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Mythe ou réalité, fantasme du chroniqueur ou vrai défi artistique, le second essai musical est bien souvent considéré par le critique et par l’artiste comme le plus difficile à réaliser lorsqu’un album inaugural a été porté aux nues. Ascension vers la gloire ou prémices d’une descente aux abîmes, c’est la notion d’inspiration qui se trouve être au cÅ“ur même de cette problématique : savoir faire preuve de régénération sans sombrer dans la redite ou afficher ses limites et son incapacité à se renouveler… Là est toute la question.
Au moment de glisser le nouvel opus de St. Augustine dans le lecteur, l’anxiété ressentie semblait donc plus que légitime. Trois ans déjà que le bien nommé Changing Plans est venu révolutionner et dépoussiérer la notion de « musique folk ». À la fois respectueux de ses aînés, Dylan et Drake en tête, et à l’écoute du renouveau nineties ayant remis au goût du jour la chemise à carreaux dont Will Oldham ou encore Jason Molina furent les figures de proue, François-Régis Croisier, au travers d’une Å“uvre remarquable, était parvenu à fédérer et dépasser ces inspirations pour apporter à ses compositions une originalité presque pop qui le démarquait des productions se voulant similaires. Et voici St. Augustine intronisé « Étoile du Nord » de la constellation Kütu Folk, label clermontois regroupant en son sein un bon nombre d’astres plus brillants les uns que les autres (Evening Hymns, Zak Laughed, Garciaphone, The Delano Orchestra, Hospital Ships, Kim Novak…). Fort de ce statut, nous l’attendions bien évidemment au tournant. Mais le (talentueux) jeune homme nous avait déjà en partie rassuré nous offrant l’année dernière un June, A Maze EP qui, même s’il se voulait résolument plus brut en matière d’orchestration et de production, arrivait d’un point de vue mélodique à la hauteur de son prédécesseur. Quelles orientations pour ce Soldiers ? Un retour vers une folk plus épurée ou une recherche plus approfondie de l’essai folk-pop parfait ?
21 Days, morceau inaugural, vient directement ôter toute interrogation en un peu plus de quatre minutes. Avec ses arpèges caressées du bout des doigts, son break délicat et opportun et ses légers effets de voix, il nous rassure instantanément. François-Régis est toujours maître en sa demeure, ses illustres invités ne monopolisent pas la conversation. On sait le garçon capable de distiller encore plus de subtils effets dans ses compositions faussement épurées, nous restons alors attentifs à la suite des opérations. S’enchaînent alors des morceaux au caractère à la fois familier et à l’originalité toute particulière. Le tubesque Promised Land (et oui !) avec son final en crescendo qui n’est pas sans rappeler le fabuleux Rainy Country du premier opus, l’émouvant Ten Arms d’un classicisme renversant, morceau après lequel Will Oldham court vainement depuis pas mal d’années maintenant, le solennel et organique Soldiers (Song for D.), sonnant comme le crépuscule d’une bataille, et son complémentaire Pareidolia,morceau atmosphérique à la rythmique cependant implacable, étape vers le renouveau à venir. Et ce renouveau, en forme de face B, pointe le bout de son nez avec l’illuminé Cedars et ses petites notes de piano distillées au gré d’une mélodie éblouissante mais surtout au travers de Black Feathers réel morceau pop alliant avec maestria rythme entraînant et sensibilité sous couvert de touches électro savamment utilisées. On connaît l’admiration que porte François-Régis Croisier au travail de Jason Lytle, notamment au sein de Grandaddy, l’affiliation est ici parfaitement assumée mais également respectueuse, ne sombrant pas dans la pale copie mais conservant une identité propre emplie de simplicité au sens noble du terme. Et comme pour rentrer dans le rang, le soldat St. Augustine revient vite à des sonorités plus familières au détour de complaintes empreintes d’espoir et de déception laissant place tantôt à la respiration, tantôt à l’émotion (Away et Seventeen), tremplins parfaits pour l’ultime My Father, My Son et sa rythmique quasi-militaire évoquant un Bill Callahan à tendance lyrique errant dans ses brumes matinales au milieu des années 90.
À l’instar d’une pochette en tout point remarquable, Å“uvre comme à son habitude de François-Régis Croisier lui-même, ce second long format du Clermontois non seulement confirme les espoirs placés en lui mais démontre de manière encore plus flagrante la faculté qui est la sienne de renouveler un genre musical souvent considéré comme peu évolutif. Cependant, Soldiers conserve toutes ses valeurs intimistes et sensibles et s’élève ainsi au rang de grand disque folk moderne. Tel est le combat gagné par St. Augustine, artiste valeureux sur le « chant » de bataille.
St. Augustine – Soldiers (Kütu Folk Records, 2012)
1. 21 Days
2. Promised Land
3. Ten Arms
4. Soldiers (Song For D.)
5. Pareidolia
6. Cedars
7. Black Feathers
8. Away
9. Seventeen
10. My Father, My Son
Écrit par: Eric
2012 Kütu Folk records St. Augustin
Hier, sans aucune forme de prétention, nous cherchions à transcrire et à réfléchir notre époque. Curieux et audacieux, défricheur passionné, nous explorions sans oeillères et à travers un contenu éditorial toujours riche
et exigeant l’ensemble des strates qui composaient le monde bouillonnant de la musique indépendante, ses marges souvent nichées dans le creuset du web comme le halo médiatique qui entourait certains. Mais çà c’était avant. Aujourd’hui, on fait ce qu’on peu !
dieu vous le rendra….
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