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Warp : vingt ans d’histoire, deux mixes

today31/03/2010 579

Arrière-plan
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warp-logoEn 2009, le label de Steve Beckett et de feu Rob Mitchell a fêté durant toute l’année 2009 et aux quatre coins du monde son vingtième anniversaire. De la même façon qu’en 1999, où Warp soufflait ses dix bougies en égrenant trois compilations majeures Influences, Classics et Remixes, asseyant Sheffield au centre de l’échiquier électronique, les compilations Chosen, Recreated et Unheard, présentées toutes trois l’année dernière, constituent tant une lecture réflexive de son passé qu’une vision prémonitoire d’un futur à inventer. A l’heure d’un troisième manifeste – après les compilations Artificial Intelligence I (1992) et II (1994) et celles précitées de 1999 – et à l’aune d’une importante série d’événements live – la tournée Warp 20 à Paris, Londres, Tokyo, Berlin – reste à savoir ce qui nous attend. Si le programme semble accessible et varié, n’en déplaise aux puristes, il reste attrayant et novateur. Visite guidée en deux mixes et détour par vingt ans d’histoire musicale.

« Sans Warp Records, je serais devenu un vieux grincheux débordant d’amertume et je vivrais dans un réfrigérateur. C’est vrai. Au milieu des années 90, la pop a failli me faire expulser de chez moi. […] J’avais perdu tout désir de seulement écouter un disque. Je me sentais tellement découragé par ce médium qui se mordait la queue et ne circulait plus qu’en cercle restreint que mes écrits étaient devenus tristes et mornes. Ce qui signifie que les éditeurs n’eurent plus envie de me publier. […] Je mentirais en disant que la séminale compilation Artificial Intelligence a immédiatement charmé mes perspicaces oreilles de critique. La vérité est vraiment ailleurs. […] Mais l’idée de morceaux composés dans la perspective d’une consommation intime et contemplative – et non dans celle d’un partage communautaire entre raveurs et sueur – parlait d’or à la tendance misanthrope de mon caractère »
Kurt B. Reighley, Downtempo – Modulation – 2007, ed Allia p 217-p234

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Le label Warp fait partie de ces labels anglais qui, par leur démarche ingénieuse et minutieuse, ont façonné un pan entier de la musique contemporaine. Dans les années quatre-vingt -dix, signer sur Warp signifiait faire de la musique électronique difficile, d’une alchimie contrariant le mainstream et avariant le dancefloor. D’une certaine façon, Warp est à la musique électronique ce que Factory Records (1978 – 1992) fut pour le post-punk mancunien et Sarah Records (1987 – 1995) pour la twee-pop. A savoir, le presque dénominateur commun de tous les groupes gravitant autour de ces courants musicaux. Par l’intransigeance de leur démarche artistique, leur identité visuelle forte (Peter Saville pour Factory, the Designers Republics pour Warp) et la cohérence assumée de leurs sorties, ces labels sont devenus des références incontestées – sans être pour autant incontestables – tout en gardant de raisonnables distances avec les potentats internationaux de l’industrie du disque.

Ville autrefois reconnue pour son glorieux passé sidérurgique, Sheffield connaît en 1987 un des taux de chômage les plus élevés du pays. Margaret  Thatcher entame son troisième mandat. La désinsdustrialisation est menée à marche forcée, les syndicats sont brisés, l’acier sera désormais coulé en Inde. La jeunesse, dénuée de perspectives et enserrée de vastes espaces de métal moribonds, s’ennuie ferme. Elle va pourtant entrer en résistance. Si les abords de la ville ressemblent à un désolant paysage d’après guerre, la nuit aidant, l’amas de friches industrielles et de hangars à l’abandon se convertit en un formidable terrain de jeu et de danse. L’ecstazy se répand comme une tache d’huile à mesure que l’influence de l’acid-house, importée de Chicago, s’abat sans vergogne à coups de Roland TB-303 sur les dancefloors d’Albion. De nombreuses raves s’initient sur les ruines du capitalisme honni. Comme à Manchester, le phénomène prend une telle ampleur qu’une scène commence à émerger : le bleep anglais vient d’éclore. En 1987, Steve Beckett et Rob Mitchell tiennent la boutique FON, pour fuck of nazis, dans un hangar désaffecté, à savoir, un magasin de disques déclinant avant tout la bonne parole acid-house venue de Chicago, mais aussi celle, plus froide, professée à Détroit par le collectif Underground Resistance. 1989, les dés sont jetés : le duo fonde Warped Records (disques gondolés) qui deviendra très vite, par commodité de langage, Warp.

robandsteve2-oldSi la destinée de Factory Records reposait, peu ou prou, sur les épaules de Tony Wilson et d’Alan Erasmus, et que celle météorique de Sarah était portée à bout de bras par Clare Wadd et Matt Haynes, ce sont Steve Beckett et Rob Mitchell, qui à contre courant de l’agonisante madchester et des vagues techno house importées des US, décidèrent de lancer des artistes explorant une dimension déviante de la musique électronique, couplant l’intimité de l’écoute à la subversion des codes établis (harmonie, rythmes). Il y avait deux manières immédiates et spontanées d’appréhender la cohorte de laborantins visionnaires que trimballait Warp dans ses cartons : la première en n’y comprenant rien, telle une radicale étrangeté, à la fois magnétique et insupportable. La seconde, en disséquant tout, étirant les compositions et leur compréhension sur des bases quasi-scientifiques. Pour Sean Booth, moitié d’Autechre, cette alternative se retrouvait au coeur même de la création de ce que certains ont dénommé l’Intelligent Dance Music (IDM) : « Notre camarade Tom Jenkinson, qui enregistre sous le nom de Squarepusher, est autodidacte, mais en même temps il en sait pas mal. Et il est d’accord avec nous : soit tu sais tout, soit tu ne sais rien du tout. Il n’y a pas de juste milieu. C’est dans la recherche du juste milieu que les gens échouent. » Aucune demie-mesure n’était donc concevable au moment-même où la décennie embrayait sur une simplification commerciale du fond et de la forme : l’ère du Beat opérait la jonction entre rock et techno (Prodigy), quand la techno elle-même se vidait de sa substance « en raison du nombre de plus en plus grand de morceaux interchangeables qui se contentaient de reproduire des formules codifiées : les rafales de Roland TR-808 et TB-303, les riffs ultra rapides de piano et les chants plaintifs de divas extraits arbitrairement de longs passages lyriques »Â (Kurt B. Reighley, précité).

C’est en ce sens que la carrière de critique de Kurt B. Reighley fut sauvée : il se heurta frontalement aux déclinaisons warpiennes d’Autechre à Aphex Twin, en passant par Boards of Canada ou Plaid, choc qui le ramena à la passion d’écrire et de s’émouvoir. Et c’est en ce sens que l’on peut lancer la question qui taraude le tout un chacun du milieu électro-techno : le label Warp n’est-il pas en train de cramer ce qui a fait son succès ? Par sa stratégie d’ouverture vers les continents pop, folk, rock ou hip-hop, et par une moindre radicalité dans le choix d’artistes signés, Warp ne tend-il pas vers une dilution de son identité originelle et donc vers un destin de plus en plus commun ? Warp, muni de son troisième manifeste lancé en 2009, est-il encore en mesure de provoquer l’attrait sans demi-mesure d’antan ? Si la réponse est sans doute dans la question, il n’y a aucune urgence pour jeter le bébé avec l’eau du bain : si le noyau originel se contracte, le champ des possibles, lui, s’agrandit.

Laissez vous guider en deux mixes – les fondations, les évolutions – qui, s’ils n’ont pas la prétention de l’exhaustivité, permettent un début de réponse. Après, à vous de faire vos jeux. Et pourquoi pas, de nous les exposer.

Audio

mix 1 : fondations


mix 2 : évolutions

Infos

artistes signés sur Warp

!!!, Anti-Pop Consortium, Aphex Twin, Autechre, Battles, Beans, Bibio, Boards of Canada, Broadcast, Brothomstates, Chris Clark, Drexciya, Flying Lotus, Gravenhurst, Grizzly Bear, Home Video, Jamie Lidell, Jackson & his Computer Band, Jimmy Edgar, Leila, Lfo, Luke Vibert, Maxïmo Park, Mira Calix, Nightmares on Wax, Pivot, Plaid, Plone, Prefuse73, Richard Devine, Russell Haswell, Squarepusher, Tim Exile, Tortoise, Two Lone Swordsmen, Tyondai Braxton, Vincent Gallo.


passé + présent = futur : warp 20, un nouveau manifeste : le tracklisting WARP20

warp20

chosen

chosen

disc 1: as chosen by fans
01 – aphex twin – windowlicker
02 – boards of canada  – roygbiv
03 – squarepusher – my red hot car
04 – battles – atlas
05 – lfo – lfo (leeds warehouse mix)
06 – plaid – eyen
07 – luke vibert – i love acid
08 – autechre – gantz graf
09 – jimmy edgar – i wanna be your std
10 – clark – herzog

disc 2: as chosen by Warp co-founder Steve Beckett
01 – broadcast – tender buttons
02 – squarepusher – my sound
03 – boards of canada – amo bishop roden
04 – battles – race : out
05 – flying lotus – gng bng
06 – black dog productions – xeper – carceres ex novum
07 – nightmares on wax – i’m for real
08 – mike ink – paroles (original)
09 – aphex twin – bucephalus bouncing ball
10 – jamie lidell – daddy’s car
11 – squarepusher/afx – freeman hardy & willis acid
12 – seefeel – spangle
13 – autechre – drane

recreated

recreatedjpegDisc 1
01 – born ruffians – milkman/to cure a weakling child (originals by aphex twin)
02 – jimi tenor – japanese electronics (original by elecktroids)
03 – maximo park – when (original by vincent gallo)
04 – tim exile – a little bit more (original by jamie lidell)
05 – rustie – midnight drive (original by elecktroids)
06 – luke vibert – lfo (original by lfo)
07 – autechre – what is house? (flo remix) (original by lfo)
08 – russell haswell – cabasa cabasa (original by wild planet)
09 – clark – so malleable (original by milanese)
10 – diamond watch wrists – fool in rain (original by pivot)
11 – hudson mohawke ft. wednesday nite – paint the stars (original by jimi tenor)

Disc 2
01 – mark pritchard – 3/4 heart (original by balil – black dog productions)
02 – mira calix with oliver coates – in a beautiful place out in the country (original by boards of canada)
03 – pivot – colorado (original by grizzly bear)
04 – bibio – kaini industries (original by boards of canada)
05 – jamie lidell – little brother (original by grizzly bear)
06 – leila – vordhosbn (original by aphex twin)
07 – john callaghan – phylactery (based on tilapia by autechre)
08 – gravenhurst – i found the f (original by broadcast)
09 – plaid – on my bus (original by plone)
10 – seefeel – acrobat (original by maximo park)
11 – nightmares on wax – hey hey, can u relate

unheard

unherad01 – boards of canada – seven forty seven
02 – plaid – dett
03 – autechre – oval moon (ibc mx)
04 – elecktroids  – elecktroids bonus circuit
05 – vlark – rattlesnake
06 – plaid  – sam lac run
07 – nightmares on wax  – mega donutz dub
08 – nightmares on wax – biofeedback dub
09 – flying lotus  – tronix
10 – broadcast  – sixty forty
11 – seefeel – as link

Écrit par: Thibault

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