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GusGus, le 3 décembre 2014, La Maroquinerie
Tout plaisir coupable vient d’un malaise sur une question de goût. « J’aime ça, mais ce n’est pas bien, je craindrais de m’exposer au jugement des autres en le revendiquant ». Et le plaisir n’en ressort que décuplé. En effet, aimer GusGus, c’est compliqué. Sur le spectre esthétique de l’électro indé, c’est comme aimer de porter une chemise clinquante de chaudasse à 300 euros, ou mater un sous-genre vraiment rococo de porno, voire mettre du parfum. Pourtant, ça va, on est en 2014, le crossover entre mainstream et underground est devenu tellement mainstream qu’aimer Rihanna est presque devenu un truc de poseur et que même nos parents ont compris que LIES c’était bien. Pourtant, GusGus est dans une zone grise. Débuté comme un projet de pop middle of the road dans les 90s, les Islandais ont progressivement viré house de backroom depuis, jusqu’à signer en 2009 sur Kompakt et ainsi rentrer par la grande porte sur le domaine de l’électro qui s’écoute. Le problème, et donc l’attrait, c’est le mélange : un gros son analogique bien crémeux sur une tech-house de pétasse, des vocaux over-the-top qui mêlent transe 90s, cabaret gay et eurovision pour des morceaux pop grandiloquents et sentimentaux, mais bizarrement classes. Et derrière tout ça, on identifie pourtant un sens de l’humour vaguement pervers, voire un dandysme malsain, comme sur le clip de leur récent single Crossfade, sorte drame Bergmanien autour d’une piscine qui semble être le fruit d’une rencontre entre David Guetta et Fassbinder.
En tout cas, la Maroquinerie était pleine le 3 décembre dernier pour leur concert, ce qui n’est pas le cas d’un paquet de groupes qui passent par là . Mais qui sont les fans de GusGus ? Quel est leur réseau ? C’est assez simple : il est gay à 70%, avec option bear club de province en version bon enfant, ce qui nous change un peu des nerds qu’on croise habituellement ici. C’est d’ailleurs l’occasion d’un des commentaires les plus pertinents sur la Maroq de la part d’un primo-visiteur : « l’hallu : y’a pas de dancefloor », et on se dit qu’effectivement ça aurait été pratique pour Swans ou Thee Silver Mont Zion. Après une première partie embarrassante qui s’apparenterait à Gnarls Barkley se mettant au dubstep, la moitié son du quatuor ouvre avec le morceau-titre instrumental du Mexico qu’ils ont sorti cette année, avant que ne débarquent les deux vocalistes, et c’est là qu’il faut assumer. Daniel Agust, celui qui fait les vocalises les plus camp, est un petit bonhomme fascinant aux airs précieux et perfides, qui vagabonde sur le plateau en dansant dans une chemise à lanières. Högni Egilsson, celui qui fait plus lover, est un viking à cheveux longs qui se trémousse dans un débardeur or-transparent et se lance dans des chansons françaises pendant les breaks. C’est du lourd, et pourtant, malgré un ensemble aussi cheesy, tout fonctionne, avec une certaine intelligence même.
Le très bon set-up 2 chanteurs/2 mecs aux machines permet une souplesse et une chaleur rarement vues dans des sets électro-pop, souvent relayés au niveau de blague théâtrale ou de playback post-moderne. Restituées en live, toute la grâce et la finesse du son GusGus apparaît, et sous l’excès, un certain bon goût émerge. Mexico a en fait transposé la house vocale high-fidelity de DK7, Richard Davis ou Swayzak dans un bain de subversion queer saupoudré de pincements salaces. Le rendu est tout simplement drôle et puissant, à l’image d’Obnoxiously Sexual dont les arrangements et le titre doivent tellement aux Pet Shop Boys, ou de Within You, dégoulinante love-song main au coeur sublimée par une électronique épaisse mais bien dosée. C’est aussi le cas de l’inavouable Crossfade, hymne de techno-transe boursouflée aux vocaux luxueux que mille producteurs d’EDM rêveraient de mettre au monde, mais n’ont tout simplement pas le sens de l’écriture et de la décadence pour le faire. Le tout servi par une formule live coquine et généreuse, il s’agit peut-être, toute honte bue, d’un des meilleurs concerts de l’année, débardeur transparent ou pas.
Écrit par: Thomas Corlin
Hier, sans aucune forme de prétention, nous cherchions à transcrire et à réfléchir notre époque. Curieux et audacieux, défricheur passionné, nous explorions sans oeillères et à travers un contenu éditorial toujours riche
et exigeant l’ensemble des strates qui composaient le monde bouillonnant de la musique indépendante, ses marges souvent nichées dans le creuset du web comme le halo médiatique qui entourait certains. Mais çà c’était avant. Aujourd’hui, on fait ce qu’on peu !
dieu vous le rendra….
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