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Sous le nom de Vessel, étrange pseudonyme rappelant autant la soumission que l’ordre hiérarchique féodal, se cache le jeune Sebastien Gainsborough qui, du haut de ses tout jeunes 22 printemps, fait montre d’un talent rare dans la construction d’architectures musicales décharnées, oppressantes, transpirant la claustrophobie. Après une poignée d’EP signés sur Left_Blank, le producteur originaire de Bristol nous livre ici son premier LP, intitulé Order Of Noise, tout juste paru sur l’incontournable label new-yorkais Tri Angle. Il faut dire que la très candide maison de disque de Robin Carolan n’a pas son pareil pour dénicher les oiseaux rares au talent précieux (How To Dress Well, Holy Other, Clams Casino, oOoOO, Evian Christ…), revigorant l’IDM à renfort de sub-bass et de hip-hop fantomatique. Un discipline sur laquelle beaucoup (Rephlex, Planet Mu, pour ne citer qu’eux…) se sont souvent cassés les dents. Rien d’étonnant donc de retrouver dans la musique de Vessel un savoureux alliage du dubstep pluvieux d’un Burial et des expérimentations post-atmosphériques crépitantes d’un Balam Acab.
Mais comme nous nous y attendions, Order Of Noise est un album bien plus complexe qu’il n’y paraît, fait de chausse-trappes, de fausses pistes, etc., qui peuvent dérouter l’auditeur au cours de la première écoute. Notamment des titres comme Vizar, ouvrant l’album, symphonie ambient portée par une voix plaintive et lancinante, coulant comme des gouttes de pluie sur le bitume. Stillborn Dub, quant à elle, porte bien son nom. Une rythmique downtempo et ciselée, lugubre à souhait vient hanter le morceau déjà rendu effrayant par une nappe spectrale. Si on passera rapidement sur Images Of Bodies, légèrement moins inspirée, on s’arrêtera volontiers sur Silten, concassage de breaks downpitchés qui rappelle les grandes heures de la maison Hyperdub. Enfin, encore une fois, même si le track est plus lumineux, l’ambiance n’est pas aux pétillances et aux bulles de savon – Sebastien balance des kicks lourds s’entrechoquant à des boucles de synthé schizoïdes. Et le ton le ne s’améliore pas sur Lache, OVNI hard-house passé au compresseur glitch, qu’on imaginerait tout droit sorti du répertoire d’Actress. Et si l’on retrouve sur Aries la mélancolie et le charme funeste des premiers morceaux, on sent aussi l’atmosphère se charger de tension. Un fait qui se vérifie sur le troublant Scarletta, perle IDM qui nous fait tout de suite penser à Alva Noto ou encore Sleeparchive, mais encore et surtout Planes Curves, obus techno déstructuré, débutant sur une longue intro presque planante avant de s’abandonner dans un enchevêtrement de beats et de nappes syncopées, frappé par un pied furieux. Le très court Temples fait le grand écart entre prouesses 8-bits expérimental et IDM malingre tandis que Court Of Lions nous plonge une nouvelle fois avec déliquescence dans les affres d’une techno anxieuse, poussiéreuse et alerte. La même pour laquelle on s’encapuchonne pour pogoter dans les bunkers délabrés des quartiers est-berlinois.
Villaine clôture sublimement l’album, synthèse et apothéose d’une course musicale en montagne russe. Vessel se pose alors en architecte de l’ombre, dessinant des partitions prenant forme dans nos esprits, s’imprégnant autant de nos rêves que de nos cauchemars. Un ensemble jouissif qui sans être complètement homogène fait montre d’une virtuosité rare et nous permet de découvrir un artiste à suivre assurément.
Vessel – Order Of Noise (Tri Angle, 2012)
01. Vizar
02. Stillborn Dub
03. Images Of Bodies
04. Silten
05. Lache
06. Aries
07. 2 Moon Dub
08. Scarletta
09. Plane Curves
10. Temples
11. Court Of Lions
12. Villaine
Écrit par: hartzine
Hier, sans aucune forme de prétention, nous cherchions à transcrire et à réfléchir notre époque. Curieux et audacieux, défricheur passionné, nous explorions sans oeillères et à travers un contenu éditorial toujours riche
et exigeant l’ensemble des strates qui composaient le monde bouillonnant de la musique indépendante, ses marges souvent nichées dans le creuset du web comme le halo médiatique qui entourait certains. Mais çà c’était avant. Aujourd’hui, on fait ce qu’on peu !
dieu vous le rendra….
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Vaisselle sur 08/11/2013
Ce disque comporte des remerciements à Jacques Attali pour son ouvrage Noise, The political economy of Music qu’est d’ailleurs un excellent livre. Si Vessel vous intéresse, je ne peux que vous pousser à lire cet ouvrage. D’ailleurs c’est par hasard que j’ai compris pourquoi Vessel avait nommé son LP comme ça, simplement à cause du chapitre Order Of Noise. Très bonne chronique !