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Lorsque le label bisontin Hands In The Dark annonce une nouvelle sortie, on sait que, plus que d’écouter un simple disque, on s’apprête à vivre une expérience sensorielle. Lorsqu’on apprend en plus qu’il s’agit de l’EP de Tomaga, on se tient alors prêts à vivre une véritable exploration chamanique de notre moi profond, non sans risque de réveiller quelques sentiments enfouis. Le duo londonien Tomaga malaxe le son, il le dénude, le purifie, l’épaissit à volonté et l’ancre dans nos mémoires à l’aide de visuels industriels et alambiqués dont il a le secret. Ces mécaniciens de la matière sonore arrivent à faire résonner le moindre bruissement aussi bien dans nos âmes que dans nos esprits. C’est grâce à leurs engagements respectifs dans des groupes comme The Oscillations, Neon Neon ou Raime que Tom Relleen et Valentina Magaletti ont pu modeler un son si singulier et reconnaissable se nourrissant d’électro industrielle, d’ambient et de drone, de stoner rock, de kraut-jazz et de tout un tas de styles musicaux dont ils sont quasiment les inventeurs. Avec leur première cassette, Sleepy Jazz for Tired Cats et leur premier EP Futura Grotesk, Tom et Valentina avaient déjà réussi à créer un genre qui leur était propre et à toucher l’objectif qu’ils s’étaient fixés ; inventer un nouveau silence.
Avec Familiar Obstacles, à paraître le 27 octobre, ils nous ouvrent les portes d’un paradis voilé, un lieu où l’ambient flirte gentiment avec les rythmes vaudou, où l’electronica s’éprend du lo-fi, où le son DIY règne en maître absolu. Un univers déconstruit et onirique imagé par le fidèle Ross Adams sur la pochette de l’EP.
La procession au clair de lune commence dans une brise de tourments et de coups bruts dès l’entrée dans la face A. Les bruits résonnent, se perdent dans l’espace, ils se répètent inlassablement faisant déjà monter à chaque seconde la tension incandescente qui s’installe. Si l’on ferme les yeux lorsque l’on écoute Train For Owl, on peut imaginer un ferrailleur en train de travailler la matière et de laisser s’échapper des éclats qui s’entrechoquent entre eux, rebondissant contre les portes grinçantes de l’atelier. Malgré le climat peu rassurant de la scène, des notes de synthétiseur viennent nous envelopper. Nos angoisses sont mises à nu, elles s’expriment à travers la musique de la façon la plus pure qu’il soit. La peur du vide, de l’incertain est calmée par des retentissements de harpe, nos incertitudes prennent alors la forme de jolies symphonies. Une samba des ténèbres vient nous fouetter en plein vol sur Hibernation Theme. Un micmac bruitiste, grinçant et mélodique à la fois nous rappelle à l’ordre. Se fraient un passage à travers la valse des machines, des voix fantomatiques se jouant des poussées stridentes et épaisses tantôt remplacées par des froissements d’une pureté absolue. C’est là le génie de Tomaga, arriver à faire se frôler légèreté et lourdeur sans jamais que tous deux ne se percutent. On imagine l’utilisation de tout un tas d’objets dans Familiar Obstacles, du bon vieux Bontempi rongé jusqu’à l’os que l’on pousserait dans ses retranchements comme dans Over The Cracks, à l’antenne de télévision qui créer des interférences malgré elle vissée sur le toit du voisin en passant par les bips fous des Arcade games des 80s dans Down Purge, clin d’œil à la cassette Play Time : Music For Video Games de Tomaga et Orlando. C’est ce maniement unique des sons et de l’espace qui transforme chaque essai de Tomaga en un singulier chef d’oeuvre, sans comparaisons possibles.
La face B s’ouvre sur un joyeux bordel confus bruitiste. Les arrêts entre chaque morceau sont aussi bruts que la musique des multi-instrumentistes ne l’est. Sur Brutal Gravity, on pince les cordes puis on les triture, on laisse nos doigts déraper volontairement. On entend un violon brailler au loin, voulant sûrement attirer l’attention de cette flûte enchanteresse qui fait la belle. Notre mélancolie est balayée comme les vagues électroniques emportées par le vent de Bethnal Grey. Puis l’espoir renaît, des notes de guitare folk amènent la douceur attendue déjouant les crissements métallurgiques. Biscuit Tin marque l’accomplissement de notre voyage spirituel, le point d’orgue où notre anxiété devient heureuse, où le rock psyché et l’electronica forment une union ténébreuse. Les notes synthétiques infinies et subtiles de The Pegs and the Moon présagent le flottement aérien que nous expérimentons à l’écoute d’Adventure in Minor Scale, temps de repos délectable qui trouvera son climax lors de la danse finale des orgues électroniques.
Tomaga bouscule nos habitudes en termes d’écoute et nous démontre ici toute la capacité du son à pouvoir s’implanter dans notre imaginaire. Le son devient matière, il habille l’air. Familiar Obstacles, c’est un parcours de vie, les sons minimalistes qui en découlent nous font traverser des moments en proie aux doutes puis nous font espérer à nouveau, ils nous baladent d’émotions en émotions sans jamais nous irriter. Ce ne sont pas des obstacles que nous trouvons sur notre chemin à l’écoute du nouvel EP de Tomaga mais des pierres brutes d’une pureté et d’un étincellement sans équivoque.
Tomaga – Familiar Obstacles (Hands In The Dark, 27 Octobre 2015)
Side A
1.Train For Owl
2. Hibernation Theme
3. Lettere di Pezza
4. Central Position
5. Fugue State in Marbles
6. Central Position (reprise)
7. Over the Cracks
8. Downpurge
9. The Knight with Four Hands
Side B
1. Frog March
2. Brutal Gravity
3. Microns in Amber Light
4. Bethnal Grey
5. Special Bass Line for Alan
6. Biscuit Tin
7. The Pegs and the Moon
8. Adventure in Minor Scale
9. Giant Cosmic Tear
10. Closing Thrum
Écrit par: Elora Quittet
Familiar Obstacles Hands in The Dark Tomaga
Hier, sans aucune forme de prétention, nous cherchions à transcrire et à réfléchir notre époque. Curieux et audacieux, défricheur passionné, nous explorions sans oeillères et à travers un contenu éditorial toujours riche
et exigeant l’ensemble des strates qui composaient le monde bouillonnant de la musique indépendante, ses marges souvent nichées dans le creuset du web comme le halo médiatique qui entourait certains. Mais çà c’était avant. Aujourd’hui, on fait ce qu’on peu !
dieu vous le rendra….
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