouvais plutôt accessibles, ils avaient un son de guitare un peu drone mais il n’y avait rien de menaçant là-dedans.

D’autres musiciens nous aimaient bien, comme Hendrix (voir), avec lequel Danny jouait souvent sous le nom de Blue Flames. Il y avait donc des gens à NY qui avaient suffisamment entendu ce que nous faisions pour s’y habituer. Mais à San Francisco par exemple, nous avions joué dans un festival de hippies qui prenaient de l’acide assis sous des couvertures, et ils nous ont jeté des pommes. Je me souviens d’un article sur le festival qui avait pour titre « Silver Apples : Rotten Apples ».

Hot and cold. Some writers and musicians loved it and some others hated it, but no one said « ho here comes another band« . In the beginning it was mostly people who hated it. We would be on bill with known bands at the time and we would play before them, and they would come backstage and just yell at us, « what the hell do you think you’re doing? this is not even music! » Same thing happened to the Velvet Underground, but they were pretty tamed to me too, it just had a droney-guitar sound, but I didn’t hear anything threatening there.

Some musicians liked us a lot. Hendrix for example hung out in NY a lot. Danny knew him. They jammed together, they were called The Blue Flames. Danny was a drummer off and on with him. Some of those musicians had heard enough of what we were doing so they were used to it. But for example in San Francisco we once played and they threw apples at us, I even remember there was a headline that read « Silver Apples: Rotten Apples », it was in a festival, with hippies sitting under blankets doing acid.

Qu’est-ce qui choquait les gens chez Silver Apples, finalement ?
What was it that alienated people in Silver Apples finally?

Il faut se remettre dans la situation de l’époque. Personne n’avait entendu ce genre de chose, à moins d’avoir été étudiant en musique à Columbia ou un truc dans le genre. C’était des sons très étrangers. De nos jours, tout le monde aime les sons électroniques, il y a même des endroits où les groupes à guitares ne peuvent plus jouer ! Mais à l’époque c’était complètement mutant. D’une certaine manière, c’est dans la nature humaine de se sentir menacé par quelque chose que l’on ne comprend pas. Ca prend un certain temps de s’y habituer et de se dire : « OK, ça ne va pas me mordre ». Pour moi, la musique en elle-même était plutôt raisonnable. Elle avait des structures, des mélodies. C’est seulement la manière dont elle était produite qui était étrange.

You have to look back at the time. No one had ever heard this kind of thing, unless they were in some music school in Columbia. These were all very foreign sounds. Nowadays people are quite into electronic sounds, so much that there are places where guitar bands can’t get a job! But then it was the most alien thing in the world. It’s human nature to be threatened to by something you don’t understand. It takes a while to get used to it and say « ok this won’t bite me« . The music in itself to me was pretty tamed. It had structures and melody, it was just the way it was produced that was alien.

A quel moment vous êtes-vous rendu compte de l’influence de Silver Apples après sa disparition, notamment sur le Krautrock dans les 70’s, puis sur l’électro-rock dans les 90’s ?
When did you grow aware of SA’s influence, notably on Krautrock in the 70’s and on electro-rock in the 90’s?

Je suis devenu artiste à partir de là et je ne me tenais plus trop au courant de ce qu’il se passait sur la scène musicale. J’entendais quelques trucs à la radio et je me disais : « Finalement, l’électronique prend de la place », mais je n’ai pas fait la connexion. Puis j’ai rencontré des artistes qui m’ont demandé des autographes en me disant combien on avait été influent pour eux et j’ai écouté ce qu’ils faisaient et j’ai compris qu’il y avait une sorte de progression organique entre ce que je faisais à l’époque et le présent.

I wasn’t that aware in the 80s and early 90’s of the music scene. I was working as an artist at that time. Still, I heard things on the radio and I thought « well, finally electronics are coming around« . But I didn’t make the connection. Then I started meeting some artists and they had me sign their records telling me how big an influence I had been, then I started listening to it and I saw that organic growth between what I was doing at the time and the present.

Quels sont les projets du moment désormais ?
What are your current projects?

Je travaille sur un opéra, je ne le finirai peut-être jamais. Ca parle d’une civilisation entière d’anti-vampires, ils sont immortels mais ils se nourrissent d’essences et de sentiments humains, et ils considèrent les vampires comme des carnivores puants, parce que quand tu passes des siècles à te nourrir de sang, à la fin il coagule et tu sens comme un animal mort à des kilomètres à la ronde.

Mais j’ai des projets plus abordables aussi. Notamment un album avec moi jouant avec certaines des personnes que j’ai influencées, de Jello Biafra des Dead Kennedys jusqu’à Portishead (voir) ou Blur, avec lesquels j’avais joué au Royal Albert Hall. Ca ressemblait à une improvisation mais ce n’en était pas une, et un article nous avait décrit comme « le son que pourraient faire tous les taxis de Londres s’ils freinaient tous en même temps dans un gigantesque crissement de pneus ». Quant à Portishead, ce sont des gens formidables. Ils m’avaient envoyé Third avant qu’il sorte en me disant : « Je crois qu’on vous a plagié sur un des morceaux. » et je leur ai dit : « Je suis honoré ».

I have several projects going. I’m working on an opera, I may never get there. The more I get into it the bigger it gets. It’s about a whole civilization of anti-vampires, they are immortal too and survive by feeding off of human essences and feelings. They think as vampires as stinky carnivores, stinky because when you spend centuries drinking blood then it coagulates and you stink like dead animals from miles away.

But there’s something more doable, it’s an album of me playing with some people who’ve been influenced by me, from Jello Biafra from the Dead Kennedys to Portishead, a wide musical spectrum of people who expressed an interest in doing it. Once all the paperwork is done, there would be a possibility to have it done. Also with Blur, we performed together at the Royal Albert Hall once as part of a John Peel festival. One the reviews of the big magazine described us as « the sound that would make all the bloody cabs in London if they came to a screeching halt together at the same time« , which is a wonderful review. Portishead already had their record released and sent it to me saying « I hope you don’t mind but we kinda properly ripped you off« . And I said « no I’m honored« .

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Écrit par: Thomas Corlin

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