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À l’image de son animal totem, Tortoise traine depuis 20 ans sa carapace expérimentale avec l’assurance et la nonchalance d’un reptile séculaire qui donne l’impression d’avoir plus d’une vie devant lui. Fidèles parmi les fidèles du label Thrill Jockey qui ne leur reprochera que l’écart d’une unique et désobligeante collaboration avec Bonnie Prince Billy, les Chicagoans sortent en 2016 de leurs sept ans de réflexion, sans Monroe mais avec onze pistes au panache savamment calculé. Cloisonnés malgré eux dans un registre post rock dont ils cherchent à s’extraire album après album, les cinq dilettantes, esthètes jusqu’aux coutures de leurs chemises à carreaux, débilitent à nouveau les accros de la classification musicale en explosant les genres, au point que chaque nouvelle galette fait passer la précédente pour une ébauche.
Rebondissant sur son Beacons of Ancestorship de 2009 qui affûtait adroitement le bistouri d’un rock instrumental et complexe nourri d’expérimentations électroniques trop riches et nombreuses pour le restreindre au préfixe “postâ€, Tortoise semble avoir définitivement mis au rancart vibraphones et marimbas, rhabillant son approche pluristylistique d’une contemporanéité qui ne rompt cependant pas avec sa personnalité. C’est nouveau, mais pas tant. Et si on retrouve les éléments qui ont fait du quintet une des références de la musique instrumentale, notamment un fondement jazz omniprésent et cohésif qui permet au groupe d’étirer ses compétences tentaculaires dans n’importe quelle direction artistique, The Catastrophist a un accent plus pop que ses aïeux, plus ambient aussi. La nouveauté, on la note encore dans la voix, dont l’utilisation, surprenante pour un groupe au mutisme caractéristique, parsème l’album de mélodies soufflées ici par Georgia Hubley de Yo La Tengo (Yonder Blue), réverbérées là par Todd Rittmann d’US Maple / Dead Rider (Rock On).
À l’origine du projet, il y a cette commande de la municipalité de Chicago en 2010, qui entendait témoigner de la diversité et de la vitalité de l’histoire musicale de la ville. Il ne faut pour autant pas compter sur un medley grand écart entre blues, hip-hop et house: en bon premier de sa promo, le groupe a préféré glisser dans son style personnel des éléments d’identification, des conventions plutôt que des techniques, et c’est sans doute ce qui en fait l’album le plus électronique et ambient de leur discographie. On peut certes isoler quelque renvoi discret à la deep house dans The Clearing Fills et son clubbing étouffé, camouflé sous de gracieux arpèges guitare/piano, ou s’amuser à penser que Shake Hands With Danger ferait une instru hip-hop plutôt décente. Mais les digressions ne vont pas plus loin que l’allusion et la Tortue continue à jalonner sa route expérimentale de repères qu’elle connaît et maîtrise: jazz, rock, dub, prog, kraut dans un enchevêtrement dompté avec une rigueur mathématicienne. C’est discipliné et doux; et si effectivement le monde court à la catastrophe, ce nouveau Tortoise permet d’éviter qu’en chemin il ne se prenne les pieds dans le tapis musical.
Tortoise – Rock On (David Essex cover)
Tortoise – The Catastrophist (Thrill Jockey, 22 janvier 2016)
01. The Catastrophist
02. Ox Duke
03. Rock On
04. Gopher Island
05. Shake Hands With Danger
06. The Clearing Fills
07. Gesceap
08. Hot Coffee
09. Yonder Blue
10. Tesseract
11. At Odds With Logic
Écrit par: Ted Supercar
The Catastrophist Thrill Jockey TORTOISE
Hier, sans aucune forme de prétention, nous cherchions à transcrire et à réfléchir notre époque. Curieux et audacieux, défricheur passionné, nous explorions sans oeillères et à travers un contenu éditorial toujours riche
et exigeant l’ensemble des strates qui composaient le monde bouillonnant de la musique indépendante, ses marges souvent nichées dans le creuset du web comme le halo médiatique qui entourait certains. Mais çà c’était avant. Aujourd’hui, on fait ce qu’on peu !
dieu vous le rendra….
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