HZ RADIO hz radio
Il m’avait étonné l’année dernière avec ce morceau hors norme You Are The Blood sur la compilation Dark Was The Night, une reprise des Castanets où pendant dix minutes, ce génie de la pop synthétique moderne nous transporte ailleurs. Ce morceau est un apprentissage pour l’écoute de l’oeuvre The Age Of Adz. Actuellement en tournée aux Etats-Unis, il faudra surveiller de près sa tournée européenne à venir, car toutes les salles se remplissent vite pour voir ce garçon ! Son album en tête des écoutes sur le site bandcamp.com est un concept-album inspiré de l’oeuvre apocalyptique de Royal Robertson, dont on peut découvrir le travail sur la pochette du disque et à travers quelques images dans le livret. Sufjan compose une oeuvre plus que jamais visuelle tant le nombre d’instruments et de voix nous invitent à imaginer des couleurs et des formes qui s’animent. Les mouvements et les changements qu’il opère à l’intérieur de ses compositions finissent d’emporter tous nos sens et de libérer notre imagination. Futile Devices ouvre cet album avec une introduction simple, aérienne, une mélodie en suspension. Too Much, avec son rythme cassé et trituré, nous rappelle Homogenic de Björk, l’apparition des choeurs donne le ton de cette épopée naissante, véritablement le générique d’ouverture de cette quête émotionnelle. The Age Of Adz, qui commence par un son de time code (repère de temps enregistré sur une piste son d’une caméra) est  l’hymne, le climax, avec ses choeurs puissants qui semblent soulever les montagnes ; on traverse là un big bang, encore une fois quand s’élancent les choeurs, on rentre en rotation, on ferme les yeux et tout s’agite dans notre esprit, on retient notre souffle jusqu’au prochain refrain qui jaillit comme un volcan qui rentre en éruption, bientôt notre flux sanguin augmente, et les battements du coeur répondent aux trompettes, c’est renversant et étourdissant comme un ballet d’oiseaux dans les rayons du soleil. Arcade Fire rencontre Polyphonic Spree, rien de moins ! I Walked comme si Animal Collective parti en pèlerinage sur une montagne sacrée poursuivait cette ascension céleste. Now That I’m Older, on a marché toute la nuit, on s’est assoupi, on se réveille d’un sommeil profond, à moitié conscient, ne sachant pas combien de temps s’est écoulé et pas vraiment sûr que tout soit réel autour de nous. Ça commence comme une caresse au réveil avec son piano et ses voix, Sufjan mélange son chant avec d’autres voix fantômes jouées à l’envers et des voix d’anges, le tout semble vouloir prendre du recul ou stagner dans une forme de mélancolie et d’oubli. Get Real Get Right : cette fois c’est un géant qui debout avance devant nous, le pas est plus sûr et la transformation est terminée, il avance dans ce monde nouveau lucide et confiant. Vesuvius, le tout sonne très enfantin, c’est le morceau qui me touche le plus, il y a quelque chose d’inquiétant et à la fois de très rassurant dans cette composition, le refrain avec ses choeurs chauds qui montent en intensité porte une énergie positive dans laquelle on se laisse glisser comme dans un grand toboggan ! I Want To Be Well, Sufjan répète au milieu du morceau « I want to be well » seul, puis repris par des choeurs (clin d’oeil au pagan poetry de Björk), la batterie s’emballe, le rythme s’accélère, Sufjan s’arrache la voix en criant « I’m not fucking around » dans une rage radioheadique.
Impossible Soul : le chef d’Å“uvre dans le chef d’Å“uvre, un morceau addictif qui dure plus de vingt-cinq minutes. Au bout des quatre premières minutes, c’est la chanteuse de My Brightest Diamonds invitée pour nous offrir une transition délicieuse pleine de suspens, toute en tension qui retombe en se balançant comme une plume avant une transition surprenante où Sufjan emploie la méthode de l’autotune surutilisée dans le R’N’B sur sa voix, mais dans ce mouvement naissant  vers 10′, une simple respiration filtrée crée une sorte de chant magnétique qui semble aspirer la voix de Sufjan. Une expérimentation culottée qui surprend à la première écoute et qui se révèle efficace plus tard. One, Two, Three, Four ! C’est le lancement de la fête, l’euphorie collective, le dernier jour de classe avant les grandes vacances, debout sur les tables, des arcs en ciel sur le tableau noir, une grande parade où tout est possible et encore plus… Comme dans You Are The Blood , le morceau ne veut pas se terminer et Sufjan revient avec son banjo et, faisant écho à Futile Device, reprend seul ce refrain plein d’espoir, mais ce refrain mue pour laisser place à une parole plus sombre : « Boy we made such a mess together », et on s’interroge avant de se repasser ce disque qui est tout le contraire d’un gâchis.
Je me souviens à 10 ans avoir été submergé dans tout mon être par un sentiment d’incompréhension et de révolte contre ce monde gouverné par des adultes fous. Prostré de longues minutes  devant la fenêtre, mon regard perdu quelque part entre le ciel et la cime des arbres, mon esprit aurait voulu que les grands entendent ma raison. La France avait envoyé ses troupes se battre en Irak et le flux d’actualités chaque jour m’obsédant, je prenais des notes sur mon calendrier. Une réalité inacceptable retransmise en direct dans nos téléviseurs. Sufjan n’a pas grandi, il a gardé l’innocence et la rage de ses 10 ans et a réussi à  cristalliser ses peurs et ses croyances de gosse en donnant de la voix à ce regard rempli de bonté et d’innocence fixé sur cette planète couverte de haine.
Sufjan Stevens – The Age of Adz (2010, Asthmatic Kitty)
1.Futile Devices
2.Too Much
3. Age of Adz
4. I Walked
5. Now That I’m Older
6. Get Real Get Right
7. Bad Communication
8. Vesuvius
9. All for Myself
10. I Want To Be Well
11. Impossible Soul
Écrit par: David
2010 Asthmatic Kitty Sufjan Stevens
Hier, sans aucune forme de prétention, nous cherchions à transcrire et à réfléchir notre époque. Curieux et audacieux, défricheur passionné, nous explorions sans oeillères et à travers un contenu éditorial toujours riche
et exigeant l’ensemble des strates qui composaient le monde bouillonnant de la musique indépendante, ses marges souvent nichées dans le creuset du web comme le halo médiatique qui entourait certains. Mais çà c’était avant. Aujourd’hui, on fait ce qu’on peu !
dieu vous le rendra….
Hartzine the indie music webzine since 2007
akitrash sur 27/10/2010
Un nouveau regard sur Sufjan Stevens, malade, revanchard, qui comme tu le dis si bien David, n’est jamais aussi bon que que quand il endosse le rôle de la bête blessé. Un pur album.