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Je ne sais pas s’il s’agit d’un ras-le-bol circonstancié ou d’un penchant obsessionnel, mais, à l’heure où j’écris ces quelques lignes trempées d’alcool, l’univers musical auquel je m’adonne se trouve irradié d’un soleil plombant et poussiéreux, repoussant inlassablement tout signe de vie à l’ombre de comptoirs miteux. Haut perché sur un tabouret, le front huileux, je savoure une bière presque chaude, les deux coudes mollement flanqués sur le métal blanc du zinc. D’infimes volutes de fumée s’échappent de mes lèvres entrouvertes, j’écoute l’harmonica qui déraille, la voix du gringalet qui minaude. En plein Texas, une bourgade non loin d’Austin. Musardant lascivement depuis le début de l’après-midi, je scrute la multitude de cartes postales jaunies recouvrant le mur décrépi, le ventilo renâcle une brise bien tiède. Dans ce trou, le temps cesse de s’acharner, suspendu qu’il est aux indicibles vides de l’existence. Dehors, le vent soulève d’éparses nuées de sable. Je m’imprègne du charme suranné de l’endroit et de la musique que débite depuis un bon quart d’heure ces jeunes garçons qui se font appeler, depuis six ans et deux albums, The Stranges Boys. Ryan Sambol, véritable tête à claques au teint blafard, bouffe son micro de biais, frappant du talon l’estrade brinquebalante. Son chant lymphatique a quelque chose de troublant, je jure l’avoir entendu de l’autre côté de l’Atlantique. Son frangin, Philip, assure rondement ses lignes de basse quand Greg Enlow et Mikey La Franchi s’esquintent flegmatiquement les doigts à la guitare et à la batterie. Les notes traînent, s’éparpillent, avant d’être brusquement corrodées de distorsions granuleuses. Les pintes s’enchaînent aussi vite que ne se terminent les morceaux. On me donnerait tout l’or du monde, que je rechignerais à décrocher mon regard de la scène claquemurée. La formule est pourtant connue, presque éprouvée : dévaliser l’histoire pour s’en administrer les vertus dans un présent amnésique. Pour nous en mettre plein les oreilles, la petite bande, tout en s’inspirant des standards country locaux, puise aussi bien dans les trésors d’un rhythm and blues propre à  Chuck Berry que d’un garage rock cher aux Seeds ou aux Shadows of Knight. En somme un succédané de l’esprit blues-rock, fiévreusement joué à toute blinde ou s’épongeant grâcilement à la vitesse d’une tortue. On pense à la fougue des Black Lips, à la chaleur des Wave Pictures, mais aussi au chant débonnaire de Pete Doherty et de ses Libertines sur l’excellent Up the Braket. Ce soir, tous les poncifs de leur second album, Be Brave, distribué en Europe par le mythique label indé Rough Trade, y passent : I See et son harmonica crado dont Beck coloriait son chef d’oeuvre One Foot in the Grave, A Walk On The Bleach claudiquant tragiquement jusqu’à son explosion jubilatoire, ou encore Be Brave, formidable tube peinturluré d’un saxo épousseté par Jenna Thornhill échappée pour l’occasion de Mika Miko. Et ce n’est franchement pas la mer à boire si certaines redondances tempèrent par intermittence mon enthousiasme béat (Between Us, The Unsent Letter), mes jambes n’ont de cesse de tressaillir sur les riffs crachoteux de Night Might ou sur la rythmique chaloupée de Friday In Paris accueillant Tim Presley des Darker My Love aux backing vocals. Les intimistes Dare I Say et You Can’t Only Love When You Want concluent le propos et ma nuit de leur mélancolie ouatée et de quelques frottements de cordes biens sentis. Les Stranges Boys se retirent en bons branleurs partis pour s’en mettre une. La bouche pâteuse, je tire ma révérence, traînant mes guêtres hors de ce bouge aux effluves acres de sueurs et de houblon fermenté. La rue accueille mes pas chancelants. Paris, le Point FMR, un 8 avril 2010. Programmé pour la sixième édition du Midi Festival, je pense déjà au short que vais assortir à mes plus belles santiags.
The Strange Boys – A Walk On The Bleach
The Strange Boys – You Can’t Only Love When You Want
The Stranges Boys – Be Brave (Beggars Banquet, 2010)
01. I See
02. A Walk On The Bleach
03. Be Brave
04. Friday In Paris
05. Between Us
06. Da Da
07. Night Might
08. Dare I Say
09. Laugh At Sex, Not Her
10. All You Can Hide Inside
11. The Unsent Letter
12. You Can’t Only Love When You Want
Écrit par: Thibault
2010 Be Brave Beggars Banquet rock The Stranges Boys US
Hier, sans aucune forme de prétention, nous cherchions à transcrire et à réfléchir notre époque. Curieux et audacieux, défricheur passionné, nous explorions sans oeillères et à travers un contenu éditorial toujours riche
et exigeant l’ensemble des strates qui composaient le monde bouillonnant de la musique indépendante, ses marges souvent nichées dans le creuset du web comme le halo médiatique qui entourait certains. Mais çà c’était avant. Aujourd’hui, on fait ce qu’on peu !
dieu vous le rendra….
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